Le Canard Folk souhaite donner la parole aux quelques foIkeux belges qui ont été suivre une formation en Scandinavie, généralement la Suède.

Cédric Libert a été le premier à nous répondre et nous raconte son expérience avec enthousiasme.

Marc Bauduin

1. Malung ?

Un jour, à un stage de violon suédois à Neufchateau, j’ai entendu parler de Malung. C’était la première fois. Raphaël, qui y avait étudié un peu la danse suédoise, est venu nous apprendre à danser la polska. C’était en juillet 2019. J’avais commencé le violon 3 ans plus tôt, sur le tard, principalement pour jouer de la musique irlandaise.

Fin août 2019, à Stockholm, au retour d’une conférence en Estonie, je rencontre Karin, qui m’héberge sur place. Elle joue du violon depuis un paquet d’années et on en profite pour échanger quelques morceaux. Notamment certains qu’elle a appris pendant son année de violon folk à la folkhôqskola de Malung. Deux fois en deux mois, assez pour que ça me reste en tête.

En février 2022, ça y est, je vais enfin rencontrer la prof de violon suédois dont tout le monde parle. Mesdames messieurs, Mia Marine. C’est au festival Fiddlers on the Move à Gand. J’entends dire qu’elle enseignait en Suède. À Malung. Un nom qui resurgit presque trois ans plus tard.

Un mois plus tard, à un atelier de danse wallonne donné par Aurélie Giet, je discute avec elle et elle m’explique qu’elle a étudié la danse suédoise en Suède. A Malung. Deux fois en deux mois, assez pour que ça commence à me trotter dans la tête. « Si t’aimes bien la musique suédoise, tu devrais aller étudier là-bas ». Je ne remercierai jamais Aurélie de m’avoir fait cette suggestion, en mars 2022. C’est décidé, je postulerai pour Malung.

2. La préparation

J’ai décidé de prévoir une grosse année pour me préparer. Fin août 2023, je devrais être prêt. J’ai donc commencé à apprendre le suédois. Même si les gens, parait-il, parlent bien anglais, je préfère pouvoir aussi me débrouiller un peu. J’ai acheté un livre et pris du temps à une Suédoise habitant à Namur qui m’a, avec beaucoup de patience, permis d’acquérir les bases.

Puis j’ai mis de l’argent de côté. L’école est gratuite, mais pas le logement, et aucune bourse ne semblait possible pour moi.

Dès les candidatures ouvertes, j’ai rédigé, dans mon plus beau suédois et avec relecture attentive e Charlotte, ma présentation, mes motivations, tout ce qu’il fallait indiquer dans le dossier. Tout ça se fait via une inteface centralisée sur laquelle il faut se créer un compte et qui permet de postuler dans n’importe quelle école en Suède.

Pour Malung, il n’y a pas d’épreuve de sélection, tout se fait sur dossier, avec une présentation de mon parcours musical (quelques années de violon à l’académie, le Solfège, la musique irlandaise, un peu de jazz, la musique wallonne, et beaucoup d’apprentissage d’oreille, ce qui semble être le plus important pour cette année de violon). Une
fois le dossier soumis, il n’y a qu’à attendre. Résultats à Pâques 2023.

Pendant un stage de musique à Virton, j’ai appris la nouvelle: l’école m’accepte. Je n’ai pas attendu longtemps pour confirmer ma participation. Ça y est, c’est sûr, je vais à Malung !

3. Le voyage

Pour aller jusque-là, le moyen de transport le plus amusant semblait être le vélo. Après avoir fait soigneusement mes sacoches, qui allaient me permettre de tenir les différentes saisons suédoises, je me suis mis en route.

L’Allemagne d’abord, avec des villes remarquables telles que Aachen, Cologne, Münster, Brême, Hambourg. Puis le Danemark vers Copenhague (après une heure de ferry). Puis la Suède via Malmö, Göteborg, le festival de Ornunga, Karlstad et Malung terminus, après 4 semaines à vélo et avec le luxe d’un jour d’avance sur le planning.

Je m’installe, je me pose, je visite les lieux. Les cours commencent dans deux jours. Juste le temps de faire connaissance avec les autres étudiants qui partagent mon bâtiment, juste avant d’être emporté par l’enchainement des cours et par la vie à Malung.

4. La vie à Malung

Les cours, en suédois (il y a très peu d’étrangers dans cette école), ont lieu de 8h à 15h et consistent principalement en un échauffement, des exercices techniques, de l’apprentissage de morceaux, du travail de style.

Le mercredi après-midi est dédié en général à des activités physiques, jusque 15h où il y a un cours commun avec la classe de chant. La semaine se termine le vendredi midi.

Un soir par semaine, les élèves des cours de musique (chant et violon) animent le danskval (bal folk rempli de polskas, schottis, hallings et springleks), où les gens semblent friands de danses wallonnes en groupes.

D’autres soirs on répète, on regarde des films, On prend le temps. Et quand le weekend arrive, parfois on va à l’un ou l’autre festival, soirée, journée de musique folk. Ou on reste à Malung et on passe du temps avec les autres étudiants, qu’ils ou elles soit en musique, en guide de montagne, en artisanat, en cours généraux.

En ville, il y a une « école culturelle » qui propose des cours de musique, ainsi qu’un spelmanslag (orchestre de violoneux et violoneuses) qui répète régulièrement un répertoire de morceaux suédois. Malung reste ancrée dans une tradition musicale très riche, avec des violoneux tels que Lejsme Per, Herman Strbmberg ou encore Troskari Erik.

5. La musique à Malung

Dans la classe de violon, les parcours de chaque élève sont aussi très variés et vont des débutantes tardives, qui ont commencé il y a un ou deux ans, aux violonistes professionnelles d’orchestre. Chacun prend ce qu’il peut, selon son niveau. Tout l’apprentissage se fait à l’oreille et par imitation. J’ai l’impression que, tant qu’on est capable de se débrouiller un peu sur son instrument, on est le bienvenu à ce cours et on peut en tirer quelque chose.

Les cours ont lieu avec trois profs différents qui s’alternent chaque semaine: Adrian Jones, Maria Magdalena Eriksson et Jonas Brandin. Trois styles très différents qui rendent les cours très riches.

On a aussi le plaisir de recevoir des profs invités certains jours, des musiciens et musiciennes du Vastra Dalarna (la région où se trouve Malung) ou d’ailleurs, qui nous apprennent des morceaux de chez elles et eux. Avec mille et une saveurs différentes de polskas, des jamtpolskas, bodapolskas, kort etta (polskas avec un premier temps court) et les finnskogspols.

Pour aider à trouver le feeling, une salle d’écoute remplie de CD est à notre disposition, pour affiner notre oreille, trouver ce qu’on aime, découvrir des morceaux et des groupes.

Outre la musique, nous avons eu plusieurs journées de cours de danse, assez tôt dans l’année, avec une prof de danse de l’école. On joue de la musique à danser, c’est intéressant qu’on puisse la danser aussi. Et qu’on puisse danser sur les morceaux que les autres élèves jouent lors des soirées dansantes.

6. Les trois saisons

À Malung, j’ai vécu trois saisons de façon asymétrique: un été très beau, avec de longues journées et des moustiques, qui s’étendait encore jusque fin octobre et durant lequel les lacs se prêtaient bien à la baignade.

Un automne qui est arrivé discrètement fin octobre quand, d’un coup de vent, les feuilles sont tombées. Le court automne a laissé place à l’hiver avec les premières neiges de mi-novembre et les lacs gelés qui se prêtaient aussi à la baignade, mais de plus courte durée et de préférence avec un sauna chaud pas loin.

L’hiver suédois m’a permis de découvrir le ski de fond, grâce aux skis que l’école met à disposition de tout le monde et aux élèves guides de montagne qui sont très aptes à enseigner le ski.

À l’approche du solstice d’hiver, nous avons organisé un concert de Noël dont chacun et chacune était responsable pour un morceau. Une belle façon de clôturer ce semestre et de saluer les nombreuses personnes qui ne restaient là que jusque fin décembre.

Le lendemain, j’ai pris le bus jusque Borlânqe, le train suédois jusque Stockholm, le train de nuit jusque Hambourg, le train allemand jusque Cologne puis Liège, le train belge jusque Namur. Heureux de savoir que j’allais refaire le trajet dans l’autre sens 20 jours plus tard. Et rester encore en Suède jusqu’au milieu de l’été.

7. Débriefing à mi-chemin

Jusqu’à présent, étudier le violon suédois à Malung est une expérience très positive qui m’a permis de progressivement comprendre les polskas, en particulier leurs rythmes parfois très particuliers. Ce n’est pas à proprement parler une formation qui donne accès à un diplôme, mais j’ai reçu un certificat pour ma participation au cours.

Ces quelques mois m’ont fait découvrir beaucoup de musiciens et de musiciennes, de morceaux, de festivals, de styles. Dans la suite de l’année, le groupe se renouvelle presque entièrement, mais je vais continuer à travailler le style tout en apprenant de plus en plus de morceaux.

Je pense qu’à mon retour en Belgique j’essaierai de trouver des gens intéressés pour organiser des sessions régulières de musique suédoise. Je crois, par ailleurs, que j’essaierai de retourner régulièrement en Suède pour des festivals, pour revoir des amis, pour me replonger dans le monde de la musique suédoise.

8. Quatre types de polskas à découvrir

Pour finir, voici quelques suggestions d’écoute pour découvrir quelques types de polskas.

Springlek: les « Springlek » ont en général un premier temps court (kort etta) très reconnaissable. Par exemple Springlek efter Lissmyr Erik joué par Mattias Helje sur le CD  « Srnedjelàtar », ou Springlek efter Lars Vilhelm Johansson joué par Kalle et Anders Alrnlôf sur le CD « Malungslek ». C’est de la musique très typique de l’ouest du Dalarna (et donc de Malung) !

Bodapolska: originaire de Boda (prononcez « Bouda »), elle a parfois un premier temps court et un accent marqué sur le deuxième temps. Par exemple Polska efter Drang Jerk, que l’on peut entendre sur l’album de Stina Brandin « Tacka Fan for det » ou Polska efter Dahl Jonas, sur l’album « Bodalàtar » de Jonas Brandin, Erik Berg et Hadrian Prett.

Polska de Halsinqland: encore un tout autre style, avec beaucoup de notes, des doubles croches, des morceaux un peu plus virtuoses, qu’on peut retrouver par exemple sur l’album « Songs from Hàlsinqland » de Thuva Hardelin.

Finskogs pois: un type de polska avec un troisième temps court (kort trea), par exemple Pois efter Jon Andersson sur le CD « Granslandslâtar » de Mats Berglund, Gôran Hàkansson. Fredrik Lundberg & Anders Nordlëf.

Cédric Libert