Lors de notre périple en Suède à l’été 2006, nous avions été intrigués par un instrument de musique assez rustique, exposé sans aucune explication dans les anciennes maisons des Hembygdsgårdar.

Un hembygdsgård est un petit écomusée regroupant quelques maisons anciennes. Presque chaque ville ou village de Suède possède son hembygdsgård (on en compte environ 1300 répartis dans toute la Suède). En été, ces anciennes maisons en bois s’ouvrent au public ; café, pâtisseries et animations diverses sont offerts aux visiteurs.

Les premiers instruments que nous avons vu à Strömsund (dans le Jämtland) (voir photo 1 et 2) nous faisaient penser à des épinettes des Vosges ou à des dulcimers, mais ne possédant qu’une seule corde et avec des chiffres inscrits au-dessus des frettes.

L’instrument suivant (photos 3, 4 et 5) exposé dans le musée de plein air Gammlia à Umeå (dans le Västerbotten, c’est-à-dire dans le Sud de la Laponie) était simplement déposé sur le sol dans la reconstitution d’une petite école villageoise ; il avait comme particularité d’avoir une touche de frettes en escalier. Nous pensions qu’il s’agissait d’un langspil ou d’un langeleik.

Dans une maison datée de 1720 à Ramsele près de Sollefteå (dans le Västernorrland), plusieurs instruments étaient accrochés au mur (photo 6) avec des frettes en bois ou en fil de fer.

C’est en acceptant de boire le café avec deux dames qui accueillaient les visiteurs dans le hembygdsgård de Vibyggerå (dans le golfe de Botnie -Västernorrrland ) que nous eûmes enfin l’explication. (photos 7 et 8).

L’instrument monocorde, souvent sans fond, s’appelle un psalmodikon (nom formé à partir du nom grec de psaume). Il se pose sur une table et se joue avec un archet pendant que la main gauche pince les cordes sur les frettes numérotées. Le livre de psaumes (voir photo 8) reproduit les paroles avec les numéros correspondant aux frettes.

Au début des années 1800 en Norvège et Suède, les églises étaient trop pauvres pour s’offrir des orgues. Les instruments pour la danse comme le violon, n’étaient pas tolérés dans les églises. Les psaumes chantés sont une part importante des offices luthériens.

Il semble que ce soit un norvégien, Lars Roverud, qui proposa cet instrument en 1835 pour faire répéter les psaumes aussi bien à l’église, à l’école que dans les maisons. Le pasteur suédois Johan Dillner encouragea ses paroissiens à apprendre et à utiliser le psalmodikon.

L’instrument connut un grand succès pendant une centaine d’années et c’est pourquoi on le trouve en Norvège et Suède (la Norvège appartient à ce moment-là à la Suède), dans les pays baltes (en Estonie sous le nom de moldpil) et en Lituanie (sous le nom de mnikarka).

Les émigrants suédois l’emportèrent dans leurs bagages, et c’est pourquoi on retrouve des instruments en Amérique.

Ainsi, munis de ces explications, nous pûmes encore voir quelques instruments sur l’île d’Alnö (Västernorrrland) (photo 9), à Norrbo sur le lac Dellen (Hälsingland) (photo 10), dans le musée d’Uppsala (photo 11, la numérotation des frettes est bien visible), à Stockholm au musée de plein air de Skansen.

Au musée du Hälsingland à Hudiksvall nous avons pu voir un instrument assez grand décoré de peintures.(photo 12).

Vers 1945-1950, l’instrument tomba en désuétude, les paroisses pouvant s’offrir des orgues. Et l’on ne voit plus le psalmodikon que dans les musées de coutumes populaires.

Guy et Micheline Vanden Bemden – Casier

(paru dans le Canard Folk de juillet-août 2008)