C’est Matthew Sabatella, de Ballad of America, qui vous propose sur balladofamerica.org/banjo/, sans frais, une histoire du banjo qui, pour être brève, ne fait pas moins de 33 pages.

Marc Bauduin

Le banjo partage des éléments de conception avec une famille d’environ 80 sortes de luths d’Afrique de l’ouest, mais s’est développé dans les Caraïbes durant le premier siècle du commerce d’esclaves transatlantique. Il était joué exclusivement par des Africains et des Américains d’origine africaine durant les temps coloniaux et au début de l’existence des USA. C’était un instrument du sud, contrairement au violon qui était beaucoup plus répandu. Les musiciens noirs jouaient du banjo surtout pour accompagner des chants et des danses, peut-être aussi en participant à des cérémonies religieuses.

A partir de 1840, il s’est popularisé dans la classe moyenne blanche, surtout par les “minstrel shows” qui allient musique et comédie. Ainsi en 1843, la troupe “Virginia Minstrels” fut la première à proposer un show complet dans un théâtre de New York; la couverture très caricaturale de son recueil de chansons qui portait le titre “The Celebrated Negro Melodies”, montre bien comment les Noirs étaient considérés à cette époque. Dans la seconde moitié du 19è siècle, les luthiers et les éditeurs de musique, voulant développer leur business dans la classe moyenne blanche, ont dissocié le banjo de son image africaine en modifiant l’apparence et le répertoire de l’instrument.

A la fin du siècle, le répertoire du banjo s’était élargi pour inclure, en plus des chansons de plantations et de ménestrels, des airs sentimentaux, des valses, des mazurkas, des polkas et du ragtime. Il est depuis lors devenu central dans les musiques folk, country, old-time et bluegrass, au point de devenir un symbole de la culture rurale blanche. Depuis les années 1970 cependant, de nombreuses recherches et initiatives ont remis le banjo à sa juste place dans la culture noire.

L’auteur détaille les points communs avec les luths africains et précise les différences, en donnant des exemples d’autres instruments similaires dans le Nouveau Monde, entre autres le banza haïtien (dont Gérard De Smaele nous a parlé en juillet 2020, ndlr).

Vous trouverez aussi des infos sur le jazz, le ragtime, les enregistrements “old time” ou “hillbilly” des années 1920,le bluegrass, les revivals folk entre 1930 et 1960, Pete Seeger (banjo 5 cordes) et les Weavers à partit de 1948, la publication “Anthology of American Folk Music” (84 chansons du genre “old time” qui ont inspiré Bob Dylan et Joan Baez) par Folkways Records en 1952, le folk-rock, et enfin un chapitre “le banjo aujourd’hui’ avec notamment la réhabilitation progressive de l’image africaine du banjo. On apprend qu’en 2010 un groupe afro-américain de musique traditionnelle obtint un Grammy Award pour son album “Genuine Negro Jig”.

On ne peut que s’étonner dans ce texte, de la fréquence du mot “Black” (noir), ainsi que de quelques occurrences de “Negro”, employés par l’auteur. Ce dernier est pourtant connu pour sa volonté de faire connaître l’histoire diversifiée de son pays, notamment dans les écoles. Faut-il en conclure que certains mots ne sont peut-être pluspolitiquement incorrects là-bas ? N’allons pas trop vite …et soulignons, pour autant que ce soit nécessaire, que le mot “noir” dans le résumé ci-dessus n’est que la traduction du “black” de l’auteur.

Banjo construit par William Boucher Jr à
Baltimore, Maryland 1845

 

 

Enfin, Gérard De Smaele, à notre demande, nous a fait le plaisir de réagir brièvement à cet article :

J’ai bien lu ce bel article, et le lien vers l’histoire du banjo. Que ceci ne nous fasse pas oublier les énormes pointures que furent Alan Lomax, Pete Seeger, Art Rosenbaum, Mike Seeger, Ray Alden, Stephen Wade …. Smithsionian/Folkways, l’American Folklife Center et tous les efforts mis en oeuvre aux USA pour nous donner les moyens de pouvoir étudier ce précieux patrimoine.

Il y a aussi le ‘Banjo Project’ et ‘Banjology’.

En lisant cet historique, je repense à pas mal de gens que j’ai connus et rencontrés. Notamment Ralph Rinzler qui a redécouvert Clarence Ashley et découvert Doc Watson à Union Grove, NC. C’était un ami et un voisin de Joel Bailes… Ralph est trop important que pour ne pas être mentionné. Idem pour Mike Seeger qui a retrouvé Doc Boggs. Stephen Wade qui quant à lui est allé retrouver les descendants d’artistes repris dans l’Anthology de Harry Smith. Frank Proffitt et l’histoire de Tom Doolley… musicien lié au ‘mountain banjo’.

Rappelons-nous que nous avons eu Mike Seeger, Tom Paley, Bob Carlin, Daniel Jatta et Ulf Jagfors pour l’exposition au MiM. Quand j’y repense, c’est vraiment inattendu pour notre petit pays.

L’article de présentation de l’histoire générale du banjo est intéressant. C’est un sujet très large, qui a, depuis 50 ans, laissé couler beaucoup d’encre. Ca me rappelle les gravures de la KBR. On peut les regarder avec une loupe et les agrandir 2X, 5X, 10X, 100X, sous RX ou en lumière rasante…. A chaque fois on découvre autre chose. Tout dépend bien entendu de ce que l’on cherche.

Il y a quelques détails de l’article qui sont discutables(ténor et plectrum banjo par exemple), mais ce sont là des débats interminables entre spécialistes. Dans l’ensemble c’est très positif.

(article paru dans le Canard Folk d’octobre 2021)