La vielle Solheid comme point de départ d’un tour d’horizon des musiques traditionnelles populaires en Wallonie

Chloé Suain

C’est le titre du travail de fin d’études musicologie de Chloé Suain à l’UCLouvain (année académique 2020-2021) qui a contacté le Canard Folk (et d’autres personnes) pour témoigner. Chloé a bien voulu nous transmettre une version réduite de son tfe – elle fait quand même 30 pages…Nous avons demandé à Chloé de situer son travail et d’expliquer quels sont ses rapports au folk.

Marc Bauduin.

Q : Chloé,tu parles à la fois d’une très ancienne vielle à roue et du folk actuel. Comment fais-tu le lien?

R : Mon point de départ est la vielle Solheid (XVIIIe) conservée au MIM (Musée des Instruments de Musique) , et je l’ai élargi à la musique traditionnelle de Wallonie (XVII/XIXe-XXe-XXIe sècles).Je voulais que mon travail fasse un cheminement entre le travail du ménétrier, illustré par la vielle Solheid qui est une vielle rustique diatonique, et la copie que Jacques Fettweis a réalisée, qui est une vielle chromatique et qui illustre le mouvement folk du XXe siècle. Le pont est fait par ce biais

Je voulais que la ligne de conduite soit les acteurs qui font vivre cette musique, de façons parfois très différentes. Je me suis pas mal heurtée au manque de documentation (logique pour une tradition orale), et donc je voulais faire parler les gens et illustrer leur propos grâce à la documentation que j’ai trouvée.

Q : Qu’on emploie le terme « folklorique », « populaire» ou » traditionnel », est-ce important pour toi?

R :Quand je dis populaire, c’est dans le sens « par et pour le peuple » et pas « qui a du succès ». Mon travail porte sur la musique traditionnelle/populaire, disons dans l’esprit. J’ai l’impression que le mot folklore est un peu devenu péjoratif pour désigner une culture figée en costume de musée. Personnellement je ne porte aucun,jugement de valeur. J’ai aussi l’impression qu’il y a justement une différence entre ceux qui privilégient la forme (peut-être folklorique) et ceux qui privilégient l’esprit (populaire).

J’ai limité à la Wallonie, mais la proportion de groupes jouant de la musique de leur propre région et celle de ceux qui mélangent peut être intéressante. J’ai l’impression de commencer (c’est pas trop tôt) à capter que, même s’il est toujours plus facile de mettre les gens et les arts dans des cases pour les étudier (et pour,écrire à leur propos) r dans la réalité les gens font bien ce qu’ils veulent. En fait tout peut être intéressant. Le fait qu’il y ait des rigoristes autant que le fait qu’il y ait des gens qui mélangent (styles et époques). Finalement ma réflexion est peut-être de comprendre ce qui fait la musique populaire/traditionnelle pour les gens qui la jouent, et qui n’est peut-être pas en accord avec les définitions académiques. J’ai l’impression que la dimension pédagogique et de

Chloé Suain

partage est aussi constitutive de ces musiques.

Q : Joues-tu de la musique?

R : Je joue (très mal) de la guitare, disons juste pour m’accompagner quand l’envie me prend de pousser la chansonnette dans mon salon (chose qui n’est plus arrivée depuis un bail). J’ai aussi fait une formation en lutherie guitare à Limal. Je ne m’étais jamais vraiment intéressée à la musique folk, à part peut-être le côté américain, Bob Dylan, bien sûr. Mais j’ai découvert un monde passionnant et je me suis découvert un grand intérêt pour la région de mes aïeux: la région liégeoise, le Pays de Herve, ainsi que pour les paysages ardennais. J’ai aussi eu un petit coup de cœur pour la langue wallonne, moi qui croyais être une Bruxelloise convaincue.

(entretien paru dans le Canard Folk de février 2022)

Voici donc la version réduite du TFE de Chhloé Suain:

 

La vielle Solheid

comme point de départ d’un tour d’horizon.

des musiques traditionnelles populaires

en Wallonie

 

INTRODUCTION

La vielle à roue est un instrument plein d’histoires, elle a parcouru toutes les époques avec plus ou moins de succès. Elle a été l’objet de différentes modes, mais aussi de nombreuses passions. La vielle a, tour à tour été instrument d’église, gagne-pain des mendiants, curiosité des salons bourgeois et des sorties pastorales, instrument dansant des bals populaires et objet folk.

Je vais essayer par cet article de parcourir l’aspect le plus local de la vielle en partant de la vielle Solheid comme point de départ. (1) . L’instrument est arrivé au Musée des Instruments de Musique de Bruxelles en 2013 grâce à un don de la famille Solheid. Elle présente une forme caractéristique de tièsse di tch’vå  (2), c’est-à-dire une forme de tête de cheval. Cette forme est rarement évoquée dans la documentation sur la vielle à roue. En effet les ouvrages sur la vielle à roue s’attachent surtout aux vielles françaises à travers l’histoire. Le parcours français de la vielle à roue est plutôt bien documenté, en particulier son histoire parisienne de cour, aristocrate et bourgeoise. Le répertoire écrit et l’iconographie est très fourni. La vielle Solheid n’appartient pas à ce monde-là, avec son aspect rustique et paysan, elle est donc une rareté avec une histoire aussi mystérieuse que son aspect extérieur et surtout intérieur… Nous verrons que tout est sujet à discussion à propos de cette fameuse vielle. Même la forme en tête de cheval est discutée. Tous ne s’accordent pas sur sa signification : parfois cette forme est évoquée pour les vielles en forme de guitare ou de luth. Je suivrai sur ce point l’avis de Wim Bosmans, qui dans son article, explique que les vielles en tiesse di tch’vå sont bien antérieures aux vielles françaises en luth ou en guitare, qui ne sont apparues que vers 1720.(3)

Dans cet article je vais essayer de parcourir la vie musicale traditionnelle et populaire en Wallonie. Je vais laisser la vielle Solheid être mon fil conducteur, en parlant du monde qui a pu l’entourer à l’époque de son utilisation, et ensuite de ce qui a pu découler de sa rencontre avec Jacques Fettweis. Après une introduction générale, je vais donc plutôt me concentrer sur la région où la vielle Solheid a été découverte : Verviers, Spa, Stavelot et leurs alentours avec quelques détours du côté de la Province du Luxembourg, Marche-en-Famenne, Bastogne : Les Ardennes.

Je vais tenter de définir les contours de la musique traditionnelle populaire en marquant quelques étapes autour d’évènements et personnages importants. Peut-on réellement figer par des mots écrits une culture orale et extrêmement mouvante ?

 

LA VIELLE SOLHEID

Plan de la vielle Solheid, réalisé par Jacques Fettweis (4)

 

Comme dit dans l’introduction, l’instrument de la famille Solheid a une histoire mystérieuse et donc fort discutée. Il parait admis que la vielle est restée dans la famille Solheid, de Valentin (1834 – 1921) à Marie-Brigitte Hosten pendant environ 180 ans. Pour ce qui est de son histoire antérieure à 1834, les données sont moins claires et la version familiale semble contestée. En effet, il est raconté que l’instrument aurait été apporté dans la région liégeoise à la fin du XVIème siècle par un ancêtre français et huguenot après des persécutions vécues dans son pays. Cette histoire peut déjà être contestée par la lecture de l’ouvrage de François Toussaint sur l’histoire des vieilles familles de Waimes.(5) (Selon cet ouvrage, les ancêtres des Solheid auraient déjà été présents à Waimes au début du XVIème siècle, même si le nom n’apparait qu’au XVIIème siècle (première occurrence en 1613: Johan de Solheid, dit aussi Nocent et du Spineux) (6). François Toussaint nous raconte également que les Solheid furent très prolifique et que des familles portant ce nom émigrèrent en Allemagne (7). Est-ce là une piste sur la provenance de la vielle, plutôt apportée par un aïeul germanique et donc beaucoup plus tard que le XVIème siècle ? Ou, comme suggéré par Wim Bosmans, serait-elle bien arrivée avec un huguenot, mais après l’Edit de Nantes  et donc après la fin du XVIIème siècle?(8) ( Comme détaillé plus loin dans la description, il est en tout cas permis de douter de la provenance française de l’instrument, compte tenu de sa forme qui fait tout à fait penser aux vielles allemandes.

Vielle Solheid

 

Dans l’inventaire des différentes formes de vielles à roue de Marianne Bröcker (9) il n’est pas fait mention de la forme en « tête de cheval » de la vielle Solheid. Pourtant elle énumère et décrit pas moins de 50 formes différentes. Elle fait mention des vielles villageoises allemandes des XVIIème et XVIIIème siècles, mais la forme ne correspond pas. La description organologique se rapproche pourtant de la vielle Solheid: un faible nombre de cordes, un clavier diatonique et une ornementation sommaire. Elle dit également que ces instruments villageois de ménétriers sont issus d’une tradition populaire et sont donc peu influencés par les instruments de l’époque, ce que dit également Wim Bosmans dans son article consacré à la vielle Solheid. (10)

Tiesse di tch’va est le nom qu’on donna à cette forme de vielle en Wallonie. Cette appellation est due à sa forme en tête de cheval. On en trouve une mention en 1584 lors d’un procès à Bolland dans le pays de Herve. La défenderesse déclara qu’elle avait vu un menestré et sa teste de cheval (l’instrument ainsi appelé). Cette dénomination s’est appliquée également plus tard aux instruments qui ont succédé à la vielle à roue : l’orgue de barbarie et l’accordéon (11).

Une autre vielle conservée en Belgique présente cette forme de tiesse di t’chva: la vielle n°1479 du Musée des Instruments de Musique de Bruxelles(12). Ce modèle de vielle à roue est mentionné comme le type 16 du référencement de Susann et Samuel Palmer.

En forme de cœur et avec des cotés incurvés. Les vielles de ce type n’ont pas de tête, seulement un cheviller massif et carré. Le jeu est souvent diatonique, il y a rarement plus de 4 cordes, trompette incluse. La différence organologique la plus notable est l’arrangement pour la trompette qui est semblable à celui des vielles d’Europe de l’Est, c’est-à-dire que le tirant de la trompette n’est pas directement enroulé sur une cheville qui est enfoncée dans le cordier, comme sur les vielles françaises, mais est enroulé sur une cheville enfoncée dans une sorte de chevalet parallèle au cordier et qui comporte aussi le chien (13).  En étudiant les différents types de vielles répertoriées par Susann et Samuel Palmer, on se rend compte qu’il est rare de retrouver un bourdon passant par le boitier, ce bourdon plus fin et donc plus aigu appelé « mouche » se trouve plus généralement à l’extérieur du boitier à côté de la trompette. Les cordes passant par le boitier de la plupart des vielles à roue sont des cordes mélodiques, les chanterelles raccourcies grâce à des sautereaux, animés par les touches. Le fait que cette «mouche» passe par le boitier n’est pas sa seule particularité. En effet elle peut également être raccourcie à l’aide de cinq sautereaux ce qui est tout à fait inhabituel. Elle présente également l’étrangeté d’être attachée au cordier de façon excentrée, ce qui n’apparait jamais sur tous les types de vielles recensées dans l’ouvrage de Susann et Samuel Palmer. Toutes ces bizarreries me font m’interroger sur le fait que peut-être ce serait tout le système de cette « mouche » qui aurait été ajouté ultérieurement, et pas seulement les cinq sautereaux comme suggéré dans l’article de Wim Bosmans. Est-ce que la modification ne partirait-elle pas du sillet de tête qui parait avoir été transformé (pour accueillir cette « mouche » ?), pour arriver dans le cordier, sur lequel on constate une fixation à l’aide d’une pièce de monnaie datant de 1907, en passant par ces cinq sautereaux ?

Sillet de tête -Vielle Solheid

 

Boitier avec les onze sautereaux (moins deux cassés) sur la chanterelle et les cinq sautereaux additionnels sur la « mouche ».

 

Chevalet avec la « mouche » excentrée et attachée à l’aide d’une pièce de monnaie datant de 1907.

 

REPERTOIRE : LA MUSIQUE POPULAIRE EN WALLONIE  AUX XVIIIème et XIXème SIÈCLES

La Wallonie à la croisée de nombreux chemins a brassé toutes sortent d’influences, françaises, bohémiennes, britanniques ou allemandes entre autres. Tisseur de lien social, le mèstré violoneux est l’héritier du jongleur vielleux qui allait de village en village pour faire danser. Jusqu’à la Première Guerre Mondiale, il est aussi le dernier représentant du folklore qui rythmait la vie quotidienne rurale. Quelques manuscrits anciens nous sont parvenus, ils sont rares à cause de toutes les embuches que peuvent rencontrer les témoins d’une culture orale et, à tort, peu considérée par rapport à la culture « classique ». Ils sont l’empreinte d’une société passée mais également de tout ce qui l’a influencée et enrichie.

La vielle à roue ne possède apparemment pas de répertoire spécifique en Wallonie, en effet les instruments privilégiés des ménétriers wallons étaient le violon et la cornemuse. Les vielleux devaient donc probablement transposer ces musiques (14).

QUELQUES MANUSCRITS WALLONS

QUI SONT PARVENUS JUSQU’À NOUS.

Le Manuscrit Wandembrile

Le manuscrit Wandembrile , vient des archives de la ville de Namur. Il date de 1778. Monsieur Wandembrile était violoniste et professeur de danse à Namur. On y trouve un menuet qu’on retrouve dans le manuscrit de Jean-Guillaume Houssa en tonalité de ré, alors que chez Wandembrile il est noté en do. Ce passage de l’un a l’autre manuscrit, non seulement plusieurs décennies plus tard, mais aussi de Namur à l’Ardenne, témoigne de son succès (15).

Une autre hypothèse qui complète la première est que le manuscrit Wandembrile était plutôt destiné aux bals bourgeois, lieu où le menuet était en vogue au XVIIIème siècle avant de se démoder et de trouver le succès dans les campagnes. Plusieurs danses ont fait ces aller-retours entre bals citadins et fêtes de campagnes. Le menuet par exemple était d’abord une danse rurale poitevine à trois temps, peut-être une branle (16). Il fut adopté par les bourgeois et la Cour de Louis XIV puis fut détrôné par la contredanse, et fit son retour dans les kermesses au XVIIIème siècle. Le menuet rustique se danse en groupe comme son ancêtre poitevin, au contraire du menuet de bal qui se danse à deux. Au milieu du XIXème siècle, il était probablement déjà un peu démodé dans les campagnes. L’hypothèse selon laquelle ce manuscrit était destiné aux bals nobles et bourgeois et non aux kermesses de campagne est étayée par le fait qu’il contienne beaucoup de contredanses, qui était la danse la plus à la mode dans la haute société à la fin du XVIIIème siècle.

Le Manuscrit Houssa

Jean-Guillaume Houssa (1790-1863) était un ménétrier originaire de Soy. Il était violoniste aux kermesses de village. Son manuscrit comporte 125 airs de danses de l’époque napoléonienne. Il fut ensuite utilisé jusqu’au XXème siècle par des ménétriers de père en fils de la famille Fanon de Heyd près de Marche (17). Le manuscrit est daté d’après 1845. Au début de son manuscrit, quelqu’un (l’écriture n’est pas la même) a pris la peine de noter quelques considérations pédagogiques de solfège pour pouvoir reproduire ces danses. Par exemple une note de solfège de base à propos des modes majeur et mineur où il précise comment les reconnaitre. Il continue son explication avec une démonstration des intervalles d’usage pour la gamme majeure et la gamme mineure (18). Dans le manuscrit, on retrouve également des instructions chorégraphiques pour bien exécuter les danses. Son répertoire est probablement composé de copies et adaptations de danses étrangères et de transcriptions à l’oreille. Il était sans doute lui-même autodidacte selon Rose Thisse-Derouette.

Le manuscrit comporte 59 contredanses, 14 matelottes, 10 allemandes, 9 walses, 8 anglaises, 5 amoureuses, 2 passe-pieds, 1 menuet. Rose Thisse-Derouette avance l’hypothèse que le nombres de danses serait en directe relation avec l’appréciation du public pour chaque danse. Les contredanses du XVIIIème siècle auraient été les plus demandées dans les fêtes de villages du milieu du XIXème siècle, malgré le fait qu’elles avaient déjà été remplacées par le quadrille dans les bals citadins. Le menuet, étant moins à la mode à cette époque, pouvait être joué à la demande des personnes plus âgées. Des vieux menuets ont également été découvert en décollant la couverture, ils seraient issus d’un recueil plus ancien (19).

Manuscrit Lambert

Jean-Henry Lambert était un ménétrier de Journal-Champlon (20) près de Saint-Hubert. Le manuscrit a été égaré, seulement des reproductions partielles subsistent, cinq ont été publiées (21) et cinq se trouvent au Musée de la Vie Wallonne (22).

A la fin du XIXème siècle dans les Ardennes, subsistèrent les p’titès danses, dérivées des anciens branles et des contredanses du XVIIIème siècle, ce sont les quatre danses les plus appréciées. «Treûs danses â djoweû» et «li passe-pîd po l’ rawète» (23) : la maclote, l’amoureuse, l’allemande et le passe-pied. La maclote existe sous deux formes : l’une, appelée vihè maclote par Houssa est issue d’une gigue de l’Essex en 6/8, arrivée en Wallonie par l’intermédiaire de La Matelote de Raoul-Auger Le Feuillet (24) (1659-1710), retranscrite par Wandembrile et ensuite par Houssa avec quelques modifications ; l’autre est un branle écossais en 2/4, issu de la chanson de marins Soldier’s Joy. La maclote faisant partie des quatre danses évoquées plus haut est la maclote issue de Soldier’s Joy (25). Dans le Condroz elle est appelée Maculotte probablement en référence au saut effectué en tapant des talons contre le postérieur (26). L’origine de la maclote est discutée. Selon Marc Malempré (27) dans une interview publiée en décembre 1984 dans le Canard Folk, elle serait issue d’une contredanse du XVIIIème siècle, elles seraient proches dans les figuration et l’esprit (28).

En règle générale, l’origine exacte de toutes ces danses traditionnelles populaires est relativement difficile à identifier avec certitude, tant elles sont issues de danses parfois anciennes, étrangères, et ont de toute façon été modifiées au fil du temps et des gens qui les ont pratiquées.

 

LE RENOUVEAU FOLK EN WALLONIE

En Belgique, avant le renouveau folk de la seconde moitié du XXème siècle, il existe bien sûr déjà des organismes dédiés au folklore et à la musique traditionnelle. La Société de Folklore Wallon (fondée en 1869), la Société belge du Folklore (fondée en 1926), la Commission nationale de la vieille chanson populaire (fondée en 1932), la Commission nationale du Folklore (fondée en 1937) et la Commission royale belge de Folklore (fondée en 1956) (29). En 1958, la DaPo, Fédération Wallonne des Groupements de Danses Populaires est créée devant le besoin de regrouper et tisser des liens entre les groupes de danse francophones. Ce travail était déjà fait en Flandre par la Volksdans Centrale voor Vlaanderen. Elle s’appelle aujourd’hui la Fédération Wallonne des Groupements de Danses et de Musiques Populaires, en vue d’intégrer également les musiciens et non plus seulement les danseurs. En plus de créer des liens entre les différents groupes de danses et musiques populaires wallons, elle organise également des formations pour les enseignants et des concours régionaux pour les jeunes avec une finale nationale (30).

En 1960, paraît l’ouvrage de Rose Thisse-Derouette (1902-1989) aLe recueil de danses manuscrit d’un ménétrier ardennais : étude sur la danse en Ardennes belges au XIXe siècle (31). Cet ouvrage servira de base à de nombreux musiciens désirant jouer de la musique traditionnelle populaire. On y trouve une étude complète et des retranscriptions du manuscrit du ménétrier Jean-Guillaume Houssa de Soy. Suivra en 1962, la parution de dix fascicules : Danses populaires de Wallonie recueillies et harmonisées par Rose Thisse-Derouette, augmentés à partir du numéro 7 fiches techniques des chorégraphies par Jenny Falize.

Les harmonisations de Rose Thisse-Derouette paraissent être la source d’appréciations diverses auprès des amateurs et commentateurs des musiques populaires traditionnelles. Son étude est louée comme un acte fondateur qui a permis la redécouverte et l’exploitation des musiques par les passionnés ; mais elle est également source de critiques concernant l’harmonisation de pièces qui n’en demandaient peut-être pas tant, et des ajouts personnels non renseignés et non référencés. Libre à chacun de s’en servir et d’y piocher ce qu’il trouvera pertinent pour sa pratique.

Les premières tentatives d’études et de rassemblement des acteurs de la culture folklorique en Wallonie (32).

En 1962, le Syndicat d’Initiative de Marche organise deux journées consacrées au folklore de la Province de Luxembourg. La première journée est consacrée à l’étude et la deuxième est un festival folklorique. L’organisation reçoit le soutien du Service de l’Éducation Populaire du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Culture, du Commissariat Général au Tourisme, de la Province du Luxembourg, de la Commission Royale Belge du Folklore, du Centre Culturel Provincial, de la Fédération Touristique du Luxembourg Belge et du Groupement de l’Ourthe des Syndicats d’Initiative. Le premier jour est consacré au folklore provincial du Luxembourg belge, on y étudie les origines du folklore et sa place dans la vie quotidienne. Mais surtout la deuxième journée sert à faire redécouvrir cette culture au grand public, de faire connaitre les artistes luxembourgeois et de les faire se retrouver sur une même scène. Cette première édition rassemble 22 groupes folklorique et attire environ 15000 spectateurs.

En 1963, une deuxième édition de ce festival est organisée, mais cette fois-ci dans un but d’étude et de mise en avant du folklore national, rassemblant des artistes choisis par leur propre province.

Le Programme :

Samedi 22 juin : Journée d’étude.

10h00 : Salle du Casino. Ouverture du colloque, présidé par Monsieur Van Aelbroeck, Inspecteur principal au Service de l’Éducation nationale et de la Culture. Prennent la parole : Roger Pinon (33) et Jan Verbesselt (34).
12h30 : Lunch.
14h30 : Reprise des débats. Prennent la parole : Eugène Hofman (35) et Jenny Falize (36).
16h30 : Prestation d’un groupe de danses folkloriques étranger.
18h00 : Réception offerte par la ville de Marche.
20h30 : Soirée publique.

Dimanche 23 juin : Festival national.

8h30 à 10h30 : Permanence d’accueil au chalet du Syndicat d’Initiative pour recevoir les groupes folkloriques participant à la journée.
11h00 : Messe du folklore avec le concours de la Chorale royale « Les Disciples de Grétry » de Liège ; les Sonneurs du Rallye-Bouillon et des groupes participants en costumes.
12h30 : Diner des groupes folkloriques.
14h30 : Réunion des groupes folkloriques, Allée du Monument.
15h00 : Festival sur la place aux Foires – Présentation et prestation des groupes sur podium.
19h00 : Collation pour les groupes folkloriques.
20h00 : Ouverture de la « Nuit du Folklore » à la Salle du Casino.

Les groupes folkloriques participants :

Le Boerendansvereniging de Oostham
La Compagnie Fanny Thibout de Liège
Les Disciples de Grétry de Liège
La Gilde royale et impériale St-Sébastien de Neder-Over-Hembeek
Le Groupe de Danse de l’Ommegang de Bruxelles.
Le Groupe de Pêcheurs de Blankenberge
Le Groupe Elckerlyc d’Anvers
Le Groupe Tist en Triene de Rhode-St-Genèse
La Plovinète de Marche
Les Quarante Molons de Namur
Le Rallye Bouillon
Le Réveil Ardennais
La St-Jorisgilde de Rijkevorsel
La St-Sebastiaansgilde de Kalmthout
Les Skassis de la Lesse de Wanlin
Les Sylphides de Bouillon
Le Vî Nassogne de Nassogne
Les Zwaaddansers de Tongres

Les questions posées lors de ces diverses conférences et discussions sont d’abord d’ordre terminologique. En effet comment définir folklorique, populaire ou traditionnel ? Lors de sa conférence Roger Pinon soulève cette question à propos de la danse. Il identifie quatre milieux : Le milieu artistique, le milieu populaire, le milieu traditionnel ou coutumier et le milieu pédagogique. Selon le milieu dans lequel la danse est pratiquée, elle n’aura pas la même signification. A la suite de Maurice Louis (1892-1966) (37), il fait également la distinction entre les termes « populaire » et « popularisé ». Les danses populaires sont issues du peuple et pratiquées par le peuple ; les danses popularisées viennent des salons et ont été intégrées par le peuple aux danses populaires, c’est le cas de la polka et de la valse par exemple. Pour lui la différence entre folklorique et populaire se situe d’une part au niveau culturel du danseur, et d’autre part au niveau du milieu social. Donc le folklorique serait pour « l’inculte » dans un milieu coutumier et le populaire serait pour «l’homme moyen» qui appartiendrait à la masse. Ces propos pourraient être perçus comme un peu crus de nos jours, chacun se fera son opinion.

La question du revival se pose aussi et est plus que pertinente puisqu’en 1963, on en est aux prémices du mouvement. L’interrogation qui semble éternelle, est celle de se demander à quel point une démarche est authentique quand des gens d’une époque donnée reprennent un répertoire ancien. C’est une remarque qu’on peut déplacer à d’autres mouvements comme par exemple au mouvement «baroqueux», même si dans le cas des arts populaires non-écrits le problème de l’exactitude des sources se pose de manière bien plus forte encore.

Les artistes doivent-ils se restreindre à reprendre le répertoire de leur propre région, doivent-ils le faire de façon stricte ? Et que veux dire stricte et fidèle quand on parle de coutumes orales, mouvantes, non seulement au fil des époques, mais aussi au fil des interprétations, des transcriptions ou du goût de chacun. Doit-on également coller fidèlement à une tradition dont on ne sait trop si les éléments qui sont parvenus jusqu’à nous sont tout à fait semblables à la pratique d’autrefois ? Ou doit-on plutôt coller à «l’esprit» de la musique, c’est-à-dire une musique participative ayant fonction dans la vie des gens et qui appartient à son époque ?

Roger Pinon

Une autre question qui a l’air de se poser depuis l’origine du revival jusqu’à aujourd’hui, est la notion de « spectacle », avec des artistes qui se produisent sur une scène avec donc une distance et surtout une séparation par rapport au public. L’avis soutenu ici est qu’il fallait bien en passer par la représentation pour redonner gout au gens et peut-être donner l’envie de la pratique. Au-delà du spectacle donné, il y a aussi la fonction qu’ont ces artistes de sauvegarde d’un patrimoine et d’une émulation quant à l’envie de se le réapproprier.

Ci-après, trois avis très différents sur le port du costume pour la danse folklorique, populaire, traditionnelle :

– Eugène Hofman : « Je suis contre le port du costume, car je défends le principe que la danse populaire a essentiellement une valeur éducative. Le renouveau de la danse populaire est un phénomène urbain : il n’est donc pas nécessaire de se costumer en paysan. La raison d’être du renouveau de la danse folklorique est de retrouver le sens de la communauté. »

– Roger Pinon : « La danse folklorique, telle que je l’ai définie doit se danser dans le costume traditionnel. La danse populaire, par contre, ne doit pas nécessairement s’exécuter dans un «uniforme», qui isole le groupe et le condamne au spectacle. Or celle-ci est un relais et non un but. La danse spectacle est un fait nouveau que l’on ne peut condamner et qui est lié à l’évolution moderne. Le tout est de circonscrire exactement sur quel plan on situe le problème : si l’on parle de communauté, le problème est de réussir à faire danser dans le costume d’aujourd’hui. »

– Fanny Thibout (38) (1907-1998) : «Tout le monde n’est pas obligé de venir au groupe de spectacle ; mais si l’on s’y joint, il faut se soumettre à sa discipline et à ses exigences. Il est impensable de faire connaitre nos danses, tant en Belgique qu’à l’étranger, sans le costume.»

Fanny Thibout

L’intervention de Edouard Senny (39) (1923-1980) fait le lien entre ces avis divergents sur le costume de danse et le sujet de la musique qui nous occupe : il « compare le problème de costume à celui de l’orchestration, et s’insurge contre l’exécution musicale figée, se déclarant en faveur d’une évolution. »

Ces multiples questionnements témoignent d’une grande diversité de façon de penser et exécuter le revival folk de la seconde moitié du XXème siècle. Certains artistes ont choisi de présenter des spectacles en costumes le plus près possible de la tradition, d’autres se sont éloigné de la forme traditionnelle en injectant une culture plus vivante mais en gardant l’esprit participatif.

La fonction de contestation du renouveau du folklore est aussi évoquée lors de ces conférences. La contestation d’une uniformisation du monde sans lien social, par les arts populaires qui sont intrinsèquement voués à créer ce lien. La tradition contre la brièveté des modes, la fierté régionale contre l’égalisation des cultures (ce dernier point engendrera des dérives et récupérations politiques dont je ne parlerai pas dans ce travail).

On constate déjà après cette édition consacrée à la danse que de nombreuses remarques, observations, questionnement sont également pertinents par rapport à la pratique de la musique. Voyons donc le contenu de l’édition de 1964 sur le thème «Le folklore musical au service de la renaissance régionale».

Programme :

-Samedi 30 mai : Journée d’étude.

11h00 : Salle Casino. Ouverture du colloque, présidé par Monsieur Jan Verbesselt, membre de la Commission royale belge de Folklore, section flamande.
Prennent la parole : Roger Pinon et Jop Pollmann (40) (1902-1972).
12h30 : Lunch.
14h30 : Reprise des débats, sous la présidence de Monsieur Roger Pinon, membre de la Commission royale belge de Folklore, section wallonne.
Prennent la parole : José Quitin (41) (1915-2003), Hermann Josef Dahmen (42) (1910-1991) et Louis Bonneau (43).
18h30 : A la Tourelle, rempart des Jésuites : Inauguration du Musée de la Famenne.
20h30 : Casino : Soirée folklorique.
-Dimanche 31 mai :
10h00 : Continuation du colloque, sous la présidence de Monsieur Roger Pinon. Prennent la parole : André Souris, Irène Goossens-Cornelis, Mon De Clopper et Edouard Senny.
11h00 : Messe du Folklore sonnée par les trompes de chasse de Saint-Hubert et de Bouillon.
15h00 : Festival place aux Foires. Défilé et prestation des groupes sur le podium.
17h30 : Gala de Folklore.
20h00 : Salle de Casino : Nuit du Folklore.

Groupes folkloriques participants :

La Chorale d’Eeklo
La Plovinète de Marche-en-Famenne
Le Groupe Elckerlyc d’Anvers
Le Matoufè de Marche-en-Famenne
Het Lijsterweste
Het Vendelkorps de Dendermonde
Les Sylphides de Bouillon

Les conférences de la matinée sont consacrées aux « conditions générales d’une renaissance du folklore musical dans un cadre régional » et aux limites des possibilités de cette renaissance (44).

Roger Pinon s’attache tout d’abord à faire la distinction entre musique à fonction forte et musique à fonction faible. Les musiques à fonction forte, sont par exemple les chants de travail, les chants militaires, les chansons de jeux, les musiques de célébration ou calendaires, chanson de quête … Toute musique qui, en dehors de sa circonstance particulière est plus compliquée à « utiliser ».

Les musiques à fonction faible sont les ballades, chansons d’amour, complaintes ou chansons narratives qui n’ont pas besoin d’une circonstance propre, seulement le désir et le plaisir de chanter. En cela la recherche esthétique exprimée sera en règle générale plus poussée pour une musique à fonction faible que pour une musique à fonction forte.

Roger Pinon met aussi en évidence le fait que le folklore et les traditions auront tendance à être plus fortes et plus pérennes dans les régions et villages isolés et ruraux. La cohésion y est plus forte et la vie rurale permet bien plus l’expression populaire que les villes industrialisées dans lesquelles les communautés sont plus éclatées en même temps qu’elles ont tendance à être plus uniformisées. Il est à noter tout de même que le fait du revival qui au départ est un mouvement urbain, est plutôt paradoxal. L’envie des citadins de retrouver un folklore perdu, a peut-être encouragé les gens des campagnes à retrouver et à sauvegarder le leur. En outre un canevas de fêtes bien défini aide, d’abord à la pérennisation, ensuite au développement et à la création. L’exemple de Malmedy est cité. Les coutumes des fêtes du 1er mai, la ronde de la Saint-Jean (24 juin), la Saint-Martin (10 novembre) et bien sûr le Cwarmê qui dure quatre jours, sont encore respectés de nos jours (en 2021). Le chant traditionnel de la Saint-Jean, écrit par Nicolas Pietkin (45) (1849 – 1921) est encore entonné. Si un cycle de fêtes bien défini est une des conditions de la survie d’un patrimoine musical, la modernité est une des conditions de sa disparition. En particulier lorsqu’il s’agit de musiques à fonction forte comme les musiques qui rythment la vie familiale ou les chants de travail. Ces derniers ont presque totalement disparu en même temps que l’artisanat et les métiers dont ils étaient l’expression, mais la cause en est aussi l’industrialisation, la disparition des corporations de métiers et la perte d’une culture musicale de lutte de la part des syndicats, qui va de pair avec la satisfaction de leur revendications et l’amélioration de la vie au travail.

Pour ce qui concerne les musiques et chansons à fonction faible, la remise au goût du jour est plus aisée et probablement nécessaire pour que le désir existe de les chanter.

Roger Pinon souligne le fait qu’il est important que la pratique soit documentée pour favoriser ce qui constitue la chanson, son contexte, son lien avec la vie des gens qui l’ont conçue et chantée, son essence. Pour pouvoir, au contraire de la figer dans un « folklore spectaculaire », pouvoir l’interpréter au plus près de son contexte d’origine. C’est ce processus de création inscrit dans la vie quotidienne d’un endroit et d’un moment donné qui a créé le folklore d’une région.

Plusieurs possibilités d’interprétation se dégagent donc pour les artistes :

-Interpréter la musique folklorique de façon extrêmement documentée et fidèle au contexte de sa source. La question qui en découle est : est-ce totalement possible ?

-Injecter de façon sobre des éléments contemporains pour rendre le folklore vivant et mieux inscrit dans l’époque de son interprétation. Cette possibilité est évoquée en suggérant la reconstitution de «milieux folklorisants» pour retrouver un contexte social de création de folklore.

-Une troisième possibilité est la création d’une musique populaire (dans le sens de «par et pour le peuple») neuve et complètement contemporaine à notre époque moderne. La musique de grève comme celle du GAM fait peut-être partie cette catégorie d’une musique populaire moderne. Tout comme l’était la musique des Almanac Singers dont faisait partie Woody Guthrie et Pete Seeger. Ils chantaient pour les luttes ouvrières ou pour les droits civiques et se déplaçaient sans appartenir à une structure fixe (46). La musique du GAM présente les caractéristiques qui ont l’air de se dégager pour qualifier une musique populaire, même si elle n’est pas tout à fait traditionnelle dans la forme : elle a une fonction, est issue du peuple, est participative sans distance avec son public, utilise une langue contemporaine et parle de ce pour quoi elle existe (47). Il lui manque la transmission et la durée pour l’appeler folklore dans le sens décrit par Roger Pinon.

– La possibilité de le transformer et de le travestir grâce à des moyens divers tels que l’harmonisation, l’accompagnement au piano ou de le transformer en spectacle pour touristes semble tout à fait condamnée.

– La dimension commerciale, dans une certaine mesure, devrait également être évitée car ce serait tomber dans le travestissement afin de mettre en avant le plus typique, le plus spectaculaire et favoriserait l’émergence d’un folklore figé en clichés et constitué de raccourcis.

Il est à noter la contradiction apparente entre le fait d’être ultra documenté pour interpréter une chanson folklorique de nos jours et le fait que le folklore appartienne à l’origine plutôt à une population rurale et manuelle, voire illettrée. Cette contradiction est d’ailleurs soulevée, mais plutôt comme un enrichissement mutuel entre « l’authentiquement populaire » et « l’austère et obscur travail de l’érudit ».

Dans sa conférence, André Souris introduit une notion technique sur la musique qu’il préfère lui, appeler populaire. Selon lui la musique populaire est toujours monodique et modale. Mais modale qui n’aurait pas ou peu de différenciation de fonction des degrés. La question du rythme est également soulevée par le fait que les musiques populaires anciennes ne seraient pas articulées sur un rythme bien défini, comme la musique savante tonale que l’on connait. Ce qui pose la question de la transcription des mélodies anciennes sur partitions par des musiciens influencés par la tonalité et surtout de l’harmonisation de ces mélodies.

 

 

PERSONNAGES IMPORTANTS DU REVIVAL FOLK EN WALLONIE

Claude Flagel

Claude Flagel

Un reproche est fait dans certaines sources aux organismes de conservation et de protection du folklore ; celui d’avoir eu une approche trop figée, trop savante pour une musique qui se devait de rester proche du peuple et surtout de garder son lien avec son époque (48). Un personnage essentiel pour les musiques traditionnelles va donner un nouvel élan, c’est Claude Flagel (1932-2020). Ce Parisien arrive en Belgique en 1954. Il avait déjà un grand intérêt pour la culture populaire et avait déjà joué avec des musiciens berrichons à Paris. Il apprend la vielle à roue, le chant et s’initie à la danse pour pouvoir accompagner des danseurs. L’année de son arrivée en Belgique il fait connaissance avec la musique wallonne par l’intermédiaire de la Compagnie Fanny Thibout, lors de la Quinzaine Liégeoise. En 1964 il crée avec Lou son épouse, l’Ensemble Rondinella. Groupe de danse encore actif à Bruxelles et qui participe entre autres à l’Ommegang (49). Mais il ne se limite pas à la musique traditionnelle belge et française, puisqu’il participera également à un travail de collecte et à l’édition de disque de musiques hongroise, bulgare, congolaise. Il choisit la vielle car c’est un instrument monodique et essaye de retrouver l’esprit de la musique populaire traditionnelle des musiciens ambulants.

« Il fallait trouver une solution propre : en fait on ne peut chanter comme un chanteur pris dans son village, tout simplement parce qu’on n’est pas ce villageois et qu’on est sur une scène, mais toutefois, il faut chanter en respectant l’esprit et le style de cette tradition. J’ai essayé de trouver un moyen terme, et la vielle m’a énormément aidé car son style imposait quelque chose en dehors de ma propre volonté… ». Claude Flagel (50)

A la question «Qu’est-ce que la chanson populaire ? En quoi est-elle populaire ? Est-ce qu’elle est populaire à partir du moment où elle devient un «tube» chanté partout ? Est-elle populaire à partir du moment où ce qu’elle exprime est en rapport avec les aspirations du peuple ?», il répond :

«C’est la deuxième interprétation qui me parait la meilleure. Le sens de mon travail est d’établir la relation qu’il peut y avoir entre la chanson de tradition, qui, à un moment donné, correspondait à un type de vie, à un certain type d’aspirations, à un certain type de société, et les prolongements qu’elle a dans la société d’aujourd’hui(51)

*     *      *

En 1975 des festivals de culture Wallonne sont organisés à Champs, village près de Bastogne, par Bernard Gillain. C’est en 1976 qu’est créé le festival Le Temps des Cerises. Ce festival qui mêle musiques traditionnelles et populaires de pays et de régions différents, discussions, spectacles et théâtre de rue, prend place à l’Abbaye de Floreffe pour deux éditions de trois jours (52). Le festival s’arrête brusquement après ces deux éditions, probablement victime de son succès et des contingences que cela implique (53).

 

Jacques Fettweis

 

Vielle Fettweis

 

Le Musée des Instruments de Musique de Bruxelles possède une vielle moderne fabriquée par Jacques Fettweis (1926-1991) (54).

Jacques Fettweis était un ébéniste originaire de la région de Verviers. Il a été un personnage important du revival folk des années 1970 en Wallonie. Membre des Zûnants Plankets, il décide de fabriquer une copie de la vielle Solheid. Son instrument n’est cependant pas une copie stricte, puisqu’il présente à la fois l’aspect général extérieur de la vielle Solheid, mais également des caractéristiques organologiques pouvant mieux correspondre au jeu plus moderne du revival folk du XXème siècle (autour de 1970). La différence essentielle entre la vielle Solheid et la vielle Fettweis est que cette dernière possède une deuxième rangée de touches pour pouvoir jouer dans une gamme chromatique et donc ne pas être limité par un jeu uniquement diatonique. L’instrument de Jacques Fettweis présente également une deuxième chanterelle passant dans le boitier et une mouche qui parait, dans ce cas-ci, être un bourdon plus traditionnel que la « mouche » quelque peu hybride de la vielle Solheid. Les deux chanterelles et la mouche sont centrées par rapport au chevalet, contrairement à la « mouche » de la vielle Solheid. De la vielle Solheid, Jacques Fettweis a aussi gardé le système de chien à la façon des vielles allemandes et d’Europe de l’Est.

Intérieur du boitier de la vielle fabriquée par Jacques Fettweis avec les deux rangées de sautereaux, les deux chanterelles et le bourdon.

 

En 1971 à Verviers, Jacques Fettweis, Remy Dubois, Jean-Pierre Van Hees et Roger Caro forment les Zûnants Plankèts. Zûnants veut dire « bourdonnants » (55), plankèts veut dire « compagnons de travail » (56) en wallon de Verviers. Ils essayent de perpétuer la tradition des d’jouweus d’danses (57) . Une grande partie de leur répertoire est repris du travail de retranscription de Rose Thisse-Derouette. Ils sortent leur disque « Musique traditionnelle et folklorique des Ardennes Belges » en 1973. Les musiciens jouant sur ce disque sont :

Jacques Fettweis, Roger Caro : Tièsse dj’vå/Vielerète (58) – vielle à roue
Remy Dubois : Pip’sac/Muse-au-sac – cornemuse
Claudine Roncart : Violonchèle – violoncelle
Michel Roncart : Galete – violon
Bea Daemen : Bûche – épinette, percussions
Jean-Pierre Van Hees : cornemuse, flûte traversière, épinette

«Ménétriers d’Ardenne, Vous nous avez légué votre musique. Vous nous avez appris à l’aimer.
Est-ce mal vous témoigner notre reconnaissance que de la jouer aujourd’hui sur nos instruments, qui nous sont chers, comme vous étaient les vôtres ?
Comme vous fabriquiez parfois vos instruments, nous suivons votre exemple. Si certains diffèrent, l’essentiel demeure : votre musique.
Trait d’union supplémentaire : le violon. Quant à la bûche, la vielle et la cornemuse, leur vocation populaire n’est pas douteuse et vous les connaissiez bien. Il nous a paru bon de les grouper, mais notre but essentiel demeure : faire connaitre et aimer votre musique.
Vos airs s’adressaient avant tout à des danseurs… Le bal est fini, mais demeure l’essentiel : votre musique» (59).

 

LA MUSIQUE FOLK AU XXIème SIÈCLE EN WALLONIE

Pour faire le lien entre le « revival » folk de la seconde moitié du XXème siècle et les acteurs qui maintiennent la tradition aujourd’hui, j’aimerais parler de l’hommage rendu à Jacques Fettweis en mai 2016.

Les 20 et 21 mai 2016, a été organisé un hommage à Jacques Fettweis pour les 25 ans de son décès. Cet hommage a pris place à Sart-Jalhay et a réuni de nombreux acteurs de la scène folk, musiques populaires traditionnelles belges à travers plusieurs évènements.

 

Le 20 mai :

Une conférence « Jacques Fettweis et les instruments de musique anciens », organisée par le Comité Culturel de Sart-Jalhay, la Maison des Jeunes de Jalhay-Sart et la Jeunesse Sartoise à Sart-lez-Spa. Animée par Albert Moxhet (60), André Deru (61), Claude Flagel et Remy Dubois (62).
Albert Moxhet présente Jacques Fettweis et toutes les facettes de son art : artisan du bois, sculpteur, dessinateur, marionnettes, et instruments traditionnels.
Rémy Dubois parle de la première époque des Zûnants Plankèts (63) et de la cornemuse et sa facture instrumentale
André Deru présente l’épinette et la deuxième période des Zûnants Plankets
Claude Flagel réalise un exposé sur la vielle à roue.

Le 21 mai :

-Une exposition « Jacques Fettweis la musique et le bois ».
-Un bal pour enfants organisé par le Comité Culturel de Sart-Jalhay, la Maison des Jeunes de Jalhay-Sart, de la Jeunesse Sartoise et de l’association des parents de l’école de Sart. Le bal est animé par le groupe Chant d’Etoile, composé de :
Leila Chaker : harpe celtique
Marie Nogarède : flute à bec et flute traversière irlandaise.
Jacques Ista : accordéon diatonique, vielle à roue, guitare.
Avant le bal, Chant d’Etoile est également allé faire découvrir les musiques traditionnelles et les instruments de musique aux enfants dans les écoles de Sart, Solwaster et Tiège.
-Une initiation aux danses traditionnelles et un bal avec le groupe Trivelin qui se compose de :
Jacqueline Servais : vielle à roue
Michel Deru : cornemuse et vielle à roue
Michel Pêcheur : accordéon diatonique.
-Le « bœuf » des vielleux (64), rassemblant les joueurs de vielle à roue et d’anciens membres des Zûnants Plankèts ayant pris part au week-end d’hommage à Jacques Fettweis.
Les musiques jouées sont les morceaux apparaissant sur l’album des Zûnants Plankèts – Musique Traditionnelle Et Folklorique Des Ardennes Belges.

     *     *     *     *

Dans la continuité de vouloir mettre en avant les acteurs et promoteurs de la musique traditionnelle populaire en Belgique, je laisse la parole à Marc Bauduin, fondateur du Canard Folk et à Jacqueline Servais, membre de Trivelin pour nous raconter leur parcours.

Le Canard Folk

Marc Bauduin

« En été 1982, j’ai suivi mes premiers stages d’accordéon diatonique. Je me suis inscrit à trois stages (Galmaarden, Neufchâteau et Martué). C’est à Neufchâteau, le plus gros stage en Wallonie, que je me suis rendu compte que tous ces musiciens et danseurs ne se voyaient en général qu’une fois par an, et qu’entretemps ils n’étaient pas au courant des bals qui avaient lieu ci et là. J’ai donc décidé de créer un bulletin d’information que j’ai appelé Le Canard Folk, et j’ai récolté les adresses des participants aux stages de Neufchâteau. En même temps, un autre amateur de folk récoltait aussi des adresses, mais en vue d’organiser pendant l’année des rencontres de musiciens et danseurs.

Le premier numéro du Canard Folk est paru en novembre 82. On y annonçait entre autres la première rencontre de musiciens et danseurs à Joli-Bois (Woluwé), qui a eu beaucoup de succès (les gens venaient de Bruxelles, de Wallonie et de Flandre).

Depuis lors, 425 numéros du Canard Folk sont parus. Les rubriques régulières sont : présentation de cd ; présentation et nouvelles de groupes ; présentation de bouquins ; agenda des concerts et des bals, ainsi que des festivals ; calendrier des stages ; liste des ateliers permanents (longue et peu variable, elle se trouve maintenant uniquement sur le site web) ; tablatures pour accordéon diatonique ; échos divers ; petites annonces. Avec en outre, des articles en nombre et longueur variables, écrits par des lecteurs ou par moi-même (il y a eu environ 140 auteurs différents).

J’ai créé en 1996 le site web qui porte actuellement le nom www.canardfolk.be avec comme objectif minimum : offrir aux organisateurs une liste de groupes, et avoir un agenda des concerts et des bals qui suit l’actualité de plus près. Le site a évolué et est devenu volumineux : il contient tous les articles du magazine (sauf les plus récents) et, depuis 2004, un historique du folk à Bruxelles et en Wallonie de 1958 à nos jours.

L’évolution technologique nous oblige à repenser fondamentalement le site web, qui en 2021 passe sous WordPress. Ce travail assez lourd ouvre la porte à des évolutions telles qu’une participation plus active de nos lecteurs à la création de contenu, un abonnement électronique, la récolte de fonds par carte de crédit … Parallèlement à cela, la diminution du nombre de lecteurs du magazine se poursuit. Les imprimeurs nous considèrent comme des dinosaures, car la plupart des associations n’ont plus que des bulletins électroniques. Et à l’étranger, de gros magazines folk (France, Italie) ont dû cesser leurs activités ou ont de grosses difficultés (Allemagne).

TradCan

Enfin, la webradio TradCan a été lancée le 23 septembre 2008. Cela faisait longtemps que je me demandais quoi faire de tous les cd que j’avais reçus pour présentation dans le magazine. En 2008, la société belge Radionomy annonce qu’elle lance un système où n’importe qui peut gratuitement lancer une webradio qui sera entendue dans le monde entier, à l’aide des serveurs et des logiciels de Radionomy et sans devoir payer de droits d’auteurs (c’est Radionomy qui s’en charge) ; il suffit d’accepter que quelques minutes de publicité soient gérées par Radionomy, qui espère ainsi devenir un jour rentable. Je fais partie des bêta-testeurs : j’ai reçu le logiciel et la procédure en juin. Il faut alors extraire les cd, sélectionner des morceaux, leur remplir quelques balises mp3 et les charger dans des bacs virtuels. Le 17/8, j’avais chargé sur la radio 482 morceaux de 134 artistes, en commençant par les wallons. Le 19/10, il y en avait déjà 1144 ; le 11/12, 2057. Les répétitions dues au caractère aléatoire de la programmation deviennent heureusement moins fréquentes, par contre les incidents techniques tels que des coupures restent gênants – mais nous sommes encore en phase de bêta-test.

La nouvelle du lancement de TradCan se répand comme de la poudre, en Belgique mais aussi à l’étranger, principalement en France. Rendez-vous compte : on peut désormais écouter du folk celtique, scandinave, français, belge, italien, espagnol … en permanence, sans séquences parlées, et gratuitement ! La radio est référencée dans plusieurs répertoires, et peut être écoutée entre autres via iTunes, ce qui est particulièrement important aux USA. Le nombre d’auditeurs simultanés est souvent compris entre 50 et 100, en 2008 et les années suivantes, avec parfois des pics de plus de 300 auditeurs.

En nous basant sur une api fournie par Radionomy, nous affichons à côté du player, des infos supplémentaires : titre du cd, année de parution, label, numéro du Canard Folk dans lequel le cd a été présenté, compositeur, auteur, arrangeur, commentaires … Cela suscite l’enthousiasme des auditeurs. Par ailleurs, la radio prévoit une rubrique « Nouveautés » qui contient des extraits de cd présentés récemment dans le magazine.

La société Radionomy a cependant des difficultés. Elle n’arrive pas à obtenir l’autorisation d’émettre de la publicité commerciale à destination des auditeurs américains. Elle finit par annoncer la fin de ses activités, prévue le 31/12/2019. A cette date, TradCan totalisait 907.000 heures d’écoute depuis son lancement en 2008. Radionomy propose à ses radios de poursuivre avec une solution payante, qui suppose en pratique que les radios vont développer elles-mêmes des publicités commerciales. Nous n’aimons pas ce principe, et c’est de toute façon trop cher pour nous.

Nous cherchons une autre solution pour redémarrer TradCan. Trouver un serveur et des logiciels de streaming pas chers est assez facile. Par contre, les droits d’auteurs et les droits voisins doivent être payés en Belgique, plus chers qu’en France et beaucoup plus chers qu’au Canada. Nous devrions débourser environ 1.500 euros par an si nous sommes considérés comme très petite webradio avec maximum 25 auditeurs simultanés ! Nous n’avons malheureusement pas trouvé d’autre solution et avons lancé un appel au financement participatif pour couvrir ces frais.

Nous devons encore charger dans la nouvelle webradio (qui garde le nom TradCan) les 9.000 morceaux de notre base de données. Avec l’aide de plusieurs bénévoles, cela prend plus de 6 mois. Nous n’attendons pas que tout soit chargé pour lancer la nouvelle radio le 1/5/2021. »

Trivelin

Jacqueline Servais (Trivelin)

« Au début des années 1970, une prise de conscience s’est faite jour au sein des Rigodons : danser les danses de tous pays, c’est bien, mais il y a peut-être des richesses dans nos propres régions, une musique traditionnelle typique jouée sur des instruments traditionnels typiques. Au cours de nos voyages, notamment en Grèce et en Roumanie, nous voyions dans les villages de merveilleux musiciens jouant sur des instruments rustiques pour animer les mariages et autres festivités. Quid chez nous ? Le « revival folk » pointait son nez : on écoutait à la radio (pas encore de TV !) Pete Seeger et Woody Guthrie, ces grands humanistes, écologistes, avocats de la paix, porte-drapeau d’un mouvement anticonformiste, anticapitaliste, contre le pouvoir de l’argent, refoulant la pop américaine issue de l’establishment. Leur célèbre « Lettre ouverte aux jeunes du monde entier » m’a marquée à vie : « Dans votre pays, vous devriez pouvoir construire votre musique nouvelle sur ce que l’ancienne a de meilleur. Nous devons lutter durement pour faire progresser dans chaque pays une musique qui puisse aider les gens à vivre et à survivre, et finalement à créer un monde neuf, paisible et coloré comme l’arc-en-ciel. » (65)

De 1972 à 1975, le chanteur Jofroi met sur pied des petits festivals de musique chez lui à Champs, près de Bastogne. (Ce festival, en grossissant, deviendra « Le temps des cerises » à Floreffe de 1976 à 1979, puis plus tard Esperanzah qui existe toujours). C’est à Champs que nous découvrons la vielle et la cornemuse. Flash total ! C’est ça qu’on veut, qu’on DOIT faire ! Parcours du combattant pour trouver des instruments : Walter découvre une cornemuse en Flandre chez Victor Neyrincks (pas sûre de l’orthographe) et moi une vielle dans la Drôme chez Eric Fouilhé : instruments pas chers, pas très bons, assez rustiques, mais qui nous comblaient ! C’est ainsi que fin des années 1970 est né au sein des Rigodons un groupe de musiciens. Il y avait aussi deux violons : Jean Louppe, son fils Gauthier Louppe, devenu un luthier renommé (il a ouvert une école de lutherie à Marche-en-Famenne). Sa fille Véronique Louppe s’est mise elle aussi à la vielle à roue. Plusieurs accordéons chromatiques : Walter (qui, avant la cornemuse, jouait des bals populaires à l’accordéon), Christiane Cornet, Virginie Holtzmacher. Toutes ces personnes sont passées de la danse à la musique. Au début des années 1980, ont rejoint le groupe, deux musiciens de fanfare qui jouaient de la clarinette et de la trompette, Henri Genstrerblum qui jouait de la guitare et de la contrebasse, son épouse Martine Everling qui jouait de la flûte traversière et de l’accordéon diatonique, sa sœur Christiane Gensterblum qui jouait de l’épinette des Vosges… Bref, la musique prenait de plus en plus d’importance, au détriment de la danse. Notre répertoire était puisé dans les fascicules de Rose Thisse-Derouette, mais de plus en plus dans le fruit de nos recherches de vieux manuscrits. 1980-1981 ont été les plus fructueuses années des Rigodons avec une suite de Contredanses liégeoises du 18ème siècle, des Amoureuses et des Matelotes tirées du manuscrit Houssa (XIXème siècle). Nous avons notamment présenté ce spectacle devant Rose Thisse-Derouette elle-même qui nous a chaleureusement félicités ! Mais gérer un tel groupe de danses avec costumes (que nous confectionnions nous-mêmes !) et un tel groupe de musiciens devenait extrêmement lourd. Nous avions une cinquantaine de prestations par an. Walter et moi, à bout de souffle, avons décidé de quitter les Rigodons pour nous consacrer uniquement à la musique.

C’est ainsi qu’en 1982 est né un nouveau groupe de musique traditionnelle que nous avons baptisé TRIVELIN, du nom d’un baladin bouffon de la Commedia dell’Arte, amuseur public rusé et facétieux. Le groupe tient en effet à défendre une réputation de « musiciens farceurs des airs traditionnels ». Nous ne sommes pas des puristes, n’avons pas de formation musicale très académique, jouons principalement d’oreille. Nous sommes des « amateurs » au plein sens du terme, notre but est de faire vivre la musique traditionnelle, de briser le carcan du folklore, d’organiser des « bals à l’ancienne », ou « bals folks » suivant l’expression qui commence à faire fureur, où tout le monde danse avec tout le monde, en cercles, en quadrilles, en couples, toutes générations confondues. Nous voulons inciter les gens à redécouvrir les danses et les musiques de leur terroir, patrimoine d’une richesse inouïe.

A cette époque, le groupe comprend, outre Walter et moi, Martine Everling , Henri Gensterblum et Christiane Cornet. Nous découvrons rapidement qu’il existe en Wallonie d’excellents facteurs d’instruments : Remy Dubois construit des épinettes et des cornemuses à Verviers et Jacques Fettweis des vielles à Sart-les-Spa. Nos recherches nous mènent sur les traces des ménétriers d’Ardenne et de Gaume, Jean-Guillaume HOUSSA de Sy (1845) dont le manuscrit est au Musée Gaspar à Arlon et François-Joseph JAMIN de Meix-devant-Virton (1850) dont le manuscrit est au Musée gaumais à Virton. Nous rencontrons à Bastogne les deux derniers ménétriers encore vivants, Constant Charneux et sa « viole d’amour » ou violon sabot, et Henry Schmitz, violoneux.
Deux vinyls 33tours concrétisent nos activités : « Musique d’hier pour temps nouveaux » (1984) et « Trivelin joue Jamin et autres jamineries » (1986) qui comporte quelques compositions.
Au début des années 1990, le groupe a vécu une courte période de flottement avec le départ de Martine et Henri. Après quelques remplacements de courte durée, il s’est stabilisé, toujours autour des piliers de base Walter et Jacqueline, avec Michel Pêcheur aux accordéons diatoniques, Jean-François Geubel, puis Michel Deru aux cornemuses et hautbois, Albert Rochus aux flûtes et cornemuses, Vincent Soubeyran puis Céline Rochus au violon.

En 2002, avec ses 20 ans d’existence, Trivelin est à son apogée et tourne à plein rendement, assurant une cinquantaine de prestations par ans (bals folks, animations de stages, de fêtes, de mariages …) Un CD voit le jour en 2004 : « Trivelin, un ménétrier au milieu du carrefour ».

La décennie suivante est dramatique pour le groupe, avec le décès de Walter en 2013, celui d’Albert en 2017, le départ de sa fille Céline …
Le groupe survit actuellement en trio ( et tourne au ralenti grâce au covid !!) avec Jacqueline aux vielles, Michel Pêcheur aux accordéons diatoniques et Michel Deru aux cornemuses. »

 

QUELQUES RÉFLEXIONS DES ACTEURS DES MUSIQUES POPULAIRES EN WALLONIE DES XXème ET XXIème SIÈCLES.

J’ai interrogé par mail quelques personnes faisant partie du paysage belge des musiques populaire traditionnelles. Jacqueline Servais, Jean Dizier, Jacques Ista, Marc Bauduin et Yves Deplasse.

1. Quelle est votre conception des termes folklorique, populaire, traditionnel ?

Jacqueline Servais : « La tradition, c’est une manière spontanée que possède une communauté de vivre, de travailler, de manger, de célébrer les fêtes, etc. C’est la façon d’être d’une communauté. Un bel exemple de tradition est illustré par Mr Marchal, instituteur à Steinbach près de Bastogne, qui nous a transmis une maclotte. Il est cité dans Emile TANDEL, Les Communes luxembourgeoises, Arlon 1891. Ces traditions sont bien sûr populaires, issues du peuple. Le folklore, c’est le résultat d’une démarche intellectuelle qui veut conserver la tradition comme un objet ancien qu’on met dans un musée. Les aspects les plus typiques de la tradition sont mis en boîte, aseptisés. Les danses folkloriques sont codifiées, enseignées dans des écoles en vue de faire des spectacles, exportables, avec des costumes typiques, des pas typiques, tous identiques. C’est un produit de consommation qu’on offre à des spectateurs passifs. J’adore une phrase de Gustave MAHLER :  » La tradition, c’est la transmission du feu, pas l’adoration des cendres. » »

Marc Bauduin : « Folklorique : devenu péjoratif, ne désigne quasiment plus que des danses en costume. Populaire : le rock et les kermesses aux boudins sont aussi populaires. Donc ce terme employé seul ne convient pas. Traditionnelle : les « mélomanes » (amateurs de musique classique, je simplifie) disent que la musique classique est une tradition européenne Populaire traditionnelle : le rock créé dans les années 50 n’est pas traditionnel, et la musique classique n’est pas populaire (dans le sens où elle n’est pas jouée par monsieur tout le monde). Par contre nos ménétriers des XIXème et XXème siècles qui jouaient pour des fêtes de village, pour des événements calendaires (la fin des moissons, …), pour des mariages, n’avaient généralement pas eu d’éducation musicale. Cette musique était donc quasiment à la portée de tout le monde, et était jouée pour tout le monde (le peuple). Inconvénient : « populaire traditionnelle » (ou traditionnelle populaire) c’est long à dire, on ne va quand même pas dire « pop trad », et ce n’est pas encore tout. D’inspiration populaire traditionnelle : basée sur la musique populaire traditionnelle mais avec par exemple des arrangements modernes, des variations inattendues, un mélange avec d’autres genres (jazz, rock … voire punk ou classique) ou avec d’autres traditions populaires (musiques méditerranéennes, …) Donc la plupart des groupes en Wallonie jouent de la musique « populaire traditionnelle et d’inspiration populaire traditionnelle ». C’est beaucoup trop long, bien sûr. Donc nous appelons tout ça « le folk », un terme qui dans nos pays a toujours été vague, et c’est très bien ainsi. La difficulté vient quand on parle avec des anglophones qui pensent immédiatement « folk song » donc Bob Dylan, Joan Baez, etc. … il faut leur dire « roots music » pour qu’ils nous comprennent. »

Jacques Ista

Jacques Ista : « Folklorique : reconstitution de musique et de danses populaire, souvent avec le costume d’époque. Populaire : musique et danse en usage dans le passé ayant eu un succès populaire et resté dans la mémoire collective. Traditionnel : du répertoire inspiré des deux précédentes, que l’on continue à faire vivre dans le présent, les compositions de musiciens actuels peuvent en faire partie. »

Yves Deplasse : « Dans le contexte qui nous occupe, j’associe folklorique à la danse telle qu’on la montre sur scène, avec les costumes qui vont avec, dans un spectacle, accompagné de musique liée plus ou moins intimement à la danse. Tout ça reposant sur des bases traditionnelles. Les Harkais, par exemple (le groupe de danseurs de la région de Harre) avaient fait de danses traditionnelles un spectacle de danse folklorique. Mais, ainsi que me l’a expliqué une très vieille danseuse, leur suite d’airs (Maclote, Allemande, Passe-pied, Amoureuse) et la manière de les danser était propre à leur village et s’étaient transmis au sein du milieu familial ou communautaire.
J’adhère à cette idée, que les musiques traditionnelles faisaient partie d’un patrimoine immatériel local et paysan, et qu’elles se transmettaient dans un cadre communautaire. Et donc, selon l’avancée de la société industrielle, elles ont conservé ce caractère local ou se sont mâtinées d’airs, de styles, de phrasés venant d’ailleurs, d’autres villages ou du monde urbain, bourgeois. Les quelques recherches que j’ai faites m’ont montré que les musiques traditionnelles dans nos régions n’ont pas beaucoup intéressé les musiciens, comparé aux musiques plus savantes. Et que des airs plus ou moins traditionnels qu’on estampille « Irlandais » parce que figurant dans tel recueil de ménétrier au XVIIIème se retrouve dans un manuscrit à peine postérieur, mais sur le continent. Des formes présentes dans les musiques savantes ou de cour se retrouvent aussi dans les musiques jouées dans les campagnes : valse ou mazurka, contredanses, et d’autres. »

2. Existe-t-il aujourd’hui en Wallonie des musiques traditionnelles semblables à ce qui se pratiquait avant le XXème siècle ?

Jacqueline Servais : « Oui, il existe en Wallonie des musiques et des danses qui se jouent encore depuis le 19ème siècle : je pense notamment aux arguèdènes, petits ensembles de musiciens, de fanfare ou d’harmonie, qui forment un petit orchestre pour faire danser les gens lors des kermesses. Encore assez courant dans l’Entre-Sambre-et-Meuse. Il y a même des concours d’arguèdènes. A Liège, on danse encore des Crâmignons aux fêtes du 15 août en Outre-Meuse. La Troïka est toujours dansée à Saint-Mard (en Gaume) le mardi de la fête, fin août. Elle vient d’être reconnue comme « chef d’oeuvre du patrimoine oral et immatériel » par la Féd. Wallonie-Bruxelles. Tout cela se trouve dans deux excellents CD : – « Airs de fête en Wallonie », par Lou et Claude Flagel , édité par Fonti Musicali, et – « Musique populaire de la Belgique » par Hubert Boone, chez Auvidis. »

Marc Bauduin : « Bien sûr, il suffit de prendre le cas des danses en couple (valse, polka, scottische, …) qui sont apparues au XIXème et qui forment une bonne partie du répertoire de nos bals folk. Il y a d’autres exemples aussi. Et il y a aussi le cas de quelques danses (amoureuses, sabotières) qui sont plus difficiles à danser (elles nécessitent pas mal d’explications), elles sont donc rarement jouées en bal ; on les trouve chez certains groupes de danses ou lors de stages.

Yves Deplasse

Yves Deplasse : « La musique existe quand elle est jouée. Que sait-on au juste de ce qui se pratiquait dans le monde rural wallon avant 1900 ? Et de comment on la jouait?
C’est clair que des airs anciens sont toujours joués, voire dansés, comme la Maclote d’Habiémont ou la Lamponète de Soy. Mais les musiques d’aujourd’hui, si elles épousent des formes traditionnelles, peut-on dire qu’elles sont semblables à ce qui se pratiquait avant le XXème siècle ?
Il faudrait un autre qualificatif pour les compositions récentes : tel air composé par Elisabeth Melchior (66) (1926-1999), disons sa scottische, a un style du passé mais n’est pas un produit de la tradition. Je soupçonne aussi que les musiques traditionnelles devaient aussi avoir d’autres fonctions que purement récréatives, comme celle de contribuer à une identité régionale ou de classe. Quelle musique récente peut prétendre à cela, à part  » La p’tite Gayole  » ? »

3. Avez-vous participé au mouvement folk au XXème siècle (de près ou de loin) ? Si oui, pouvez-vous raconter comment vous l’avez vécu ?

Marc Bauduin : « Je suppose que tu parles du revival des années 70-80 ? Oui, ma découverte du folk a eu lieu pendant les dernières années du revival. Je n’ai pas connu les festivals de Champs, mais bien le troisième et dernier Temps des Cerises, la fête des Leus, … Il m’en reste des images d’une foule de gens relax, dans des tenues diverses, un brin hippie … un peu de musique wallonne (du genre des Pèleteus ou de Jofroi, mais je ne sais plus qui), le mot « terroir » qui revenait souvent mais en tout cas je ne me souviens pas qu’on ait parlé de musiciens traditionnels comme Charneux ou Schmitz. »

Yves Deplasse : « J’ai un souvenir très vif de concerts folk fin des années 70, début 80 dans la région de Mouscron-Tournai, disons la Picardie. Il y avait des copains qui faisaient de la musique, moi j’étais dans le public. Des festivals mythiques où on allait en groupe (je ne suis pas allé à tous) : fête des Leus, Temps des Cerises. J’ai le souvenir de programmes mélangés, où pouvaient s’aligner du rock local et du folk local, et de la chanson wallonne. La RTBF avait organisé pendant quelques années un concours de la chanson wallonne, où se sont produits des artistes qui touchaient à la fois à la chanson patoisante, au régionalisme et au folk. »

4. Que pensez-vous du mot « revival » ?

Marc Bauduin : « Peu m’importe si ce mot a été bien ou mal choisi. L’important c’est que, quand on parle du folk revival en Wallonie, on sait généralement de quoi il s’agit. »

Jean Dizier : « Pour moi, petit amateur et connaisseur en ce domaine, ce mot ne signifierait qu’une « reprise » de bals dont la musique et les danses appartiennent à la tradition et comprennent aussi des nouvelles compostions dans le même esprit que les anciennes (même danses, même tempo…). Certaines compositions (majoritaires) sont très belles se rapprochant de la tradition et de l’âme de la musique traditionnelle, par contre certaines plus modernes ne me plaisent pas du tout. »

Yves Deplasse : « Je pense qu’il désigne une réalité : le répertoire traditionnel lié aux sociétés paysannes est globalement tombé dans l’oubli jusqu’aux années 60 (on peut nuancer selon les lieux, bien sûr), et diverses personnalités ont contribué à la faire revivre, lui redonner vitalité, comme Louis Ropars en Bretagne par exemple. C’est intéressant d’écouter comment des groupes des années 70 interprétaient des airs traditionnels, avec une instrumentation hybride folk/rock (Malicorne, etc.) et un son typique de ces années-là. »

5. Peut-on comparer l’état actuel du folk wallon au folk revival du XXème siècle ?

Jacqueline Servais : « Le mouvement actuel des musiques traditionnelles est dans la continuité du folk du 20ème siècle, mais avec ce glissement vers le professionnalisme. Le folk existe bel et bien, est devenu une institution en soi, se basant sur tout ce qui l’a fait naître et croître depuis les années 1970. Mais les musiciens recherchent avant tout la qualité et l’originalité du jeu, la performance, la composition… »

Marc Bauduin : « La réponse est non. On n’a pas découvert récemment de musiciens traditionnels, le folk wallon n’attire pas les foules bien que le concept du « terroir » soit important dans le domaine de l’alimentation par exemple. On peut se demander aussi si le nombre de gens qui essaient de parler wallon augmente ou pas (je ne suis pas spécialiste, mais je pense que non). Ceux qui jouent actuellement du folk wallon le font peut-être de manière plus réfléchie … enfin, ce n’est pas sûr, c’est peut-être trop optimiste. »

Jacques Ista : « Non, actuellement le retour aux sources, les recherches musicologiques et les échanges sont facilités par l’informatique et les réseaux sociaux. »

Jean Dizier : « C’est une lente évolution qui, comme je l’ai déjà dit, peut respecter les traditions ou se diriger vers du plus moderne. »

Yves Deplasse : « J’ai interviewé en décembre 2020 plusieurs musiciens folks actifs dans les années 70/80, et ils ont en commun un intérêt très net pour la tradition, les collectages, reprendre des vieux airs et pas seulement jouer des compositions. J’ai aussi interviewé des musiciens d’aujourd’hui qui sont conscients voire intéressé par cette question, mais qui jouent davantage de compositions, voire exclusivement. Le régionalisme parfois naïf dont je me souviens pour les groupes du siècle passé a quasi disparu aujourd’hui, en tout cas je ne le ressens pas. La pratique des instruments est meilleure et les instruments sont de meilleure facture, spécialement les cornemuses et les vielles à roue. »

6. Y a-t-il encore aujourd’hui cet esprit contestataire qui était présent au départ du mouvement folk des années 1960/70 ?

Jacqueline Servais : « L’esprit contestataire du « revival » des années 1970 n’est plus le même ; le folk actuel se situe plutôt dans une mouvance « écolo », il pratique une musique « nature », communautaire, faite par les musiciens pour la participation active et le plaisir de tous. »

Marc Bauduin : « Non, pas du tout. Un patron d’une petite firme de disques (anglaise ?) se plaignait du manque de contestation face à l’actualité. En Angleterre, on connaît pourtant le vétéran très revendicatif Brian McNeill, mais en Wallonie c’est proche de zéro. »

Yves Deplasse : « Le mouvement folk des années 60/70 ce ne sont pas seulement des chevelus joueurs de biniou, mais aussi Joan Baez et Bob Dylan, autrement dit des démarches musicales assez différentes sur la forme. Sur le fond, je crois qu’hier comme aujourd’hui, les musiciens folk ou trad restent attachés au « vivre autrement », avec des valeurs assez humanistes, éloignées du monde de l’argent, du profit et de l’exploitation. La convergence des luttes des années 60/70 (féminisme, pacifisme, écologie, anti-nucléaire, etc.) cadrait assez bien avec le folk, je crois, mais aussi avec du rock alternatif, voire le punk, en se cristallisant dans la notion de communauté, d’ensemble, à la marge, et prenait corps dans des mouvements vastes, des grosses manifestations contre les missiles par exemple. Je ne retrouve pas cette convergence aujourd’hui, pas de manière aussi forte (et caricaturale). L’alternative se décline différemment aujourd’hui. »

7. La vie musicale traditionnelle/populaire en Wallonie est-elle encore très active au XXIème siècle ?

Jacqueline Servais : «La vie musicale traditionnelle n’est plus très active en Wallonie. Il y a le Festival d’Art de Huy du 18 au 22 août, le Festival de Marsinne du 10 au 12 septembre, le Festival Bals et Roses à Florenville fin juin, quelques concerts, bals, animations, de groupes amateurs locaux … Cette vie musicale est beaucoup plus importante en Flandre, surtout en Flandre française dans la région de Lille, en Lorraine, en Bretagne, en Centre France (Berry, Morvan …) où il y a beaucoup de bals folks. La tradition y est plus ancienne et est restée plus vivante. Il y a une fierté d’appartenance à une région qui n’existe pas en Wallonie. Mais attention : il y a dans ces régions de moins en moins de vraie tradition : le « folk » est maintenant un style à part. Je pense aux « boom bals » flamands !»

Marc Bauduin : «Sans considérer l’influence du covid, et en comprenant qu’il s’agit de la vie musicale en Wallonie, pas de la vie en matière de musique wallonne : oui, elle est active ! Le nombre de jeunes musiciens augmente depuis pas mal d’années, le nombre de groupes (y compris donc avec un répertoire breton, irlandais, Centre France, scandinave …) augmente aussi. Mais il y a toujours trop peu d’organisateurs ! De plus, j’ai l’impression que la proportion de groupes qui joue en concert ou en animation augmente par rapport à ceux qui peuvent jouer pour le bal.»

Jean Dizier

Jean Dizier : «Les groupes de danses folkloriques se plaignent de plus en plus de la diminution des effectifs, surtout chez les jeunes. Par contre les festivals (Marsinne, par exemple) et les bals folks habituellement organisés (Rif’zans l’fièsse à Ans, …) sont encore très fréquentés. Il semblerait que ces activités ponctuelles soient plus appréciées que des groupes de danse (avec répétitions hebdomadaires et autres obligations). Je dois signaler, à propos de l’enseignement des instruments anciens, que les cours sont difficiles à trouver. Lorsqu’au début des années 2000 je me suis mis à la vielle, il n’y avait qu’un seul cours donné et c’était à Bruxelles. Une solution était de faire un stage d’une semaine pendant les vacances (mais surtout en France).
Je ne connais qu’un seul cours officiel dans une académie de musique, c’est celui de Mr André Deru, joueur, facteur et spécialiste d’épinette à Eghezée.»

Yves Deplasse : «Les groupes folkloriques disparaissent, peu de jeunes prennent la relève ; en revanche, l’IMEP soutient le projet Melchior, et Olivier Vienne partage le répertoire des ménétriers wallons. En boeuf, il y a toujours des moins de trente ans. Alors disons que oui, elle est encore active.»

8. Comment voyez-vous l’avenir des musiques traditionnelles/populaires en Wallonie et ailleurs ?

Jacqueline Servais : « L’avenir des musiques traditionnelles en Wallonie et ailleurs est entre les mains de jeunes étudiants, et je constate avec plaisir qu’il y a un intérêt certain chez beaucoup. Pour faire vivre cette musique, il y a les musiciens de bal qui respectent de moins en moins la tradition, mais peu importe, pourvu que cette musique, avec toutes les adaptations et compositions « dans le style trad », continue à réjouir tous les âges et à inciter à la danse. Un grand progrès est que les instruments traditionnels, comme la cornemuse, l’épinette, (la vielle, je ne sais pas), entrent dans certaines académies de musique, comme à Eghezée. En France, la vielle est même enseignée dans certains Conservatoires, comme à Châteauroux. C’est à vous, jeunes étudiants, à assurer la perpétuité de la musique traditionnelle. »

Marc Bauduin : « Tant qu’il y aura des bals comme la Queimada (67), des festivals comme Marsinne (68), des organisateurs bien établis comme Rif’zans l’Fièsse (69), l’avenir sera assuré. Par contre, le mythe de l’internet gratuit et les décisions prises en dernière minute ne sont pas bon signe pour les médias spécialisés. »

Jacques Ista : « Simplement dans la continuité : super groupes de jeunes qui se forment, ouverture de certaines académies aux musiques trad : Malmedy, Erezée… »

Jean Dizier : « La musique traditionnelle survivra, entre autres, grâce aux animations et bals folks et grâce à la ferveur des participants. Par contre, en Wallonie, elle n’est vraiment pas beaucoup aidée par les instances au contraire de la France où les subsides et les aides qui lui sont accordés sont beaucoup plus conséquents. »

Yves Deplasse : « Le trad ne mourra pas de sitôt. De Gennetines à Marsinne, de Parthenay à Lovendegem une génération jeune s’approprie les musiques trad, parfois de manière très iconoclaste, d’autres fois en épousant des phrasés collectés il y a 60 ou 70 ans. Je suis confiant : on jouera encore longtemps la Maclote de Steinbach, en Wallonie et partout dans l’univers ! »

9. En tant que musicien(ne), d’où vous viennent vos partitions ?

Jacqueline Servais (vielle à roue) : « Les principales partitions pour la musique traditionnelle wallonne viennent des manuscrits des ménétriers des XVIIIème et XIXème siècles, comme Landrin, Benoit Andrez, Delhaise de Huy, le Fonds Comhaire, Jean-Henry Lambert, Jean-Guillaume Houssa, François-Joseph Jamin, Peiffer, etc. Le relevé complet des manuscrits répertoriés actuellement est sur le site d’Olivier Vienne, « Le troubadour wallon ». Quant aux mélodies d’autres régions, je les ai apprises de mémoire lors de stages ou d’après des enregistrements. Comme beaucoup de musiciens traditionnels, je joue très peu d’après partitions, je n’ai pas de formation musicale classique, j’ai fait six ans de solfège en académie, cela m’a peu passionné, je peux lire la musique mais c’est fastidieux. Donc je joue d’oreille, de mémoire. »

Jacques Ista (accordéon) : « Glanées lors de stage ou échange entre musiciens (sessions). Internet : vitrifolk.fr/ , www.troubadourwallon.be , Fasiladiato (www.facebook.com/groups/astridele/). Recueils de partition trouvé dans les festivals à Marsinne, Anost, Saint-Chartier… »

Jean Dizier (vielle à roue) : « De musiques traditionnelles, de partitions échangées avec d’autres groupes et de musiques composées par différents membres du groupe. »

Yves Deplasse (vielle à roue) : « Je retranscris les airs qui me plaisent, en les encodant avec Musescore. J’en reprends aussi de transcriptions faites par d’autres, notamment Rose Thisse-Derouette. Et puis internet, folktune finder, Gallica, etc. Je n’oublie pas les échanges avec d’autres musiciens. »

10. Quelle est la place d’un instrument tel que la vielle à roue dans le paysage actuel des musiques traditionnelles/populaires en Wallonie ?

Jacqueline Servais : « La vielle à roue n’apparaît pas dans l’iconographie wallonne des XVIème et XVIIème siècles contrairement à la Flandre où elle est très présente chez Jérôme Bosch et Breughel, par ex. Et en Lorraine chez Georges de Latour. D’après Rose Thisse-Derouette, on en jouait un peu au 19ème siècle en Hesbaye et dans les Cantons de l’Est, mais elle a vite été supplantée par le violon et l’accordéon. Au 20ème siècle, elle est réapparue avec le revival, surtout grâce à Claude Flagel, et aux facteurs de vielles, Jacques Fettweis à Sart-les-Spa et Noël Warnier à Nessonvaux. Actuellement, il y a un regain d’intérêt auprès des jeunes musiciens flamands, bruxellois, et wallons dans une moindre mesure, grâce aux stages de musique traditionnelle à Massembre (ex-Borzée), l’AKDT à Neufchâteau …, où viennent comme « maîtres vielleux » les excellents musiciens français comme Anne-Lise Foy, Gilles Chabenat, Grégory Jolivet, etc. Malgré tout, il y a très peu de vielles dans les groupes wallons.»

Jean Dizier : « Ce n’est pas l’instrument le plus répandu, mais pas mal de groupes de musique traditionnelle en utilise une. Mais elle demande souvent une adaptation des partitions. »

Yves Deplasse : « Nous ne sommes pas très nombreux à en jouer. Et encore moins à en jouer en public. Du coup, on entend peu de vielles en Wallonie, sauf peut-être en été, dans les fêtes dites médiévales. Mais je sais que l’instrument fascine, qu’il ne passe jamais inaperçu. »

 

CONCLUSION

 

Vielleux et cornemuseux, René Hausman, Le chat qui courait sur les toits, p. 5 (détail)

 

Par ce travail de recherche, j’ai essayé de définir les contours de la musique populaire traditionnelle, qu’elle soit considérée comme folklorique par certains ou non. J’ai pu constater que définir précisément cette culture est très difficile. Le manque de sources est un obstacle de taille. Mais étant donné que l’on doit toujours pouvoir tirer un enseignement de toute chose, ce manque de sources sur lesquelles s’appuyer, est en soi un élément révélateur. Révélateur d’une culture qui n’a que très peu eu besoin de se fixer et qui a préféré fonctionner dans le partage et l’oralité.

Quant à la question de sa restitution et de sa pratique aux XXème et XXIème siècles, c’est une question théorique qui a l’air d’occuper peu ceux qui la jouent, qui préfèrent en garder l’esprit plutôt que la forme. J’ai eu l’impression que le meilleur compromis entre exactitude historique et pratique d’aujourd’hui, était d’essayer de se rapprocher le plus possible de l’esprit populaire qui, ici veut bien dire par et pour le peuple.

En essayant de lui rendre sa fonction :
Les Soupirantes proposent un accompagnement vocal des cérémonies d’adieux, en mélangeant chants sacrés et profanes en langues diverses.
En limitant la distance avec le public :
Le GAM jouait lors de piquets de grève sans podium.
En intégrant une dimension pédagogique et didactique :
Nombre de bals sont précédés d’initiations et les enfants sont souvent intégrés aux évènements.

Ce sont ces éléments qui m’ont semblés essentiels à la perpétuation de la tradition. Si pour cela il faut intégrer des instruments et technologies modernes, mélanger les traditions régionales, adapter les partitions ou en composer de nouvelles, et bien pourquoi pas.

Il est en outre ressorti de mes recherches et entretiens que privilégier une forme traditionnelle figée (dans le formol diront certains) serait peut-être justement la meilleure façon de s’éloigner de l’essence de ces musiques. Les citations de Claude Flagel (vues plus haut) sont révélatrices de cette volonté de fluidité. Car d’une part, on ne peut pas connaitre avec certitude comment ces musiques étaient jouées à l’époque de leur production ; d’autre part, figer une musique, qui par essence est modifiable à souhait suivant qui la joue, à quelle époque et en quelle occasion, serait à mon sens lui enlever tout ce pourquoi elle est née. Ces musiques se transformaient déjà aux siècles passés, pourquoi en serait-il autrement de nos jours ?

Le plus gros mystère, et qui reste entier car je n’ai pu le percer, est donc bien la fameuse vielle Solheid qui rassemble à elle seule toutes les difficultés rencontrées. Je termine ce travail avec l’impossibilité de connaitre exactement son histoire. Car finalement est-il réellement possible de savoir comment elle était jouée, ce qui était joué et pourquoi ? Son aspect rustique peut tout au plus nous dire de quel milieu elle venait, mais son origine et son emploi restent une énigme. Elle m’aura quand même permis de vaquer à l’intérieur du monde des musiques populaires traditionnelles et par cela de communiquer avec des gens toujours inscrits dans cette volonté de partager et de créer des liens

 

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Notes de fin de texte

 

1 La vielle Solheid est exposée au Musée des Instruments de Musique de Bruxelles, numéro d’inventaire : 2013.073

2 On trouve aussi l’occurrence inverse dans la langue française : « Tête de vielle se dit de la tête du cheval qui présente une certaine ressemblance avec la vielle », dans LITTRE Emile, Dictionnaire de la langue française, tome 4, Paris 1873-1874, pp 2487. gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54066991/f1098

3 BOSMANS Wim, « Une acquisition étonnante au Musée des instruments de musique de Bruxelles : la vielle à roue de la famille Solheid », dans Bulletin des Musées royaux d’art et d’histoire, 84 (2013), p. 153–174. Traduction : Anne-Emmanuelle Ceulemans, pp 83.

4 MOÏSES Luce, La vielle à roue, Bruxelles, La Renaissance du Livre (coll. Les instruments de musique populaire en Belgique et aux Pays-Bas), 1986.

5 TOUSSAINT François, Histoire de nos vieilles famille, histoire du ban de Waimes, archive.org/stream/OrigineEtHistoireDeNosVieillesFamilles/Origine%20et%20Histoire%20de%20Nos%20Vieilles%20Familles_djvu.txt, (page consultée le 17 juil. 21)

6 Ibidem, pp87.

7 Ibidem, pp 89.

8 BOSMANS Wim, « Une acquisition étonnante au Musée des instruments de musique de Bruxelles : la vielle à roue de la famille Solheid », dans Bulletin des Musées royaux d’art et d’histoire, 84 (2013), p. 153–174. Traduction : Anne-Emmanuelle Ceulemans, pp 89.