Interview de « marraine accordéon » par e-mail en février 2018 par Marc Bauduin.

accordéon et saxeQ : On te connaît avant tout par tes nombreux cours et ateliers d’accordéon (avec l’un ou l’autre élève qui est devenu célèbre). Quand ont-ils débuté ? As-tu vu une évolution de ton public durant ce temps ?

R : Oui c’est vrai ! je suis surtout connue grâce à la célébrité de quelques-uns de mes élèves 🙂 Le plus connu étant bien entendu, Didier Laloy ! Mais il y a aussi Pablo Golder, Coline Malice, Heikki Verlinden…. et bien d’autres à qui j’ai transmis cette passion durant plus de 30 ans.

Didier a commencé l’accordéon diatonique avec moi relativement tard, à 13 ans 1/2 et on a travaillé ensemble chaque semaine pendant 2 ans. Dès le départ, j’ai observé qu’il se réappropriait les morceaux que je lui proposais et faisait de la « dentelle » … Ensuite nous avons tous les 2 suivi les stages animés par Bruno Le Tron à Borzée…. (tout jeune à l’époque) ! A 16 ans, j’ai accompagné Didier au Concours « Jeune Solistes » (RTBF) où il a joué avec l’orchestre de l’émission et remporté le Prix du Public. Nous étions aussi les 2 seuls diatonistes belges à participer au défilé de 1000 musiciens traditionnels sur les Champs Elysées lors du bicentenaire de la révolution française ! Je dis souvent que c’est ce que j’ai fait de mieux dans ma vie… apprendre l’accordéon à Didier. Je suis fière du très bel artiste qu’il est devenu !

Mon autre « chouchou » c’est Pablo Golder. On s’est rencontrés dans le cadre des ateliers théâtre « L’art d’ëtre -s différent-s  » animés par Jacqueline Beghin à Auderghem. Il a démarré le diato avec moi à 10 ans en Belgique et a beaucoup travaillé en autodidacte quand il a déménagé en Italie. Je lui envoyais du répertoire sur K7 à l’époque. Il a entre autres beaucoup écouté Kepa Junkera et suivi les stages de l’AKDT de Neufchâteau avec Didier & Bruno. Moins « médiatique » que Didier, basé à Gand, il poursuit une très belle carrière de musicien dans différents groupes dont un duo avec Baltazar Montanaro « Les Frères Tarzanelli » et surtout le groupe manouche avec chanteuse « Les Bandits de Belleville ».

Coline Malice (de son vrai nom Céline Scheepens, fille d’Eddy Scheepens un pionnier du diato en Belgique) a travaillé aussi avec moi rue du Bourgmestre à Ixelles et s’est installée en Auvergne. Elle chante ses propres chansons en s’accompagnant de l’accordéon diatonique et a réalisé déjà plusieurs albums.

Heikki Verlinden de la région de Leuven venait au cours chez moi en famille à Forest ! Il a travaillé ensuite avec Louis Spagna et fait de la musique plutôt pop rock dans le domaine des arts du cirque.

accordéonCe que j’ai encore observé dernièrement c’est que les élèves m’apportent toujours beaucoup …. ! Par exemple, Giovanni Amalfi qui est d’origine sicilienne m’apprend des tarentelles et chansons italiennes … Avec Alexandra Leroy, nous travaillons un répertoire à 2 voix dont « Peribanou », une superbe chanson grecque qu’elle m’a proposée ….
C’est super gai tous ces partages & échanges !

Q : Emploies-tu une méthode particulière d’accordéon, ou te bases-tu surtout sur ton expérience et sur la transmission du plaisir de jouer ? Peux-tu expliquer comment se passent tes cours ?

R : J’ai donné beaucoup de cours particuliers et c’est ce que je préfère. Parce que je peux me mettre au diapason de chacun-e, Ce qui est beaucoup plus ardu quand on a un groupe avec 2 ou 3 niveaux différents et des attentes très diverses.
Je n’ai jamais vraiment employé de méthode parce que au départ, quand j’ai commencé seule fin des années ’70. rien n’existait et tout était à créer. Pas de notation, pas de recueils, pas d’Internet ni de You Tube …. ! A l’époque j’ai écouté beaucoup de 33 tours et K7 de musiques traditionnelles belge & française et j’essayais de reproduire ces musiques d’oreille. Je reste convaincue que c’est la meilleure manière d’appréhender ces musiques de tradition orale et que chacun-e peut développer son oreille.
J’ai toujours enseigné le diato de cette façon … d’oreille pour la mélodie et avec des grilles d’accords pour l’harmonie. Par expérience, j’ai appris que si on sait chanter le morceau on sait le jouer … Donc, je fais souvent chanter la mélodie de la main droite en s’accompagnant des basses et accords main gauche… J’ai adopté également la notation de Jean-Michel Corgeron pour la tablature des accords main droite. Et d’avoir fait quand même 3 ans de solfège et musicologie me donne aussi des outils pour expliquer un rythme ou la stucture d’un morceau.

J’essaie de retransmettre au maximum ce que Louis Spagna (mon premier professeur) m’a appris d’essentiel : la rigueur et la « pêche » (coup de soufflet et énergie) ainsi que le lien complice avec les danseurs ! Mais aussi le plaisir de jouer, seul ou à plusieurs, ainsi que la musicalité et l’écoute. Tout se passe dans la convivialité et la bonne humeur, mais je suis quand même exigeante et surtout j’encourage chaque élève à progresser suivant son propre rythme.

Q : Toi-même, comment as-tu commencé l’accordéon ? Plus généralement, comment as-tu fait la connaissance du folk ?

R : J’ai commencé l’accordéon fort tard … j’avais déjà 29 ans …. Mais depuis la petite enfance j’avais déjà joué un peu de tout en autodidacte et toujours d’oreille …. piano jouet, mélodica, flûte à bec, épinette, harmonica …. et surtout je chantais beaucoup. A 11 ans j’ai reçu un piano droit et j’inventais déjà mes propres musiques …. parce que à Lessines il n’y avait pas d’école de musique ni de professeur à l’époque. Je me souviens entre autres d’une pièce descriptive qui s’appelait l’orage 🙂

Fin des années ’70 lors d’une des premières « Foires aux artisans » à Ellezelles (Pays des Collines) j’ai découvert le groupe « E saquant Beyaus » qui jouait dans la rue… un répertoire mélangé de folk & de chansons anciennes que l’on n’entandait pas dans les médias. Avec Francis & Jean-Marie Vancoppenolle (accordéons chromatiques, violons et voix ) ainsi que Jean-Pierre Dusoulier (accordéon chromatique, voix)

Puis j’ai eu l’occasion d’acheter mon premier accordéon diatonique (1500 FB ! ) dans la Petite rue des Bouchers où je jouais parfois de l’harmonica … et où j’ai rencontré le violoniste Michel Donceel. C’était un instrument syle Hohner mais au son plus doux, en do-fa, d’Allemagne de l’Est. Un véritable coup de coeur ! J’ai senti tout de suite que l’accordéon diatonique était mon instrument …. je l’ai pris dans les bras et spontanément j’ai joué « Le temps des cerises » à 2 mains … ! . C’était le début d’une longue histoire d’amour … 🙂

Q : Qui sont tes accordéonistes préférés (et pourquoi) ?

R : Il y en a tellement ! et je ne voudrais pas faire de jaloux si j’oublie de citer l’un ou l’autre …. Il y a bien entendu les grands « ténors » du diato et amis de longue date … Bruno Le Tron, Kepa Junkera, Serge Desaunay, Riccardo Tesi, Marc Perrone, Daniel Denecheau & Jean-Pierre Yvert (stages à Neufchâteau), Stephane Delicq, François Heim, Benjamin Macke, Andy Cutting, David Munnelly, Markku Lepistö, Didier & Pablo…. mais aussi Pascale Rubens, Anne Niepold, Sophie Cavez et puis tous ceux qu’on peut découvrir actuellement en explorant You Tube….

J’aime beaucoup aussi certains chromatiques comme Richard Galliano, Tuur Florizoone, le « gaucho » Renato Borghetti, Monique Gelders, Raquel Gigot, le regretté Régis Gizavo tout grand accordéoniste et chanteur malgache, le « géant » Astor Piazzola, le pionnier du swing musette Gus Viseur (né à Lessines comme Magritte)… la liste des talents est infinie !

accordéonJ’aime chez eux leur personnalité originale, la sensibilité et la belle énergie qu’ils dégagent, l’authenticité…. le punch et l’émotion qu’ils transmettent …. leurs compos… tout ce qui fait que la musique nous touche au plus profond et nous met en joie !

Q : De quels accordéons (marque, modèle) joues-tu, ou jouais-tu avant le vol ? Où conseilles-tu de faire réparer ou accorder l’instrument ?

R : Après le premier diato d’Allemagne de l’Est (je l’ai toujours), j’ai longtemps joué sur un Hohner comme beaucoup d’autres à l’époque. Fin des années ’80 j’ai testé également le 4e prototype des accordéons belges créés par Guido Houben, Louis Spagna & Bernard Vanderheijden. C’était un très bel instrument la-ré en merisier que j’ai joué pas mal de temps, mais finalement un peu trop carré et au son fort doux, donc assez fatiguant pour animer les bals… (revendu à un collectionneur )
Ensuite la famille des Castagnari, à commencer par le Mory 2 rangs 1/2 que j’ai été acheter à Rennes « Maison de l’Accordéon » après avoir vidé mon carnet d’épargne ! Il avait un superbe accordage réalisé par Jean-Pierre Leray. Puis j’ai longtemps joué sur Handry & Lilly en parallèle… Le mini Giordy, c’est plutôt pour le fun !

Lors d’un passage en Bretagne, en revenant de « Mains Unies », j’ai craqué pour un Stelvio 18 basses au  » Piano à Bretelles » à Rennes chez Philip Roguez, un ami musicien de longue date rencontré à St Chartier.
Suite au vol de cet instrument début avril 2017, j’ai opté pour un Saltarelle modèle Iroise que j’avais essayé chez Iwein Jacobs « accordéons Viseur » à Puurs (Ruisbroek). Je recommande d’ailleurs Iwein pour tout ce qui est réparation et accordage. Il est très compétent et passionné par son métier.

Q : Peux-tu donner la liste des groupes dont tu as fait partie, en donnant des dates ne fût-ce qu’approximatives ?

R :  » Broke de viole » (années ’80) avec Philippe Guérard (violon) Luc Demulder (cornemuse et guitare) Jean-Pierre Schotte (synthé /accordéon chromatique) et Jean-Paul (basse électrique fretless).

« Les petits campagnols » (années ’80) groupe de bal folk pour enfants à géométrie variable. Une quinzaine de musiciens & animatrices danse. Avec Alain Delval (hautbois), Walter Leenders (contrebasse) François Martens (cello) Armelle Slock (violon), Anne Leenders (violon), Claudine Goche (vielle à roue) Myriam Eliat & Edith Martens (animation danse)….

Gigajoul (à partir de 1993): formé de 5 personnalités féminines : Gwen Broset, Claudine Goche, Anne Leenders, Myriam Eliat et moi.

accordéon et saxe« Les Pierrots lunaires » (années ’90) : éveil musical en crèche, concert et animations musicales pour enfants avec Jean-Paul Chemin (voix, guitare, harmonica) Jean-Christophe Van Dam (clarinette, contrebasse), André Deru (épinettes), Isabelle Pêcheur (harpe celtique)…

« Pas de panique » (années ’90) : duo pendant 10 ans avec Fabienne Lenotte (flûtes) et puis trio avec Bruno Vermeulen (guitare, alto).

« Les Allumés du dépliant » (années 2000 ) ce sont des groupes occasionnels que j’ai formés avec mes élèves en diato, entre autres, pour participer à « l’Accordéon moi j’aime » à Tournai !

« Goulash Band » (fin des années ’90 – 2000) avec Jean-Luc Dallons (guitare), Pierre Henin / Roland Hella (contrebasse), Frédéric Wuilliaume (saxes).

« Tchapia Capia » (2015 – 2018) en duo avec Fred Williaume (saxes) et souvent des guests !

Ainsi que de nombreux autres formations éphémères au fil des rencontres & de belles occasions… …. avec contrebasse, vielle à roue, cornemuses, percussions, clarinette, 2e accordéon, guitare, banjo, mandoline, chant, harmonica… tout dernièrement avec une caisse claire de fanfare pour faire danser les géants …. j’ai adoré !

Q : Comment vois-tu la situation des musiques et danses folk en Belgique francophone aujourd’hui ?

R : Je ne crois pas être la mieux placée pour donner mon avis à ce sujet parce je n’ai jamais été pas une « folkeuse » à tout crin ! Depuis toujours, je suis passionnée par toutes les musiques de qualité dont les musiques traditionnelles dans le monde, mais aussi la chanson française, le jazz, le blues, les musiques du monde ou classiques.
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Comme beaucoup d’autres, j’ai vécu intensément les stages de l’AKDT à Neufchâteau et j’y ai appris énormément. D’autre part, je regrette la disparition des week-ends de Borzée qui ont été un creuset de développement folk extraordinaire … Mais il me semble en tout cas, que les musiques & danses folk sont en plein essor actuellement, que ce soit à Bruxelles, en Wallonie ou en Flandres. Ainsi que l’apprentissage des instruments traditionnels entre autres auprès des plus jeunes. Ce qui me passionne le plus, c’est le foisonnement actuel au niveau de la création trad/folk, métissée avec d’autres musiques, que ce soit le jazz ou les musiques du monde …

Q : As-tu des regrets ? Peut-être aurais-tu aimé faire de la musique avec un statut de professionnelle ?

R : Oui parfois, je me dis que si j’avais eu l’occasion de commencer l’accordéon plus tôt j’aurais été sans doute musicienne professionnelle. Mais aucun regret ! j’ai vécu tellement de moments extraordinaires avec le diato…. en bal folk bien sûr, en crèches et animations enfants, mais aussi avec le théâtre, la poésie, la chanson française et wallonne, la chorale « La Clé des Chants », le documentaire dont « La Maison du Peuple » d’André Dartevelle où j’ai créé le générique avec Lilly …. et tant d’autres moments magiques en Belgique & à l’étranger …. Je pense entre autres à la Tunisie avec la « Cie de la Casquette » (théâtre jeune public) ou la Bulgarie en échange musique & danse 🙂

accordéonQ : Quels sont tes projets ?

R : Depuis toujours je suis en projet ! c’est mon moteur de vie 🙂 Pensionnée depuis 2 ans, j’ai l’occasion de plus rejouer et de redonner des cours de diato individuels. D’autre part, je suis engagée dans plusieurs associations locales telles que « Lessines-Afrique », la Locale Ecolo et un collectif citoyen « Collectif Colisée » …

Surtout je poursuis l’organisation de « Petits Concerts » de musiques très variées chaque mois depuis bientôt 7 ans… C’est un rêve que j’ai pu concrétiser dans la maison de famille en bord de Dendre où j’habite. C’est devenu un véritable espace café-théâtre à la fois intime et très convivial où j’accueille des artistes de haut vol : « Le Cabaret des Oiseaux ».
Depuis quelque temps, j’ai créé aussi un partenariat avec Raphaël Debruyn, conservateur de l’Hôpital Notre Dame à la Rose pour y organiser des concerts plus conséquents dans la très belle chapelle baroque.
J’ai aussi le projet de créer une émission de musiques du monde à la radio locale de Lessines « Ma radio » qui serait comme un relais de l’émission de Didier Mélon « Le Monde est un Village » et des concerts organisés par Muziekpublique !

J’aime beaucoup cette maxime « Chaque jour est une vie » …. (superbe chanson de Louis Chedid) … et donc j’espère vivre encore beaucoup de surprises et belles rencontres humaines et musicales dans le futur … !

Pour toutes infos sur les concerts, animations musicales ou cours de diato :
Marianne Uylebroeck 0470 244 252 ou marrainaccordeon@skynet.be ou sur Facebook
Chemin du halage 3 à 7860 – Lessines