Bernard Pivot

Non, ce n’est pas vrai : le célèbre journaliste, ex-animateur de l’émission Apostrophes, n’a pas écrit un livre sur l’accordéon … mais il en parle quand même dans “La mémoire n’en fait qu’à sa tête” (chez Albin Michel), un ouvrage conçu comme une série de sujets de 2 à 5 pages chacun. Ses débuts au Figaro Littéraire, une foule d’écrivains, l’académie Goncourt, l’exactitude, les professeurs, l’école, l’accent circonflexe, l’urgence de l’écriture, les amours … les idées et les mots ne manquent pas, entre autres des mots peu courants, certains plus tarabiscotés que d’autres, sans que cela devienne rebutant. Quelques mots paraissent tellement évidents qu’on se dit “mais pourquoi ne les emploie-t-on pas ?”. Ainsi “incurieux” et “inactuel”, qui font penser à “l’inappétance” (manque d’appétit) évoquée récemment par un médecin et qui nous paraissait bien moins sympathique !

Mais avec “Accor, accordé, accordéon”, l’auteur fait mouche. Voudrait-il parler de la valse chantée par Juliette Gréco ? On n’en est pas loin. Il pense tout d’abord aux “chaussettes en accordéon” : “Comparer des chaussettes plissées, affalées sur les chevilles, à un accordéon dont le soufflet se tend et se replie, me parut malin”.

Il pense aussi aux bals, et l’accordéon lui paraît être une boîte magique.

“Il existe deux sortes d’accordéons : les accordéons des villes et les accordéons des champs. Plus une troisième ethnie à bretelles, d’escale celle-là, les accordéons des  ports. Dansées par des ouvriers, des paysans ou des marins, valses et javas étaient à peu près les mêmes dans les guinguettes, les salles des fêtes et les bars. Ce n’était pas l’accordéoniste qui, dépliant et repliant son instrument, donnait le ton, faisait la différence, même si certains savaient lancer à la foule des mots qui lui donnaient un surcroît d’allant et de bonne humeur.
L’ambiance tenait surtout aux danseurs. Mouvements, couleurs, rires, cris, applaudissements, baisers produisaient, stimulé par la musique, un plaisir collectif différent d’un bal à l’autre, les couples de femmes ou de jeunes filles n’étant pas les moins joyeux ou les moins survoltés”.

Marc Bauduin

(article paru dans le Canard Folk de juin 2007)