Gooikoorts 2021: une édition pas comme les autres. Masques pour se déplacer, distanciation … tout le tralala. Mais ça a le mérite de donner l’occasion de vivre un festival. Depuis tout ce temps …

Beaucoup de musiciens ont pu rejouer pour la première fois en public et, rien que pour cette raison, cela en valait la peine.
Nous y étions …Voici nos impressions.

Une charmante “police” sanitaire

Vendredi soir, 2 juillet, deux groupes étaient programmés : Duo De Schepper-Sanczuk et Pentaichon. Le premier est un groupe flamand, habitué des bals..et du coup c’est frustrant de devoir rester assis ! Les jambes démangent. Duo De Schepper-Sanczuk est un…duo composé d’une guitare et d’un violon. Les musiciens, Anouk et Florian, ont une formation de jazz et de musique classique. Dans leurs compositions, ils intègrent de la musique des Balkans, de la musique folklorique brésilienne et du folklore irlandais. Ils savent allier dynamisme et douceur. Et c’est tout cela que l’on peut retrouver dans leur deuxième CD paru en 2019 :«Port de Taipana».

Avec le deuxième groupe, nous voyageons jusqu’à Athènes. Sans valises, sans test pcr et sans pass sanitaire. Les cinq membres de ce groupe ont fait leurs études musicales à Athènes. Ils recherchaient déjà à ce moment une variété de styles régionaux de Grèce. Ils les interprètent à leur manière, en accordant les sons de leurs instruments très différents : Violon, luth et santur grec, voix, divers instruments à vent et percussions grecques. Cinq personnes, cinq sons : Pentaichon (penta= 5, chios = son) est né.

Samedi 3 juillet. Quatre groupes au menu : Airboxes, Trio Durand Millet Raillard, Vox Bigerri et Tanxugueiras. Airboxes, c’est un accordéon diatonique et un chromatique, axés sur la danse. Le problème est évidemment qu’on ne peut pas danser. Alors, les airs ou parties d’airs dynamiques c’est chouette, mais une douce mazurka n’a pas vraiment sa place, tandis que quelques passages assez basiquement improvisés se laisseraient facilement danser, mais n’arrivent pas à capter l’attention en concert. On remarque par contre une superbe polska, qui fait preuve d’une belle sensibilité. Et on applaudit Airboxes pour avoir accepté de jouer en tout début de programme, dans les conditions que l’on connaît.

Le Trio Durand Millet Raillard (violon, cornemuse et guitare) nous vient du Morvan, et s’est spécialisé en mélodies traditionnelles avec des arrangements bien préparés, diversifiés et efficaces. La guitare sait produire une rythmique infernale, bourdonnante, ou être plus subtile. De manière générale, la marque de fabrique du trio semble être l’étirement de mélodies tout en gardant une rythmique forte. Ainsi, une longue scottische, à sa fin supposée, semble ne pas vouloir finir, persiste sur de longues notes puis recommence sous forme de valse. Ainsi aussi, le violon se met soudain à sonner scandinave, puis bourdonne en accélérant et débouche sur une mélodie de polka. C’est clairement le violoniste Grégoire Durand qui est au centre, avec deux complices solidement armés.

Vox Bigerri, c’est tout autre chose. Quatre chanteurs occitans a capella, avec des voix magnifiques, dans de polyphonies populaires des Pyrénées, du Béarn, du Pays Basque, de Catalogne …. Le répertoire est en bonne partie religieux, mais cela n’empêche heureusement pas le public de rester très attentif. On reconnaît quelques chansons qui ont dû être initialement enjouées, et que le groupe a probablement légèrement ralenties afin de respecter son tempo habituel. Ce n’est qu’à la fin du rappel que nous avons eu droit à une chanson bien vivifiante.

Dernier groupe de la journée : Tanxugueiras. Ce mot évoque la rénovation, la réinterprétation et la révolution de la musique traditionnelle galicienne accompagnée par les pandereiteiras. Beaucoup d’énergie, de belles voix mais avec une déception toutefois : tout d’abord, les sonorités rappellent (un peu trop) celles d’un autre groupe de musique galicienne : Ialma et puis certains instruments sont enregistrés. Par moments, leur prestation ressemble presque à un karaoké.

Dimanche 4 juillet. Quatre groupes sont prévus :Cardboard Cabin, Laura Cortese Trio, Wör et Curly Strings.

Après une matinée «partiellement ensoleillée» (ah les nuances de la météo belge…), la pluie et les orages s’annoncent. Qu’à cela ne tienne, des courageux sont installés sous le grand chapiteau ou même sous des parapluies. Rien n’arrête les amateurs de folk.

Nous ne le regrettons pas : la découverte de Cardboard Cabin en vaut la peine. Ils sont quatre musiciens, habillés en steward. Et c’est vrai qu’ils nous font décoller. Tantôt par des morceaux pleins d’énergie, tantôt par d’autres tout doux. Certains sont de leur composition. Un groupe à retenir sans aucun doute. Ilsn’ont pas encore de CD mais un site : vi.be/platform/cardboardcabin.

Entre-temps, le soleil est revenu pour la suite du programme.

Le deuxième groupe ne manque pas de dynamisme non plus. Laura Cortese, vêtue d’une robe-jaune-pour-faire-venir-le-soleil, nous fait vivre un moment teinté de sons américains. Laura Cortese est originaire de Californie, elle a étudié la musique à la Berklee School of Music de Boston. Elle vit maintenant à Gand et y a déniché de bons musiciens flamands pour l’accompagner (à la place des américains qui ne peuvent pas venir pour l’instant). Elle utilise sa voix puissante et son jeu particulier au violon pour interpréter à sa façon des chansons folkloriques (son site : thisislauracortese.com/)

Le troisième groupe ne doit plus être présenté : Wör. Ils sont des habitués du festival. Cependant, cette fois, ils ont ajouté une touche très originale : un carillon. Certains de leurs morceaux sont accompagnés au carillon par une carillonneuse professionnelle. Ce n’est pas toujours évident pour l’oreille, ça chatouille un peu au niveau justesse…mais l’expérience est intéressante. Et c’est une façon pour eux d’avoir «Les deux pieds sur terre, un pied dans le passé, l’autre dans le présent.». A la fin de la prestation, plusieurs musiciens vont s’informer auprès de la carillonneuse. Elle semble contente de partager son expérience. Une question quand même : ce n’est pas l’instrument le plus facile à transporter, il ne s’agit pas d’avoir une envie soudaine de jouer n’importe où…

Le dernier groupe, Curly Strings, vient d’Estonie. Il est composé de quatre musiciens. Ils trouvent leur inspiration à la fois dans le bluegrass américain et dans leur propre héritage culturel estonien. Cela donne de belles mélodies, interprétées avec beaucoup de joie et une réelle envie de partage. Cependant, est-ce l’ambiance? Le style? Certains morceaux nous font penser à…l’Eurovision.  Alors, disons quand même… c’est 12 points pour eux.

Le mot de la fin

Enfin, mille bravos évidemment aux organisateurs et aux nombreux bénévoles pour s’être lancés dans cette aventure bien plus risquée que d’habitude. Malgré toutes les contraintes, ils ont réussi à nous proposer un festival folk – gros soupir de satisfaction ! – avec toute la diversité que le mot « folk » peut contenir. Et on sait qu’il y en a beaucoup, des variantes de folk : le festival Brosella allait le montrer le samedi suivant au pied de l’Atomium … et la webradio TradCan le montre en permanence sur www.tradcan.be.

 

Marc Bauduin pour les 3 premiers groupes du samedi, et le mot de la fin.
Nicole Nissen et Robert Kohlman pour tout le reste.

(article paru dans le Canard Folk d’octobre 2021)