Quatre musiciens chevronnés créent le nouveau groupe Bouton

Bouton au singulier est donc le nom de ce nouveau groupe belge. Un nom… singulier vu que les boutons sont légion sur nos instruments folk. Alors un bouton tout seul, quel immense défi, c’est presque une déclaration de guerre…  Car en effet, que faire avec une gamme aussi limitée : une sirène de 2 notes ?

Mais gageons que nos musiciens chevronnés, dont plusieurs ont fait le conservatoire, ont des idées plein la tête pour construire leur musique à base d’instruments folk (diato, etc.) et d’ordinateur, de boutons et de touches qui se rejoignent. Voyons cela…

Cette interview a été réalisée par Marc Bauduin via e-mail.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Les musicien·ne·s de BOUTON font toustes partie du « Collectif Accord’Art », créé en 2009, basé à Liège et qui regroupe plusieurs ensembles, spectacles et ateliers artistiques (accordéon diatonique, body-percussion, chant…)

Fanny, Rudy et moi avons déjà collaboré dans d’autres projets musicaux, notamment dans Onirim & the machine (folk) et Taxidi (folk-jazz).

Gilles a rencontré Rudy lors de collaborations avec les ensembles LAPS et HOPPER, qui sont spécialisés dans les musiques contemporaines mixtes (mélangeant musique acoustique et musique électronique).

Pouvez-vous nous donner une brève biographie musicale de chacun d’entre vous ?

(Photo: Delphine Renard)

Fanny Vandenbergh est diplômée du Conservatoire Royal de Musique de Liège en guitare classique et formation musicale. Son parcours la conduit à devenir bassiste et percussionniste autodidacte, explorant divers genres avec des groupes comme Les Surprises du Chef (jazz), Orbál (folk), Kazmath (jazz-rock prog), Cassys (trio féminin melting pot), démontrant une polyvalence musicale remarquable.

Actuellement, elle joue avec Ottus (indie pop folk), Bouton (électro folk) et Lemon Felixe (pop), reflétant sa diversité artistique.

Passionnée par les rythmes du monde et pédagogue dans l’âme, elle donne cours à l’Académie « Jean Absil » d’Etterbeek, elle dirige l’atelier Bouche à Oreille (BàO) de l’akdt et dans la nouvelle section MiTo au Conservatoire Royal de Liège, où elle organise aussi des stages avec les étudiantes de Formation Musicale.

(Photo: Delphine Renard)

Rudy Mathey : clarinettiste talentueux, a obtenu un Master au Conservatoire Royal de Liège, se spécialisant en improvisation et musique de chambre. Bien que passionné par la musique contemporaine, il se consacre également aux musiques traditionnelles européennes, et élargit vite ses horizons vers le jazz, l’électro et le hip-hop.

Actuellement enseignant en clarinette et musique moderne, Rudy joue dans divers groupes, allant du contemporain au classique, dédiant sa carrière à l’exploration des liens entre les styles musicaux et développant des techniques acoustiques uniques.

 

(Photo: Delphine Renard)

 

Gilles Doneux : Après l’apprentissage de divers instruments, il se tourne vers la composition et entre, en 2005, au Conservatoire Royal de Mons. Il y obtient en 2010 un master en composition dans la classe de Claude Ledoux, et en 2011 un master en écritures classiques dans la classe de Jean-Pierre Deleuze. Il y a également suivi des cours de musiques appliquées (musique de cinéma, théâtre… ) avec Denis Pousseur et Jean-Luc Fafchamps.

Particulièrement intéressé par la musique dite « mixte », il complète sa formation à l’université Paris VIII ainsi qu’à l’université de Montréal. Ses recherches se portent sur l’interaction entre les écritures instrumentales et électroacoustiques.

(Photo: Delphine Renard)

Joachim Loneux est artiste pluridisciplinaire autodidacte : accordéoniste, chanteur, percussionniste, body-percussionniste, claquettiste, professeur de danse folk.

Issu du milieu folk, il a fait partie des groupes « Les apprentis », « Daou », « Chapeaux Bas »,« Onirim » et « Onirim and the machine ».

Il a aussi fait partie du duo « El Toto café » avec le belgo algérien Samir Mohellebi dans un répertoire plus world music et il a également joué dans le groupe Taxidi (World Jazz Cinematic), qui fut sa porte d’entrée vers le jazz.

Aujourd’hui, il cherche à inscrire le son de l’accordéon diatonique dans la modernité en jouant dans des projets plus pop/électro tel que OTTUS (Indie Pop Folk), La chenille (Cover/Pop) avec la chanteuse Bini ou encore BOUTON (Electro Folk).

Il donne des ateliers (musique et danse) depuis 15 ans au sein du collectif Accord’Art, qui sont des lieux d’expérimentations pluridisciplinaires (accordéon, chant, danse, claquettes, body-percussion, percussion…) en co-intervention avec d’autres musicien·ne·s du collectif. Une occasion de sortie de sa zone de confort pour les participant·e·s mais aussi pour les artistes.

Faites-vous partie d’autres groupes ?

Faisant toustes partie du même collectif, nous jouons naturellement dans d’autres projets ensemble ! Fanny et Joachim font partie du groupe indie/pop/folk OTTUS, qui a sorti un album en 2023 sous le label Homerecords. 

Joachim et Rudy jouent leurs compositions dans un trio de folk/Jazz qui s’appelle I.O.  D’autres projets vont et viennent au sein du collectif, toujours avec cette même envie de création.

Nous avons en tout 5 groupes et 1 spectacle de musique pour bébé dans le collectif Accord’Art. D’ailleurs nous vous invitons à aller sur notre site internet www.accordart.be

En dehors du collectif, Gilles et Rudy ont l’occasion de collaborer dans des productions avec l’ensemble Hopper, Fanny et Rudy enseignent la musique aux mêmes endroits et leurs classes (respectivement chœurs et orchestre) collaborent très régulièrement.

D’où vient le nom Bouton ?

C’était une évidence pour nous ! Un nom simple et efficace qui illustre parfaitement la musique mixte que nous voulons défendre, à savoir le son « folk » avec celui de l’électro. Les BOUTONs des instruments acoustiques mariés avec les BOUTONs de l’ordinateur.

Que pensez-vous de la musique traditionnelle wallonne, y en a-t-il dans votre répertoire ?

Gilles n’est pas issu du monde folk/trad, il redécouvre ces musiques et ses références sont plutôt liées à la culture du carnaval.  Du coup, il estime avoir un peu perdu le contact avec la culture traditionnelle wallonne et s’est plus ouvert à la « musique du monde ». C’est peut-être dû au fait d’avoir perdu la langue wallonne et que de manière globale la tradition wallonne n’est pas très valorisée ou en tout cas pas assez.

En ce qui concerne Rudy, il est rattaché plutôt a la culture lorraine et au répertoire traditionnel en vieux Luxembourgeois, le « Francique Mosellan », car il est originaire du sud de la Wallonie à la frontière avec le Luxembourg, où l’on ne parle pas wallon. Le répertoire traditionnel lorrain a néanmoins été banni et muselé après les périodes de guerre et la langue se perd énormément en raison de ses racines germaniques. Sa famille et lui mènent des actions culturelles depuis plusieurs générations pour préserver ce patrimoine et cette culture qui souffre des mêmes soucis de non-valorisation et de fermeture d’esprit.

En ce qui concerne Joachim et Fanny, ils ont grandi dans cette culture et sont fiers de la faire revivre et perdurer mais se sentent parfois également démunis face au manque de représentation dans la culture de manière générale.

Nous pensons que la musique issue du répertoire wallon est trop peu exploitée dans les groupes de musique folk de manière générale et que des projets comme le « projet Melchior », qui la promeut, la fait redécouvrir, la dépoussière, sont plus que nécessaires.

Mais nous pensons aussi que la musique traditionnelle se doit d’évoluer avec son temps et que ce n’est pas une chose intouchable qu’il faut laisser sous une vitre, c’est à ce moment-là qu’elle devient poussiéreuse.

Si l’on veut que la musique wallonne soit vivante, il faut la travailler, la modifier, la faire évoluer, l’adapter, la valoriser…

Voici un exemple complet de recherche de groupe quant à cette envie de mélanger culture, tradition, et problématique actuelle, sur un ton qui se veut léger mais qui, grâce à l’utilisation de la culture wallonne mélangée à la pop culture, nous permet de se faire sentir concernés un plus grand nombre d’auditeur.ices.

Rudy nous a composé une maclotte de Steinbach (pour la danse) sur laquelle Fanny a écrit une chanson qui parle de l’injonction pour les femmes de ne pas avoir de poils :

« Chères dames, ne vous inquiétez plus, au rayon « soins », on a tout prévu. C’est juste un tout p’tit peu plus cher pour vous, on vous jugera malgré tout. » 

Alors que les hommes n’ont pas à faire d’efforts épilatoires :

« Chers messieurs, juste un p’tit effort, élaguez ceux qui dépassent des bords. Une petite coupe pour tout bien rafraîchir, c’est peu et ça fait plaisir. » !

L’accompagnement de cette maclotte est fait par l’accordéon avec une sonorité très acoustique alors que la production électronique donne un côté jeux vidéo au morceau !

De ces faits, ce morceau mélange tradition et modernité à la fois du point de vue de la danse-propos et du point de vue sonore.

Votre répertoire est-il surtout formés de vos compositions ou plutôt de traditionnels ?

L’ensemble du répertoire est entièrement nouvellement composé et arrangé par nos soins.

Nous avions toustes des envies précises quant à l’identité du projet !

D’abord, la place importante que prend la voix ! Les chansons s’inscrivent et s’inspirent de la tradition orale, avec des mélodies entêtantes aux sonorités folk/trad (par exemple en incluant des chansons à répondre).

Ce qui était intéressant pour nous, c’était de choisir des paroles et des thématiques de société afin de parler du présent, de défendre nos idéaux, nos valeurs, nos tristesses, nos espérances, nos joies… en parlant de l’écriture inclusive, du cycle des règles, de la surconsommation, de la technologie à tout va, de l’astrologie mais aussi parler des différents types d’intelligences ou encore évoquer le souvenir de nos proches.

Ensuite, nous voulions que l’instrumentation et les arrangements restent complexes, que l’accordéon et la clarinette basse ne soient pas uniquement de simples accompagnateurs de textes et qu’ils puissent prendre une identité forte à l’intérieur des morceaux.

C’est pour cette raison que Rudy et moi avons rajoutés pléthore d’effets, à l’instar des guitaristes électriques ou des bassistes de rock, afin de redonner une sonorité plus moderne à nos instruments.

Et enfin, l’électronique ajoute une dimension très profonde à notre son de groupe, créant des environnements sonores riches variés.  Nous voulons apporter cette couleur particulière à l’ensemble du répertoire ; c’est le lien, le fil rouge musical.

Nous essayons, encore maintenant, de trouver le juste équilibre entre ces éléments (paroles, instruments, électronique) et nous ne voulons pas qu’un élément écrase un autre ou que les danses perdent de leur complexité musicale ou de leur dançabilité.

Quels sont vos projets ?

L’année qui vient de se terminer a été consacrée à composer et arranger les 18 morceaux du répertoire pour faire danser les gens. Nous avons eu une première étape au printemps dernier en faisant un bal d’essai à Liège et nous avons fait notre première date officielle à Rif’Zans l’Fièsse en automne, où nous avons eu l’occasion d’organiser un stage de chants à danser.

Nous n’avons pas encore vraiment eu le temps d’avoir du recul sur notre travail… Nous allons donc passer dans une phase d’enregistrement d’une maquette pour se rendre compte des petits détails, faire en sorte que les morceaux puissent être écoutés en concert, rendre le répertoire équilibré, le peaufiner au maximum.

Nous comptons enregistrer un premier EP le plus rapidement possible en espérant trouver un·e producteurice, un label qui pourrait nous accueillir.

Sinon, on peut déjà vous dire que nous jouerons au Festival Bals et Roses cet été.

Nous espérons vous y voir nombreux.ses !

Joachim pour BOUTON.

 

Le groupe Bouton, en bref :

BOUTON a été créé en 2023 : groupe électro-folk

Musiciens
Fanny Vandenbergh : Lead Vocal
Joachim Loneux : Accordéon diatonique, voix
Rudy Mathey : Clarinette basse, voix
Gilles Doneux : Sound design, MAO (musique assistée par ordinateur, sonorisateur)

Prestations : bals folk et concerts

Contactbouton@nubo.coop
www.facebook.com/boutonfolk
www.instagram.com/boutonfolk/
www.accordart.be/bouton

(CF N°453 – Avril 2024)