
Le groupe Stora Vägen est formé de trois guitaristes ; chose plutôt rare en Suède qu’on pourrait comparer à l’intérêt suscité chez nous il y a quelques années par le groupe Mandolinman. Stora Vägen sort un disque « Flyter upp » et aimerait jouer en Belgique notamment. Avis aux organisateurs !
Marc Bauduin
Pourriez-vous résumer le profil musical de chacun d’entre vous (formation, appartenance à des groups, style, etc.) ?
Peter, musicien jazz, a étudié la basse électrique au Royal College of Music à Stockholm. C’est le leader du groupe, dans lequel il joue de la guitare et de la basse. Il compose et arrange également les morceaux. Il joue aussi dans Fatang, Jeanett & Peter, Halifax Rättvik trio et Supernova, avec Patrik Andersson.
Hanna, guitariste, parolière et chanteuse, est surtout connue pour le duo suédois Good Harvest. Elle a étudié la musique et la composition au BoomTown college of Borlänge/Luleå. Elle est reconnue pour son style personnel de fingerpicking à la guitare acoustique et sa façon apaisante de chanter.
David, c’est le gardien de la tradition, le plus pur musicien folk du groupe. Il est très ancré dans les traditions du Värmland et de la Dalécarlie (Dalarna). Guitariste et mandoliniste, il joue aussi avec le Sandy Brechin trio, Mats Berglund et Per Gudmundson.

Comment vous êtes-vous rencontrés ? Comment et pourquoi avez-vous décidé de former un groupe ?
PETER : Dès le départ, nous étions deux duos distincts : d’une part, David et moi d’un côté, Hanna et moi de l’autre.
David habite dans la même rue que moi. Il habite à Stora vägen 16 et moi à Stora vägen 27. J ’ai trouvé incroyable que ce fabuleux guitariste avait emménagé dans la même rue que moi, dans notre petit village Vikarbyn. Nous avons beaucoup joué ensemble et nous nous sommes produits en duo, principalement sur des scènes locales de notre village.
Hanna est une de mes anciennes étudiantes et, dès son plus jeune âge, elle était très douée pour la guitare, ce qui fait que je n’ai pas eu à lui apprendre grand-chose, pour être honnête. 🙂 Quelques polskas tout au plus. Nous avions joué ensemble dans d’autres circonstances : je l’ai accompagnée et nous avons aussi accompagné à nous deux d’autres musiciens solo.
Enfin, il y a environ trois ans, après la pandémie, nous avons commencé à jouer en duo. J’étais curieux d’entendre son style de fingerpicking m’accompagner pendant que je jouais des mélodies. C’était quelque chose que je n’avais encore jamais essayé.
Ils étaient tous deux de formidables guitaristes avec qui jouer en duo et l’idée de les faire jouer ensemble n’était qu’un essai au début. J’avais un arrangement de l’air traditionnel Polska efter Faut-Marit qu’il était impossible de ne jouer qu’à deux. C’est avec cet arrangement et quelques autres morceaux et arrangements que nous avons commencé à expérimenter pour voir ce que cela donnait. Sur le plan musical comme humain, c’était vraiment très agréable et la décision de fonder ce groupe s’est imposée d’elle-même.
HANNA : La proposition de Peter de jouer ensemble m’a surprise (en bien), principalement parce que je n’avais jamais joué de musique folk ni de musique purement instrumentale dans le cadre de ma carrière. J’ai vu cela comme une possibilité et une opportunité de développer mes compétences de guitariste. Avec le recul, je pense que cela a très certainement été le cas. Le bonus, c’est que nous passons tous les trois de très bons moments à jouer de la musique ensemble.
Pour nous, la musique folk suédoise, c’est principalement du violon et du nyckelharpa, ce qui fait que vous ne collez pas à cette image. Est-ce correct ? Avez-vous des commentaires ou réactions ?
PETER : Il est certain que nous sommes atypiques. Cela dit, l’utilisation de la guitare dans ce genre s’est beaucoup développée au cours des trente dernières années grâce à Roger Tallroth et Ale Möller, pour n’en citer que quelques-uns. La guitare est très répandue de nos jours comme instrument d’accompagnement, mais pas du tout comme instrument mélodique. Dans d’autres genres, les choses sont différentes : la guitare y joue ce rôle tant en jazz qu’en musique fusion. On peut citer Guitars Unlimited, groupe suédois, ou encore les légendes Al di Melola, John McLaughlin et Paco de Lucia, qui ont fait quelques collaborations.
Le public apprécie notre musique parce qu’elle offre un son rare, à la fois teinté de folk, est facile à écouter et très empreint d’émotion. À notre premier concert, une femme enceinte est venue en espérant que notre musique déclencherait la naissance de son bébé… et quelques heures plus tard, il était là ! Haha ! À la fin de notre dernière prestation, un homme m’a remercié en pleurant sur mon épaule, bouleversé par l’émotion que notre musique lui avait procurée. Un autre ami guitariste souffrant d’une maladie mentale grave écoutait notre disque en boucle et cela l’aidait à retourner à une vie normale.
Où trouvez-vous votre inspiration lorsque vous écrivez de nouveaux arrangements ou mélodies ? Vient-elle parfois de trios de violons ?
PETER : David amène parfois dans le répertoire du groupe des morceaux traditionnels. Hanna apporte un effet surround, ainsi qu’une profondeur, une troisième dimension, à la musique, grâce à son style musical et son chant. De mon côté, c’est surtout moi qui peins le décor à l’aide de la structure harmonique. Quand je compose, dans 70% des cas, il s’agit simplement de travailler dur et prendre le temps. J’ai surtout en tête des émotions et une image que je veux traduire en musique. Pour y parvenir, je compose lentement. Je fais souvent trois pas en avant, pour en faire deux ou trois en arrière, etc.
Je n’ai jamais consciemment pris un trio de violons comme référence, mais j’ai beaucoup écouté ce type de musique… alors qui sait ?
HANNA : En ce qui me concerne, mes doigts, mon esprit et mes émotions du moment travaillent tous de concert pour guider ce que je joue ou écris. Là où j’ai le plus d’inspiration, c’est dans ma toute petite cabane dans les bois, qui a son poêle et une magnifique vue sur les lointains lacs, collines et forêts.
Nous aimons beaucoup la piste n°2 de votre album, qui est plus énergique que beaucoup d’autres. Une énergie bien pensée ne tient pas simplement au volume. Pouvez-vous nommer quelques éléments qui vous aident à l’insuffler au morceau ?
Pour être sûr, vous parlez bien de A-duringen ? C’est une question facile : c’est grâce au riff ! Comme on peut l’entendre, le riff lance le morceau et a l’effet d’une roue en mouvement, sur laquelle la mélodie vient s’appuyer. C’est moins harmonique et plus percussif. Un riff, c’est notamment moins d’accords et ça donne cet effet de balancement percussif.
La dernière piste est très jolie ! Je la compare à Amazing Grace, qu’on retrouve en Écosse. Est-ce une spécialité de la Dalécarlie ou trouve-t-on des mélodies similaires dans toutes les régions ?
PETER : Si vous parlez de Visa från Mockfjärd, c’est une belle comparaison ! On retrouve probablement ce type de mélodie dans toutes les régions. Mais cette mélodie est effectivement un chef-d’œuvre et c’est curieux que si peu de musiciens l’aient découverte.
HANNA : Nous avons trouvé cet air relativement tard dans le processus de création de l’album, mais nous adorons tous les trois la mélancolie qui s’en dégage. Nous avons cherché à rester très minimalistes, de sorte que la mélodie brille d’elle-même.
Quels sont vos projets pour le futur ?
Cet hiver, nous allons travailler sur de nouveaux morceaux et nous avons quelques dates programmées.
Il est possible que nous donnions un très beau concert avec Martin Serveinson, l’artiste qui a peint la couverture de notre album. Un concert aura lieu lorsqu’il mettra en couleur des peintures liées à notre musique. Tout sera live, au même moment ! Nous « jouerons les peintures », une peinture par morceau au cours d’une session live. C’est un nouveau concept. Des artistes qui jouent avec un artiste !
Voyez également la chronique du CD par Jacques Leininger ! : www.canardfolk.be/les-cd-du-mois-novembre-2025-cf-n470/#Stora
www.storavagen.se/sv/ info@walroumusic.se
Interview traduite par Arthur Bauduin
