Elias Kaufman. Niagara Falls, octobre 2017. Photo : Gérard De Smaele

Suite à la disparition de Hank Schwartz, en février dernier, voici quelques liens que nous aimerions partager avec vous. Cet éminent collectionneur de banjos Fairbanks avait fait une première apparition dans le Old Time Banjo Project (Electra Records, EKL-276), un important long-playing sorti en 1964, qui avait profondément marqué les revivalistes de sa génération et alimenté le retour en grâce, dans les années 1960, de la musique traditionnelle du Sud des USA. Hank faisait aussi partie – avec Bob Carlin, Peter Szego et James Bollman – des membres fondateurs de la ‘Banjo Gathering’[1], le rendez-vous annuel des historiens et collectionneurs de banjos. Il était par ailleurs docteur en physique, ingénieur en mécanique et détenteur de nombreux brevets relevant du domaine médical. Ses activités professionnelles et ses recherches l’avaient pour un temps emmené aux Pays-Bas, ainsi qu’au Velorama de Nimègue… véritable temple du vélo, un autre sujet de nos discussions favorites. Il m’avait aimablement aidé pour la rédaction d’un article sur les jantes de vélos en bois produites par Fairbanks, publié lors de la conférence l’ICHC à Indianapolis en 2022[2].

Il y manifestement quelques liens intéressants à explorer entre ces deux mondes… Fairbanks s’était appuyé sur les mêmes procédés pour fabriquer ses caisses de banjos et ses jantes en bois pour bicyclettes…

Exposition d’anciennes partitions de l’époque du ‘minstrel show’ à la bibliothèque de l’Université Hopkins. Hank Schwartz se trouve à l’avant-plan. Photo : Gérard De Smaele, Banjo Gathering de Baltimore, MD, 2022.

 

www.dignitymemorial.com/fr-ca/obituaries/kansas-city-mo/hank-henry-lee-schwartz-12239196
hschwartz.com/FairbanksBanjos/FairbanksBanjos.html
www.instagram.com/thebanjogathering/p/DGWIt_SyC4L/?locale=es_US&hl=en-gb&img_index=1
www.discogs.com/fr/release/5013572-Various-Old-Time-Banjo-Project?srsltid=AfmBOooSy_XG-4hi69c3I6ryM7xXedjBE3bs_PLwiMEtr8OOYH5cdFaF

Malheureusement méconnu de ce côté de l’Atlantique, Elias Kaufman n’en reste cependant pas moins une référence incontournable de l’histoire du banjo aux États-Unis et en Angleterre. Pilier durant cinq décennies de l’American Banjo Fraternity[3], un groupe qui au sortir de la seconde guerre mondiale a entretenu et sauvé la mémoire du banjo dit ‘classique’ et de ses grandes gloires[4], rassemblant les Van Eps, Magee, Bradbury, Cadwell… et autres survivants de la grand époque. Éditeur avec son épouse Madeleine de l’excellente revue The Five-Stringer[5], Elias Kaufman fut aussi le conseiller et le consultant des plus importantes publications académiques traitant de l’histoire du banjo. Notons au passage celles de Phil Gura et James Bollman, de Bob Winans, Cecelia Conway, etc.

Le japonais Akira Tsumura fera aussi appel à son expertise pour l’élaboration de son 1001 Banjos (1993), ainsi que pour la rédaction de la préface de cet ouvrage monumental.

Mariage d’Elias et de Madeleine Kaufman, ca. 1980. À partir 1982, ils expédieront chaque années une carte de vœux aux membres de l’ABF : une photo de leurs deux enfants, tenant chacun un banjo de leur collection. (la série complète de ces cartes a été remise au MiM[6])

Après quelques échanges épistolaires, au début des années 1980, notre première rencontre remonte à la Banjo Gathering d’Arlington en 2005. J’avais été frappé par sa prodigieuse mémoire. L’histoire du banjo minstrel et du classic style étaient sa grande passion, mais il n’en était cependant pas resté là. Diplômé de Cornell et de Harvard, Elias fut nommé professeur de dentisterie pédiatrique à l’Université de Buffalo, NY. Avec Madeleine – elle-même professeur de latin et de grec ancien dans la même université et rédactrice de la revue Arethusa –, ils ont donné des lettres de noblesse à la littérature concernant le banjo.

Répondant à l’invitation d’Elias et de Madeleine, je me suis rendu, en automne 2017, au Rallye de l’ABF et ensuite chez eux à Amherst, dans la proche banlieue de Buffalo. Durant quatre jours, partageant la vie familiale, j’ai ainsi été immergé dans une prodigieuse collection de cylindres, de 78 tours, de disques et de documentation – notamment la collection intégrale et reliée du B.M.G. Magazine (1903-1976) – relative au banjo dit ‘classique’ ; entouré d’une cinquantaine de banjos

S.S. Stewart, acquis à vil prix à New York dans les années 1950. Les Cole[7], Fairbanks, Bacon, Schall, Farland, Van Eps, Cammeyer, Clifford Essex… répondant aussi à l’appel.

Le monde du banjo perd ici une de ses plus éminentes personnalités : un être généreux, désintéressé, toujours prêt à partager ses connaissances avec les chercheurs. Il fut également un dentiste atypique, délaissant la perspective d’une carrière lucrative pour se consacrer à un programme d’aide à la santé des enfants moins favorisés, ainsi qu’au banjo…

Avant mon départ, il avait tenu à me faire admirer les chutes du Niagara.

Gérard De Smaele
Avril 2025
www.desmaele5str.be

[1]    www.desmaele5str.be/dossiersArchives
[2]    www.desmaele5str.be/pdf/archives/Indianapolis_2022.pdf
[3]    banjofraternity.org
[4]    Gérard De Smaele. The Wayne Adams’ Old Classic Banjo Collection, 1897-1952. Frémeaux & Associés FA5816, 2022.
www.fremeaux.com/download/60626e9553de5f1ca7c30e12c7954c89749fd3f7
[5]    Don au MiM de la revue ‘The Five-Stringer’
www.desmaele5str.be/pdf/archives/CoverFiveStringer.pdf
[6]    Don au MiM des cartes postales de la famille Kaufman :
www.desmaele5str.be/pdf/archives/banjo5Cordes.pdf
[7]    Histoire des banjo Cole, Fairbanks, Vega :

www.desmaele5str.be/pdf/archives/Fairbanks-Cover.pdf