C’est en allant à la Fnac que j’ai découvert les fabuleux ouvrage « Mémoire d’un pinceau « consacré à René Hausman, dessinateur acharné et jadis fondateur du groupe Les Pèleteüs. Cela m’a rappelé qu’en 2003, Micheline Vanden Bemden avait présenté dans le Canard Folk quelques dessins dans les livres pour enfants, des dessins de musiciens par René Hausman et Remy Dubois parus chez Dupuis en 1969-1970.

René Hausman, même s’il est constamment sur la brèche pour son travail de dessinateur, est visiblement heureux de partager ses souvenirs et son goût pour la musique traditionnelle. Il sait ce qu’il a à dire, notamment les noms qu’il souhaite citer. Chaleureux, il correspond bien à l’image qu’on se fait de lui avec sa barbe touffue.

Né en 193+, illustrateur principalement d’animaux, il a évolué vers les personnages de contes (elfes et autres), et la bande dessinée. Il est également sculpteur à ses heures. Il est présent en cette fin mars au Festival Trolls et Légendes à Mons.

Marc Bauduin 5/3/13

Q : Comment avez-vous commencé à vous intéresser à la musique traditionnelle ?

R : Depuis l’enfance, j’ai été fasciné par la musique traditionnelle, en l’entendant à la radio. Il y avait le mercredi soir à l’INR (l’actuelle RTBF) une magnifique émission L’Anthologie Folklorique entre autres, animée par Louis Quiévreux. Il a surtout proposé des émissions sur le Flamenco). Les premiers cornemuseux que j’ai entendus, c’étaient des Écossais. Puis j’ai appris qu’il y avait des cornemuses un peu partout, notamment en France. J’ai vu des Bretons, mais ils m’ont laissé un peu sur ma faim. Puis vers 16-17 ans j’ai découvert la cabrette d’Auvergne (jouée en compagnie d’une vielle à roue) ébahi à la fois par le répertoire et le style de jeu plein de nuance. Cela reste mon style de musique préféré, avec aussi le répertoire flamand. Je ne suis pas tellement Celtique…

J’ai été épaté par De Vlier et ‘t Kliekske . J’ai bien connu Wannes Van de Velde, qui a d’ailleurs logé chez moi. Il a des chansons superbes, comme « Ik wil deze nacht…. » (il la chante en français (ndlr). Avec Wannes au dulcimer (accompagnement et improvisation), Roger Caro à la vielle(celui-ci pendant plusieurs années) et Raymond Honnay au violon, nous avons fait tout un bal folk . Vous connaissez le dulcimer sans doute ?

Q : Le dulcimer à marteaux ?

R : Non sans marteaux. Un genre d’épinette offrant plus de possibilité qu’une épinette. A l’épinette à marteaux, j’ai bien connu Malcolm Dalglish qui vivait en Belgique, qui fabriquait lui-même ses instruments et qui avait un répertoire bien sûr américain. J’ai bien connu Deroll Adams aussi, au banjo.

Q. Comment avez-vous eu votre première cornemuse> ? Ce ne devait pas être évident à trouver au début des années 60.

R : Je l’ai achetée dans in magasin à Liège. C’était une espèce de bricolage à partir d’un chalumeau écossais et je lui ai ajouté un petit bourdon ténor. Plus tard , j’ai eu des cornemuses de Rémy Dubois, et actuellement j’ai une cornemuse fabriquée et offerte par Jacques Laudy, c’est un fac simili d’un bagpipe à deux bourdons du 17ème siècle, entièrement chromatique. J’ai tous les demi-tons.

Q : Donc vous avez commencé dans le groupe de danses Tos è rond ?

R : Oui, avec la cornemuse bricolée, en La. Tos à rond est un groupe de Verviers dansant essentiellement à Verviers et dans la province. Il est spécialisé en danses wallonnes et Yougoslaves (dans ce dernier cas, je jouais des flûtes).et même israéliennes. Je jouais avec un accordéoniste chromatique appelé Marcel Meunier. Ensuite j’ai joué pour un groupe de danses de l’Est qui utilisait des musiques enregistrées : j’assurais les intermèdes avec des airs bulgares, slovaques et autres.

Q : Puis viennent les Pêleteûs ?

R : En effet, j’avais été séduit par la démarche d’Hubert Boone – Je lui ai d’ailleurs dessiné une pochette pour un disque du Brabantse Volksorkest . Je connaissais un ami, André Fonsny,,qui jouait de la guitare, de la mandoline et de l’épinette, ainsi que Raymond Honnay, qui avait 17 ans à l’époque avec ses cheveux noirs bouclées et qui était déjà un formidable violoneux. Après les Pêleteûs, Luc Pilaertz aussi est venu, ainsi que Jean-Pierre Van Hees et Roger Caro ( les Zûnants Plankèts) et nous avons joué dans les bals. J’ai beaucoup joué en duo avec Raymond Honnay, de 1977 à 2004, (sans que le duo ait un nom, de manière informelle) dans des fêtes et des bals. Nous nous sommes enregistrés pour jouer à un spectacle son et lumière à Bruxelles, où il fallait faire du play-back. Plus tard, le groupe s’est appelé Baligand (ce qui veut dire les Vagabonds, tout en contenant le mot « bal») avec quelques autres musiciens dont un pianiste à un moment. Il y avait beaucoup de wallon dans le répertoire, et aussi pas mal de Centre France (car le préféré de Roger Caro à la vielle, et cela me plaisait aussi). Nous avons animé des stages de danse d’Auvergne, du Berry et de Haute-Bretagne avec l’excellent danseur Marcel Beaujean comme moniteur.

Q : Votre grand-mère Philomène connaissait la maclote paraît-il ?

R : Elle a dansé la maclote animée par deux violons, elle me le racontait. Elle a aussi dansé le quadrille des Lanciers et des danses de couples, mais elle trouvait que la maclote était la plus belle des danses. Elle en connaissait quelques bribes de notes qu’on retrouve aussi en France. Elle racontait aussi qu’elle avait vu des Italiens traverser l’Europe avec leurs cornemuses et leurs pifferi.
A propos des ménétriers, j’ai rencontré Constant Charneux qui jouait de la sirène d’amour. Il avait bientôt 90 ans, on voyait qu’il était âgé, mais il avait encore la manière. Et Henri Schmitz, plus jeune et qui , malgré qu’il jouait du violon, l’avait caché pendant de nombreuses années, parce qu’il était tourné en dérision par ses proches.

Q : Votre répertoire de chansons provenait d’où ?

R :D’une part, nous avions fait un peu de collectage près de la Baraque Fraiture en 1964, il y avait là une dame de presque 70 ans qui chantait de très belles et très longues complaintes, notamment la complainte d’Henriette et de Damon qu’on retrouve sur le tout récent disque « Chants d’amour et de mort en Wallonie » (cfr le Canard Folk du mois dernier, ndlr). Nous jouions aussi le Deuil d’amour qu’on retrouve sur le même CD. Mais surtout nous avions un vieux chansonnier wallon et flamand du début du 20ème siècle d’Émile Closson, qui est un véritable trésor, un livre fantastique.

Q : Depuis 2004, vous jouez encore ?

R : Je joue surtout chez moi, des flûtes. J’ai trouvé notamment en brocante un pipeau turc en bambou, parfaitement juste, dont j’ai un peu modifié les trous du dessus. Je joue de plusieurs flûtes à bec, baroques et allemandes. Par contre, je n’ai jamais pu me faire au pipeau irlandais.

Q : Un mot pour terminer….

Vous savez que j’ai connu Rémy Dubois avant qu’il soit fabricant ? C’est moi qui lui ai donné le goût de la cornemuse (il le dit d’ailleurs lui-même),j’en suis très fier et content !

Info : site wwww.renehausman.be

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Puisque René Hausman a mentionné une émission de l’INR produite par Louis Quiévreux, nous avons tenté d’en savoir plus..Grâce à Hubert Boone et à Wim Bosmans (que nous remercions ainsi que Françoise Lempereur) nous avons retrouvé sa fille à Uccle.

Louis Quiévreux 1902 (Molenbeek-Saint-Jean) – 1969 (Uccle) journaliste, écrivain et musicien, s’est notamment intéressé au folklore bruxellois en rédigeant plusieurs ouvrages sur ce sujet. La littérature anglaise, le flamenco étaient également parmi ses spécialités.

Conversation téléphonique avec Anne Quiévreux.

Q : il semble sue votre père ait réalisé jadis une émission, L’Anthologie folklorique, consacrée à des musiques traditionnelles.

R : Pas exactement, c’était uniquement de la musique espagnole, principalement de flamenco. Il a bien fait une ou deux séries plus générales sur l’Espagne : les Asturies, la Catalogne…ainsi que sur la musique de luth, de guitare et de vihuela. Il a d’abord eu une période anglaise : professeur d’anglais pendant la guerre, il a été membre d’un jury représentant l’université de Cambridge et jouait en même temps de la guitare et du luth, ce qui explique qu’il est devenu très calé sur cette musique alors qu’elle n’était pas, ou pas encore, à la mode. Il a joué occasionnellement dans l’ensemble Safford Cape.
Il est aussi l’auteur d’un livre sur l’Angleterre, d’une plaquette sur Shakespeare à l’usage de l’enseignement et a collaboré à Assimil.

Sa période espagnole a chevauché en partie sur la période anglaise. Il s’était lié d’amitié avec son professeur d’espagnol dans les annnées20 ainsi qu’avec un guitariste classique nommé Paco Alfonso qui passait de temps à autre à Bruxelles. Mon père allait en Espagne et en ramenait chaque fois beaucoup de disques introuvables ici. Après la guerre, il a connu Nicolas Alfonso ( c’est un autre Alfonso) qui est devenu le premier professeur de guitare au Conservatoire de Bruxelles. Il a pris contact avec de nombreux gitans et non-gitans qu’il a rencontrés soit en Espagne, soit ici après des concerts.

Q : Vous-même avez été journaliste à la RTB ?

R : J’ai été producteur en musique classique. Outre la musique classique, j’ai programmé plusieurs fois des groupes comme les Pêleteûs,’t Kliekske, Hubert Boone sur musique 3, car leur musique intéressante n’était pas de la variété et ne trouvait pas de place ailleurs. J’ai étudié au Conservatoire en même temps qu’Hubert Boone, j’ai travaillé au Musée des instruments de Musique, et un jour j’ai envoyé Hubert Boone chez le meunier Valentin dans la région de Renaix, à Saint-Sauveur à propos de la « mus à chac » (cornemuse ) – un meunier qui par ailleurs réparait lui-même les moulins à vent.

Q : Louis Quiévreux est devenu un folkloriste qui s’est spécialisé sur Bruxelles.Est-ce bien exact ?

R : Il s’y est intéressé depuis le début de sa carrière. Disons d’abord que j’ai bien ri un jour en voyant la soi-disant biographie de mon père sur internet, où il était né dans la région de Tournai. Je ne suis pas arrivée à déterminer la source ni à corriger cet article. Mon père est bruxellois. Il est né et décédé à Bruxelles. De temps à autre, étant enfant, il a passé quelques mois chez sa tante dans le Tournaisis et en a gardé des liens sentimentaux. Ce qui peut expliquer la confusion.

Depuis le début, il a collecté des livres des plans, des documents…..relatifs à Bruxelles, notamment au Vieux Marché. Il a publié dans la Dernière Heure (avant la guerre) et dans La Lanterne (après la guerre) des articles quotidiens , des chroniques d’humeur sur l’histoire de Bruxelles, sur les représentations de théâtre, sur des concerts, la protection des animaux, la nature… Il s’intéressait à beaucoup de choses. Le matin, il partait arpenter les rues pour trouver de nouveaux sujets.

Depuis le début des années 50 il a publié des ouvrages, tout d’abord des recueils de ses chroniques, dont deux ou trois par La Meuse – dont La Lanterne était l’édition bruxelloise. Il a aussi publié à compte d’auteur afin de compléter ses chroniques et d’établir des liens entre elles. Il a également écrit un livre en 1959 sur le flamenco, dans lequel il présente les chants et les danses d’Andalousie avec des exemples musicaux. Il donnait des conférences sur le flamenco, illustrées par un guitariste. Et c’est moi qui ai noté les exemples musicaux, en suant sang et eau, tellement il était difficile de faire jouer lentement ce guitariste, qui était illettré et ne comprenait pas que je voulais noter sur papier.

 

Pour compléter le tableau de cette très sympathique conversation, relevons qu’Anne Quiévreux possède des recueil de dessins de René Hausman, et qu’elle est présidente de l’Union belge pour l’Abolition de l’Expérimentation sur l’Animal Vivant.

Marc Bauduin 12/03/13

(Paru dans le Canard Folk d’avril 2013)