
L’IMEP, école de musique et lieu de naissance du projet Melchior se développe encore en direction des musiques et chants traditionnels. Cette fois, il ne s’agit pas seulement de cours mais d’un pôle supplémentaire.

Julien Maréchal , permanent à l’IMEP et violoniste de Trio 14 répond à nos questions.
Marc Bauduin
Peux-tu d’abord rappeler ce que sont les pôles existants, et quelles sont leurs principales activités ?
Tout d’abord, merci au Canard Folk de s’intéresser à cette nouvelle structure que nous mettons en place à l’IMEP. C’est une chance pour nous de pouvoir en parler ici.
L’IMEP compte aujourd’hui huit départements. Cinq de ces départements sont consacrés aux différentes disciplines de la musique classique ou ancienne (cordes, vents, claviers, etc.). Il y a également un département consacré à la musique pop, un autre à l’informatique musicale.
La nouveauté, c’est la création en avril 2025 d’un département intitulé « Musique & Transmission ». Ce département est d’un type inédit en Belgique francophone. Il regroupe tout ce qui a trait à l’enseignement de la musique (formation et éducation musicales), branche qui fait partie de l’ADN de l’IMEP depuis sa création. Il regroupe également – et c’est ça qui est nouveau – tout ce qui a trait aux musiques traditionnelles.
Il y a Melchior, bien sûr, mais il y a surtout des cursus en musiques de tradition orale, qui démarreront en septembre 2025 (on y reviendra en détail).
Tout ça ouvre de très belles perspectives, pour deux raisons. D’abord parce qu’il n’y avait pas, jusqu’ici, de formations supérieures consacrées aux musiques traditionnelles en Fédération Wallonie-Bruxelles : les possibilités pour se perfectionner dans un instrument ou un style lié aux traditions orales étaient jusqu’ici limitées aux stages et aux cours qui existent dans certaines académies ou ASBL. Je dis « limitées », même si ce sont des offres très qualitatives et absolument indispensables. Simplement, elles ne permettent pas toujours de pousser l’apprentissage aussi loin que le voudraient certains élèves qui placent dans ces musiques une ambition professionnelle. Il faut pouvoir offrir, au niveau supérieur, une suite à ces formations.
Ensuite, ce qui est très enthousiasmant, c’est de regrouper la musique traditionnelle et la pédagogie au sein d’un même département. On sait les bénéfices réciproques qui existent entre l’une et l’autre. La pédagogie a souvent puisé de la matière et du sens dans les répertoires traditionnels régionaux – on pense à Kodaly en Hongrie, mais il y a eu d’autres courants ailleurs en Europe. Plus près et plus récemment, les ensembles de musique d’oreille qui se multiplient depuis vingt ans dans les académies de Belgique francophone reposent pour la plupart sur les répertoires de tradition orale, particulièrement bien adaptés à une pratique musicale sans partition.
A l’inverse, l’enseignement est un vecteur privilégié pour la diffusion des musiques traditionnelles, et donc pour la consolidation de leur pratique. Il y a les ensembles d’oreille, dont on vient de parler, mais pas uniquement. Si les professeurs d’éducation musicale pratiquent la transmission orale de chansons de Wallonie dans leurs classes, ils contribuent à faire vivre ces répertoires. Si les professeurs d’instrument font du travail d’oreille en utilisant des maclottes, ils font vivre les maclottes. Bien sûr, c’est une utilisation souvent orientée pour servir la pédagogie. Mais c’est déjà ça de pris et, surtout, ça peut servir d’amorce pour une pratique plus autonome. A titre personnel, ça a été mon cas : j’ai eu mes premiers contacts avec les musiques traditionnelles dans le cadre d’un ensemble de musique d’oreille en académie, avant de m’y plonger par moi-même – et ne jamais m’arrêter !
Il y aura donc beaucoup de collaborations transversales dans ce nouveau département. Melchior, la pédagogie, les nouveaux cursus, tout ça participera d’une même dynamique – c’est du moins notre ambition.
Qu’est-ce que le nouveau pôle « Musique de transmission orale et instruments patrimoniaux » offrira de plus que les cours existants dans les académies ?
Avant tout chose : ce « pôle » dont tu parles avait un nom un peu informel au moment où nous avons contacté le Canard Folk en janvier dernier. C’était encore tout frais, et nous l’avons baptisé provisoirement « Musique de transmission orale et instruments patrimoniaux » en l’attente d’une révision de l’organigramme de l’IMEP. Maintenant, les noms officiels sont fixés : il ne s’agit plus d’un pôle, mais d’une « section » intitulée « Musiques de tradition orale ». Comme je l’ai dit plus haut, cette section fait partie d’un nouveau département intitulé « Musique & Transmission ». Voilà pour les termes officiels, et désolé qu’ils n’aient pas figuré dans la communication que nous t’avons adressée en janvier – ils n’étaient alors pas encore fixés.
Cette section « Musiques de tradition orale » proposera à partir de septembre 2025 trois types de cursus. Tout d’abord, des études complètes en accordéon diatonique et en cornemuse, à savoir un baccalauréat (3 ans) suivi d’un master (2 ans). Ces cursus sont à l’image des autres formations instrumentales et vocales proposées par l’IMEP : ils s’adressent aux étudiants qui possèdent à l’instrument un niveau de sortie d’académie et qui souhaitent atteindre un niveau de type professionnel. Ce sont des études musicales complètes, qui incluent une série de cours théoriques, mais aussi certains cours plus spécifiquement liés aux musiques traditionnelles.
A côté de cela, la section proposera aussi des masters spécialisés dans différentes disciplines : violon folk, guitare folk, chant, etc. Il s’agit ici de formations en deux ans. Elles s’adressent à deux types de profils : des musiciens classiques diplômés qui souhaiteraient se former aux musiques de tradition orale, ou bien des musiciens déjà actifs dans les musiques traditionnelles et pouvant faire état d’une expérience personnelle ou professionnelle de plusieurs années. La liste de ces masters spécialisés n’est pas encore arrêtée, et c’est volontaire : on pourra éventuellement l’adapter en fonction de la demande.
Enfin, la section « Musiques de tradition orale » proposera un module de formation continuée, destinée aux professeurs d’académie. Cette formation organisée avec le CECP (Conseil de l’enseignement des communes et des provinces) aura pour but de former davantage d’enseignants aux ensembles d’oreille, qui sont une porte d’entrée privilégiée vers les musiques traditionnelles en académie.
Qu’entendez-vous par « instruments patrimoniaux » ? Pourquoi la guitare en est-elle un ? Et l’accordéon chromatique, en fait-il partie ?
Ce terme « instruments patrimoniaux » n’est pas simple à utiliser – c’est notamment pour cette raison qu’il ne figure finalement pas dans notre organigramme. On entend par là un instrument ou une manière de jouer un instrument propres à une musique de type traditionnel, et qui n’existent pas dans les cursus dits « classiques ». A ce titre, la guitare folk est un instrument patrimonial. L’accordéon chromatique ne l’est pas, puisqu’il existe déjà dans la filière classique.
Le chant semble faire partie de vos nouvelles formations musicales. Est-ce bien exact ? La voix peut donc être considérée comme un instrument patrimonial qui fera partie de vos formation ? Par ailleurs, proposerez-vous une formation de base en wallon(s) ?
Oui, l’un des nouveaux masters spécialisés dont je parlais sera consacré au chant traditionnel.
Au niveau du wallon, il n’y aura pas de formation à la langue à l’IMEP même, plutôt des collaborations avec des structures extérieures. Il faut bien comprendre que ces nouveaux cursus proposés par l’IMEP ne se focalisent pas sur les seules musiques de Wallonie. Bien entendu, elle seront présentes dans le parcours des futurs étudiants – Melchior sera là pour s’en assurer ! – mais ce qui est proposé, ce sont des formations plus larges, où l’on peut à la fois toucher à différents styles et se spécialiser dans l’un d’entre eux.
Vous ouvrez un master en instruments patrimoniaux, mais pas de bac. Quelles seront donc les conditions pour s’inscrire au master ? Peux-tu donner un aperçu des principaux cours de ce master ?
Ce sont en effet des masters spécialisés en deux ans. Pour y accéder, il faut soit un diplôme (bac, master ou équivalents) en musique, soit une expérience personnelle ou professionnelle de cinq années minimum en musiques traditionnelles.
Ces masters spécialisés accordent beaucoup de place à la pratique : un cours dans la discipline principale (instrument ou chant), différents modules spécialisés pour approfondir certains styles, un cours de pratique musicale en groupe (qui inclura une formation aux musiques modales), une formation corporelle (centrée sur la danse) et, surtout, un « projet artistique spécialisé » qui est le projet personnel que l’étudiant portera durant ses deux années et qui débouchera sur une production (enregistrement, concert ou autre).
Il y aura aussi un bac + master en cornemuse, et un autre en accordéon diatonique. Concernant ces masters, quelles différences y a-t-il par rapport au master en instruments patrimoniaux ? Peux-tu donner un aperçu des principaux cours du bac et du master ?
En effet, l’IMEP propose deux cursus complets : en accordéon diatonique (ça existait déjà) et en cornemuse (c’est nouveau).
Comme je disais, ces cursus complets s’apparentent aux autres cursus instrumentaux et vocaux proposés par l’IMEP. Il s’agit d’études musicales complètes qui préparent à la profession de musicien. C’est donc une formation à la pratique musicale, mais pas uniquement : il y a aussi une série de cours de culture générale et artistique, de formation musicale (anciennement solfège), de théorie. Bien entendu, certains de ces cours seront spécifiquement consacrés aux musiques de tradition orale.
Les instruments sont-ils limités à ce qui a été joué (ou est actuellement joué) en Wallonie ? Par exemple : muchosa, cornemuse flamande, du Centre France … les types d’accordéons diatoniques à trois rangs, les accords neutres à la main gauche … ?
Non, l’idée n’est pas de se limiter à la Wallonie. Vu la petite taille de notre territoire, la situation historique de la Wallonie à un carrefour de l’Europe et, surtout, la multiculturalité de notre société du 21e siècle, il nous semblait important de proposer une formation plus large. Avec, bien entendu, une place accordée aux traditions musicales de Wallonie dans chacun des cursus, et des connexions nombreuses avec Melchior.
Le jeu d’ensemble fera-t-il partie des formations ?
Oui, il y aura un cours spécifiquement dédié à cela.
De combien de nouveaux profs avez-vous besoin pour ce pôle ? Sera-ce assez facile de les trouver en Wallonie ? Doivent-ils être wallons ?
Nous sommes en train de constituer l’équipe. Je ne peux malheureusement pas donner de noms au moment d’écrire ces lignes, mais l’IMEP va communiquer très prochainement à ce sujet. Nous recrutons avec un critère géographique évident : pour que ces cursus fonctionnent bien, il faut une équipe qui puisse assurer des cours réguliers et ne vienne donc pas de trop loin. Cela dit, cela n’empêche pas d’aller un peu au-delà des frontières de la Wallonie, qui n’est pas bien grande.
Déjà des idées pour la suite ? Une formation en violon, peut-être ?
Notre objectif, pour l’instant, c’est d’avoir suffisamment d’inscrits pour que les différentes disciplines puissent démarrer en septembre 2025. Dès que ce sera assuré, on fera le point et on envisagera concrètement la suite. Des idées et des projets, on en a, mais c’est encore un peu tôt pour en parler !