Rappel

C’est un peu par hasard que nous sommes tombés sur un commentaire de Roger Hourant dans Facebook, qui en 2013 constatait par rapport à 1993 que le répertoire de danses des groupes s’était vachement appauvri au point que « tous jouent le même répertoire de base ».

Quelques contacts avec des musiciens et des danseurs nous ont permis de vérifier que cette préoccupation est encore d’actualité. Une musicienne vétérane nous écrit ceci le 17 août dernier :

Je n’ai pas encore répondu à ta demande de commentaires sur les bals folks : il y a longtemps que je n’en ai plus fréquenté et qu’on n’en a plus joué. Le dernier remonte au Nouvel an 2019 à Martelange. C’était un public de non-avertis, donc on n’a rien fait de compliqué (mais on a fait les branles, pois, lavandières, chevaux, maître de maison, parlement, etc.!!!). Bien sûr, on peut encore jouer un bal de 2 à 3 heures avec des danses très diversifiées (bretonnes, bourrées 2 et 3 temps, québécoises, etc.). Mais … on n’a plus.de demandes!!!

Maintenant, les organisateurs recherchent plutôt des groupes de musiciens « virtuoses », qui cassent la baraque (et les oreilles !) et en jettent plein la vue, plutôt que des musiciens qui jouent pour la danse. Un exemple qui m’a vivement interpellée récemment: au festival Het Lindeboom à Loon-Plage, des musiciens wallons jouent une « Vivaldi Polka », avec des danseurs sautillants devant. Je vois un étalage de virtuosité, un son douteux et rien de dansant. Ce que je constate aussi, c’est la difficulté de trouver un bon animateur en danses. (ceci explique peut-être cela !).

Diable … On se demande ce qu’on pourrait faire pour améliorer la situation. Mais avant tout, il faut préciser le constat, voir s’il est général, s’il s’applique aussi à des groupes étrangers qui viennent animer des bals. chez nous. Ensuite, le cas échéant, on réfléchira aux solutions possibles.

Le Canard Folk a donc lancé une première enquête le 8/9 sous forme d’un bref questionnaire disponible sur.Facebook et sur le site canardfolk.be.

Même s’il est encore possible de répondre à cette enquête, en voici les résultats.

Résultats de la première enquête

Nous avons-reçu 45 réponses, dont 38 via le formulaire et le reste par e-mail ou par téléphone.

I1 est donc clair que cette enquête n’a aucune prétention scientifique : c’est un simple coup de sonde. La répartition des réponses par catégorie d’âge le confirme encore. Nous avions en effet défini 5 catégories :

Les 36 ans et plus constituent 75% des répondants, les 26 – 30 ans 16% et les 20-25 ans 7%. Aucun répondant n’a moins de 20 ans.

A-t-on d’autres infos sur les répondants? Non, car nous avons voulu limiter la longueur du questionnaire pour ne pas décourager les gens. Ce n’est que par leurs réponses que nous apprenons que Untel est aussi musicien, que Unetelle est débutante … ou aussi lorsqu’une adresse e-mail explicite indique le nom d’un danseur ou d’un musicien bien connu.

Voici quelques répondants bien connus, par ordre alphabétique de leur nom de famille: Marinette Bonnert, Carl Bosch, Roger Hourant, Pierre Hurdebise, Philippe Lebeau, MicheuStef (représentés par Stephan Kohn), Raymond Penneman, Jacqueline Servais.

 

Question 1

Nous posions quatre questions. Voici la première: dans les « grands » bals folk (avec un public nombreux et souvent assez jeune, qui invitent souvent des groupes étrangers), les groupes expliquent-ils généralement leurs danses spécifiques durant te bal?

Il s’agit donc typiquement des bals de Frisse Folk, de la queimada et des bals de Rif’zans l’Fièsse, sans que cette liste soit exhaustive. L’idée étant que, si des groupes par exemple du sud-ouest français viennent jouer en bal chez nous, ils vont probablement jouer plusieurs de leurs danses régionales que nous connaissons moins bien. Les expliquent-ils durant le bal ? Si oui et que c’est apprécié par les danseurs, il n’y aurait guère de raisons de faire une grosse différence entre bals  « standards » et bals à répertoire plus large. Dans le cas opposé, on examinera les réponses aux autres questions.

Dans l’analyse des réponses, nous essayons de distinguer:
– les « oui » francs
– les « non » francs
– les « rarement », « uniquement pour les danses très spécifiques » (ou très inhabituelles »), bref des « non, mais ils expliquent dans tel cas précis ».
En outre, certains ont aussi mentionné une initiation juste avant le bal.

Cela donne ceci :
– 6 « oui »
– 7 « non »
– 28 « non; mais …  »
Et 8 personnes mentionnent des initiations avant le bal, généralement à des danses standards, mais uniquement à la queimada et à Rif’zans l’Fièsse.(Frisse Folk n’en ferait apparemment.pas).

Vérification faite, Frisse-Folk, avant !e Covid, organisait bien une initiation lors de ses 6 « bals XL » par an, mais pas lors de ses 2 « Bals et basta ». Notons en outre que la salle des bals XL est actuellement en travaux; une autre salle, probablement plus petite, devra être trouvée. Enfin, d’un point de vue pratique, l’initiation lors des queimadas est donnée par Frisse Folk.

Les réponses peuvent probablement être résumées comme suit: « Généralement, les groupes n’expliquent pas leurs danses spécifiques durant le bal, à quelques exceptions près (danses très inhabituelles mais faciles à expliquer, … ); en fonction de l’organisateur, une initiation – souvent à des danses standards – peut avoir lieu juste avant le bal ».

 

Question 2

Puisqu’on parle de danses de bal folk « standards », il faudrait au moins vérifier que nous parlons tous de la même chose.

La deuxième question est donc: « Quelles sont les danses « standards» qu’on s’attend à retrouver dans chaque bal folk ? »

Nous avons heureusement pu en partie automatiser le traitement des réponses à cette question, en attribuant un code à chaque danse:
-A = andro, B = bourrée, C = ‘cercle circassien, G = gigue, H = hanterdro, K = polska, M = mazurka, P = polka, R = rondeau, S = scottische, V = valse. Et en ajoutant une subtilité pour les bourrées, car certains distinguent ici les bourrées à 2 temps et à 3 temps (codes B2, B3).

Par ailleurs, nous avons ajouté comme réponse cette description trouvée sur le site frissefolk.be : « Lors d’un bal folk, un gr:oupe de musiciens joue des compositions propres et/ou des arrangements de mélodies traditionnelles. Toutes ces mélodies sont jouées pour permettre au public de danser! Le répertoire de base- est composé d’une-dizaine de danses: valses, mazurka-s, scottish, polkas, gigues/chapeloises, cercles circassiens, andros, hanterdros, rondeaux & bourrées.

L’histogramme ci-dessous donne le score de chaque danse:

Au niveau le plus haut, on trouve la valse et la mazurka (33 et 32 votes), puis le cercle circassien, la bourrée, la scottische et la gigue (29, 28, 28 et 26 votes), la polka (21), l’andro (18) … Quant aux cas particuliers des bourrées à 2 temps (B2, 8 votes) et à 3 temps (B3, 4 votes), ils sont aussi inclus dans la bourrée en général (B).

Les réponses font aussi apparaître quelques autres danses qui reçoivent i ou 2 votes: gavotte (sans préciser laquelle), valse écossaise, madison, mixers, valses impaires … Enfin, quelques personnes n’ont rien répondu.

Mais donc les « danses standards » seraient au nombre de 8. La polska, l’hanterdo et le rondeau n’en feraient pas partie. A prendre avec précaution, puisque les réponses ne sont pas très nombreuses.

Question 3

La question 1 portait sur la réalité des faits: les groupes expliquent-ils leurs danses pendant le bal?

La question 3 porte sur les souhaits des danseurs:

« Préférez-vous qu’on explique les danses non standards pendant le bal (ce qui permet de les danser correctement),ou pas du tout (on s’amuse plus, on apprend « sur le tas » en regardant ceux qui connaissent, on ne perd pas son temps en explications) ? Avez-vous peut-être-une solution alternative ? »

Résultats:

12 préfèrent qu’on explique les danses non standards pendant Le bal.
15 préfère t apprendre sur le tas.
11 ont une position intermédiaire: ok pour les explications pas trop longues, pour les danses rares mais faciles, ou uniquement pour les danses d’ensemble…

Pas de tendance bien nette, donc. On peut être tenté d’essayer de ménager la chèvre et le chou. Notons cependant que dans leurs commentaires, 21 personnes souhaitent avoir un atelier juste avant le bal! Certains pensent que l’atelier pourrait ne durer que 10 minutes. Le contenu de l’atelier serait surtout des danses standards, mais quelques-uns imaginent plutôt des danses non-standards qui seront jouées le soir même.

Nous avons recueilli les commentaires de Frisse Folk:

– Un bal est un bal, pas un endroit où apprendre ». On apprend bien sûr dans les initiations, mais surtout dans les cours et les stages, où on prépare les danses spéciales du trimestre. Parfois, un stage de plusieurs heures a lieu l’après-midi dans la salle du bal.

– Des explications durant le bal casseraient l’énergie du bal. Encore faut-il qu’une chorégraphie, ou une danse en général, soit explicable en 10 minutes. On ne peut pas expliquer le pas et le ressenti de la bourrée en 10 minutes.

– Ajoutons que ce n’est pas à la portée de n’importe qui de bien expliquer une danse, surtout si c’est un musicien qui reste sur scène. Mis certains le font très bien.

– Les danseurs veulent du standard mais aussi un répertoire plus varié, ça dépend des groupes. Ainsi, Clac Boum et Brotto – Lopez ont beaucoup de succès car les gens savent que c’est de la qualité bien qu’ils jouent aussi des danses spéciales.

Et voici les réponses de Micheu5tef, par la voix de Stephan Kohn :

– Micheline et moi, sommes les animateurs danses à La Cabane. Lorsqu’un groupe invité propose l’une ou l’autre danse régionale, nous leur proposons de l’enseigner pendant la partie atelier qui se passe 2 heures avant le bal. A la Cabane, il n’y a pas d’initiation danses pendant le bal afin de ne pas faire tomber l’ambiance.

– Micheline et moi contactons les musiciens invités 15 jours avant le bal afin de connaitre les danses qui seront jouées et de les enseigner pendant l’atelier d’avant bal: les valses impaires, les menuets de la chaîne, et autres de nos créations: mazurka à 5 temps et quelques chorégraphies  » MicheuStef « .

– Les bals standards sont le plus pratiqués à La Cabane avec de temps en temps un bal plus spécial.

– Ne pas oublier que le public de la-Cabane est, sans doute le bal belge où la moyenne d’âge est le plus élevé.

 

Question 4

« Préférez-vous des bals standards, ou des bals avec un répertoire de danses plus large? Expliquez pourquoi. »

Un approche ici du cœur du sujet, selon les souhaits des danseurs:

– soit ils préfèrent des bals standards, et les groupes n’ont pas de problèmes de répertoire; si des groupes veulent quand même élargir le répertoire de danses, les réponses à la question 3 indiquent en principe comment les danseurs souhaitent éventuellement être formés à ces autres danses;

– soit ils préfèrent un répertoire plus large que les danses standards, et dans ce cas les groupes dont le répertoire se limiterait (quasiment) aux standards se poseront des questions.

Résultats :

6 préfèrent un bal standard car ils sont débutants ou qu’ils préfèrent « s’amuser plutôt que se concentrer ».

19 préfèrent un bal avec répertoire plus large: danses de couples et danses d’ensemble, avec bienveillance envers les débutants. Les raisons : c’est plus varié, plus épanouissant, plus inspirant, ça permet de ne pas avoir l’impression de toujours -danser la même chose.

15 ont une position intermédiaire : ils veulent du standard + quelques-autres danses (pas trop, pour ne pas effrayer les débutants, ou sans donner d.e raison); certains demandent des danses bretonnes, ou wallonnes, ou poitevines …et plusieurs veulent qu’il y ait tantôt des bals standards, tantôt des bals à répertoire plus large.

Résumons: une très grosse majorité de répondants ne veulent pas-se limiter aux danses standards. Certains ne veulent que quelques danses non-standards, et insistent sur une nécessaire bienveillance envers les débutants; d’autres veulent.un répertoire vraiment plus large. Une coexistence-de bals standards et de bals-à répertoire plus large est suggérée par plusieurs personnes.

 

Conclusion provisoire

Rappelons que le nombre relativement faible de réponses-et la répartition très inégale des catégories d’âge ne permettent pas d’affirmer-que les résultats el-dessus sont une image fidèle de la réalité vécue par les danseurs wallons et bruxellois dans-les « grands » bals-folk.

Le formulaire d’enquête reste provisoirement ouvert sur Facebook et sur le site web canardfolk.be. Si vous connaissez des gens susceptibles d’y répondre, merci de leur passer l’info.

L’étape suivante consiste à s’intéresser aux autres bals folk: ceux de taille plus petite ainsi que les fêtes privées (mariage, anniversaire … ). Ces bals de budget moins élevé sont souvent animés par des groupes belges. Cela nous amènera à parler entre autres des danses wallonnes non standards, et des mélodies wallonnes pour danses standards. Peut-être aussi des nouvelles mélodies, composées ou non dans l’esprit de la musique traditionnelle wallonne – pour autant qu’on puisse le définir.

Il va donc y avoir une seconde enquête, avec les mêmes outils que la première: un formulaire sur Facebook et sur le site web du Canard, avec toujours la possibilité de répondre par e-mail ou par téléphone.

Un grand merci à ceux qui ont répondu à la première enquête, et à ceux qui ont l’intention de répondre à la deuxième! Et un merci tout spécial à Jean-Christophe Van Dam qui qui a profité de l’occasion pour avoir une discussion très détaillée sur la manière de présenter les partitions dans le magazine ainsi que sur de possibles évolutions du site web.

Marc Bauduin

(article paru dans le Canard Folk de novembre 2021)