Le mois dernier (septembre 24), nous vous proposions deux versions de la bourrée auvergnate « Ieu n’ai cinc sous », l’une en majeur, l’autre en mineur, moins répandues que la « version de base ». Yves Deplasse, trouvant cet article intéressant, a réagi en nous écrivant notamment ceci :
« Cet été, je suis allé jouer dans le Cézallier (sous-région d’Auvergne, du côté d’Issoire, donc à l’est du plateau de l’Artense – région où on a collecté plusieurs versions de cette bourrée) ; Marc Anthony m’avait suggéré d’y jouer cette bourrée, soutenant qu’elle était associée à cette région ». Nous avons donc contacté le vielleux français, qui nous répond comme suit :
« Je ne pense pas que cette bourrée soit spécifiquement du Cézallier, mais elle est bien connue dans cette région. En fait c’est un « standard » du répertoire auvergnat lequel s’est constitué en grande partie à Paris dans la colonie auvergnate (longue histoire qui a généré beaucoup d’écrits). Et de par le fait on trouve beaucoup de versions de ce thème qui peuvent, suivant l’instrument sur lequel cela est joué, être assez différentes.
Si c’est joué au violon ce sera dans des modes légèrement différents des simples Majeur/Mineur et avec des degrés +ou- tempérés, pareil pour la cabrette ou la vielle…
Par contre à l’accordéon il n’y a pas trop le choix, c’est mineur ou majeur et tempéré.
Ensuite, chacun peut interpréter comme il veut ; la seule règle à suivre est son goût personnel.
Cette musique est libre ! »
Et comme nous insistions à propos des ritournelles de début et de fin qui sonnent bizarrement en mineur : « l’utilisation du majeur ou du mineur est affaire de goût personnel et de cohérence entre l’introduction et/ou la conclusion et la mélodie…. ».
Cette musique est libre : soit. Mais, vu le succès de cette bourrée, nous nous attendions à trouver une version « standard » qui aurait servi de base à la construction d’autres versions, et donc à pouvoir écrire « Voici la partition et la tablature de la version de base ».
Or, si l’on situe les plus anciens collectages et publications autour de la fin 19è – début 20è, (1898 ou 2006) cela ne prouve pas qu’il s’agisse là de la version la plus ancienne qui se serait répandue, modifiée … Par ailleurs, Eric Desgrugillers, sur le site de l’AMTA, analyse en détail la mélodie, le rythme, leur relation avec les syllabes du chant de 7 versions (dont une d’Alfred Mouret) parmi lesquelles 5 lui semblent basées sur le « modèle standard », une autre par un chanteur « qui n’a pas peur des modalités instables » …
A la première écoute, on peut s’étonner que des versions jugées proches d’un standard soient si différentes, si personnelles. Mais une structure s’en dégage rapidement : une allure générale, des ensembles de notes qui montent ou qui descendent, un rythme … L’art du musicien consiste à faire entendre le standard tout en modifiant ou en ajoutant une série d’éléments tels que : ornementation, articulation, motifs mélodiques, notes pointées, sens ascendant ou descendant, et même le mode.
Si l’on considère l’ensemble des versions connues jouées par des musiciens traditionnels, on se dit que les jouer en jam au sens actuel de jam folk aboutirait sans doute à une belle cacophonie. Un challenge plus intéressant pour nos musiciens consisterait à personnaliser « à mort » leurs airs trad préférés, chacun de leur côté et sans que cette démarche semble artificielle. Y a-t-il des amateurs ? Si oui, pensez-vous qu’il soit utile d’en organiser un suivi périodique et comment l’imaginez-vous ? Informez-nous par e-mail à info@canardfolk.be
Une dernière chose : Alain Cadeillan, flûtiste du groupe Perlinpinpin Folc qui en 1987 sur sa cassette « Dançum » proposait cette bourrée, nous a très sympathiquement transmis les paroles et leur traduction. Les voici :
Io n’ai cinq sòus, ma mia n’a que quatre
Coma farem quand nous maridarem ?
Ne cromparem un topinon, una escudèla
Un topinon topinarem tot dos !
Traduction :
Moi, j’ai cinq sous, et ma bien-aimée n’en a que quatre
Comment ferons-nous quand nous nous marierons ?
Nous achèterons un petit pot, une écuelle
Un petit pot, nous cuisinerons ensemble !
Il termine son mail ainsi :
Longue vie au « Canard Folk »
Amitiés de Gascogne.
Encore plus sympa !
Marc Bauduin
Fichier midi (version J. Chabosy)
Cette version de Chabosy n’est pas facile à harmoniser. La première phrase, en Am, est facile. Notez que dans ces trois partitions les reprises ne sont pas souvent indiquées. Dans le cas présent, la première phrase comprend les huit premières mesures et devrait être répétée. La deuxième phrase, donc tout le reste de la mélodie, est dans le ton de Sol mais sans aucune altération, donc dans le mode de Sol.
Rappelons que les chiffres sous la ligne représentent la rangée extérieure, celle de Sol. Ceux au-dessus de la ligne correspondent à la rangée intérieure, celle de Do. Les chiffres soulignés d’un tiret sont en tiré, les autres sont en poussé.
Fichier midi (version A. Bapt)
Fichier midi (version E de Picherande)
Fichiers abc des trois partitions : disponibles sur demande à info@canardfolk.be.
(CF N°458 – Octobre 2024)
PS : Il est clair que les tablatures contiennent de temps à autre des erreurs malgré une relecture systématique. Si vous en trouvez, n’hésitez pas à nous informer. Les tablatures correctes seront bientôt disponibles sur le site web canardfolk.be.