CF 41 (juin 1986)

l'Académie Internationale d'Eté de Wallonie

Cela fait longtemps que nous pensions proposer à nos lecteurs une interview d'un responsable de l'académie internationale d'été de Wallonie (AIEW), organisatrice des stages de Neufchâteau.

La période actuelle, avant les vacances, semblait particulièrement propice ; le texte qui suit intéressera probablement tous les participants aux prochains stages.

En effet, André Gillain - qui parle en son nom personnel - y marque nettement sa volonté de dialogue, son esprit d'ouverture. On peut raisonnablement penser que des échanges constructifs entre organisateurs et stagiaires seront lancés en juillet prochain.

L'HISTOIRE

Q: Pourriez-vous esquisser un bref historique de l'académie ?

R: Volontiers. L'académie d'été dans son ensemble a démarré grâce au secteur musical à Saint-Hubert, en marge du juillet musical, c'est-à-dire des concerts donnés dans le cadre du Festival de Wallonie.

Et puis, a démarré à Neufchâteau une initiative plus ou moins privée à très petite échelle, qui a fini par prendre une certaine ampleur, au point que les organisateurs du moment, bénévoles, n'ont pas pu faire face à la tâche. Ils ont alors demandé à s'associer, à former un ensemble. Cette fusion se situe à peu près en 67-68.

Cela se passait encore à une échelle modeste, pendant deux périodes de huit jours. Le style était plutôt bon enfant, c'était un peu le mouvement écolo qui démarrait, tout cela était branché l'un sur l'autre.

Je ne l'ai pas moi-même vécu, mais d'après les échos que j'ai eus c'est ainsi que cela se passait. On venait essentiellement en famille, on venait surtout pour s'amuser, et on venait aussi pour essayer d'apprendre.

La plupart des participants venaient sans instrument ou essayaient de s'en faire prêter un. C'était vraiment le démarrage, l'époque héroïque non du mouvement populaire, parce qu'il a toujours existé, mais de son renouveau.

Et à partir des années 75, ou 77-78, l'académie d'été, qui s'affirmait de plus en plus comme étant une académie avec son style particulier, a voulu aussi évoluer, et s'est dit : il y a de l'accordéon qui se fait un peu partout, il y a des veillées, des camps scouts, nous voudrions bien faire autre chose que cela. Continuons à nous amuser mais, à côté de l'amusement, essayons peut-être de placer le facteur travail en premier lieu.

Certains s'en sont réjoui, d'autres moins. L'aspect fête est peut-être passé au second plan et on a, à mon avis, - il faudrait peut-être demander l'avis des participants - vu le niveau tout doucement grimper, ce qui n'exclut bien sûr pas que les débutants soient toujours bien accueillis : à eux peut-être d'essayer de progresser plus vite.

Je crois que c'est un peu la philosophie de l'opération au niveau du populaire. Et on constate aujourd'hui que, bien sûr, les gens viennent encore pour s'amuser, mais que les soirées sont plus calmes à partir d'une certaine heure parce qu'on pense que le lendemain on doit emmagasiner un maximum.

Alors, les moyens techniques suivent, les moyens audiovisuels sont là. A peu près tout le monde vient avec un petit enregistreur pour essayer de retenir un peu plus que ce que ses oreilles peuvent prendre, on prend des notes. Je ne vais pas dire que cela devient professionnel, mais à mon avis cela devient plus sérieux, si on peut prendre le sérieux dans le bon sens du terme -

Q: Savez-vous pourquoi, au départ, on a choisi l'option "internationale" ?

R: A mon avis la danse, par elle-même, comme la musique, est internationale, elle ne connaît pas de frontières. Je crois que si l'on s'était cantonné au seul répertoire wallon, voire flamand en considérant que l'unité était encore présente à ce moment-là, on allait probablement vite tourner sur soi et on n'aurait peut-être pas pu accéder à un niveau plus élevé.

Le répertoire belge avait aussi moins de succès à cette époque. Je prends le cas de la danse de Wallonie, qui chez nous se résumait au monument Jenny Falize. Jenny Falize a demandé à un moment à mettre fin à sa participation et c'était à son honneur; elle constatait que la relève n'était pas là. Le fait qu'elle se retire permet peut-être à d'autres d'essayer de percer, de prendre la place, et c'est tant mieux.

A côté de la Flandre et de la Wallonie, l'académie a ouvert le champ au mouvement qui de toute façon s'internationalisait de lui-même : ce sont les Français, en premier lieu, qui ont eu la grosse part du gâteau. Puis, avec la période Flagel, on est parti aussi sur la Hongrie, on a invité des gens d'Israël, on a voyagé ... si bien que cette année-ci, les stages de danse sont vraiment internationaux avec l'Argentine, la Tchécoslovaquie et le Québec, en plus des habituels.

Q: C'est vrai qu'à un moment donné, il y avait beaucoup de Français ...

R: Je crois que c'était une question de facilité, de proximité. On était bien connus en France grâce aux nombreux animateurs qui venaient - forcément, ils drainaient aussi leur public - et puis, à un certain moment, il nous a semblé que les Français étaient un peu en perte de vitesse, à moins que ce soient plutôt les autres qui arrivaient à leur niveau.

Alors, pourquoi courir dans le sud de la France alors qu'on a chez soi des gens valables ? Je crois qu'il faut essayer de les promouvoir au maximum. C'est un peu la politique actuelle.Cela a été vrai aussi dans le secteur de la musique classique : à un moment donné on allait en France pour trouver des animateurs, actuellement on y va beaucoup moins et cela marche aussi bien, je pense. Rien contre les Français, bien sûr, mais il faut coller à une réalité.

Q: Est-ce que l'importance de la semaine folk par rapport aux autres semaines (théâtre,danse) a changé ?

R: Dans les cinq ou six dernières années, le théâtre a gonflé sérieusement les effectifs globaux. J'ai dit qu'au départ les stages s'étalaient sur deux semaines, actuellement il y en a quatre, et les deux semaines supplémentaires sont occupées essentiellement par le théâtre.

Est-ce là aussi un phénomène de société où les gens ont besoin de s'exprimer davantage ? Je le crois en partie; il est possible qu'à l'avenir nous devions faire marche arrière, qui sait ? En tout cas, le populaire à mon avis n'en a pas souffert; dans l'ensemble, il a eu une part peut-être moins conséquente, mais c'est surtout parce que le théâtre s'est développé.

Je dirais même que la première semaine se renforce : il y a cinq stages de danse, les instruments ont toujours au moins deux animateurs sauf, je crois, la percussion. On ne pourrait guère aller au-delà sans risquer de briser l'édifice. Je considère donc que le populaire s'est bien développé, dans l'optique voulue c'est-à-dire davantage professionnel, avec pratiquement toujours autant de personnes.

Ce que je crains, c'est une régression en nombre : je pense que le phénomène mode va se tasser tout doucement, l'académie risque donc de perdre quelques plumes dans l'opération, mais je crois que le mouvement est lancé et qu'il ne va pas disparaître, et qu'à côté de cela on va trouver d'autres orientations. C'est à nous de nous engouffrer dans ces nouvelles ouvertures ou de les solliter éventuellement.

LES FINANCES

Q: Financièrement, est-ce que la semaine folk et les autres semaines sont chacune plus ou moins en équilibre ?

R: Nous n'essayons pas de faire un auto-équilibre à l'intérieur de l'une ou de l'autre, dans la mesure où c'est la même direction, le même conseiller qui s'occupe d'un ensemble. S'il y a un petit trou d'un côté, on essaie de le compenser d'autre part.

Ce que je dirais, c'est qu'à l'heure actuelle, grosso modo, les stages populaires coûtent beaucoup plus cher, suite aux revendications presque légitimes des participants.

Il fut un moment où l'on acceptait dix ou quinze musiciens dans un atelier; à l'heure actuelle, par contre, on s'efforce de limiter le nombre par animateur. C'est d'ailleurs pourquoi le nombre d'animateurs a gonflé aussi démesurément par rapport à il y a dix ans. Les participants s'en réjouissent, c'est une certitude. Cela coûte évidemment beaucoup plus cher.

Moi, de mon côté, je me suis efforcé de faire disparaître un déséquilibre qui était assez prononcé entre le populaire et les autres techniques artistiques, au niveau purement matériel.

On considérait encore il y a dix ans un animateur du populaire comme étant quelqu'un qui prenait huit jours de vacances. On lui offrait le gîte et le couvert, on lui disait à la limite : voilà, tu passes des vacances et on te les offre, donc tu animes un groupe.

A l'heure actuelle, la plupart sont devenus des semi-professionnels, voire des professionnels et sont payés, à mon avis, décemment. Je me suis battu pour que cette différence s'atténue, s'équilibre.

Q: Il reste quand même une différence ?

R: La différence ne subsiste pratiquement plus. Je dirais que si on invite en théâtre un haut monument de France, du Québec ou même de Bruxelles, là elle subsiste. On peut peut-être la regretter. C'est peut-être une question de mentalité, de professionnalisme qui fait la différence.

D'un autre cdté, une personne du théâtre ou de la danse acceptera plus facilement 20 ou 25 personnes, qu'un animateur de vielle qui avec 12 personne sera débordé. Donc il y a un autoéquilibre qui s'établit, on doit malgré tout parler en termes d'équilibre financier.

Mais à mon avis, et je crois que tout le monde du populaire l'a apprécié, il y a eu une nette revalorisation, et je me suis efforcé qu'elle ait lieu. Je n'aime pas ces déséquilibres ou ces classifications qui font qu'à un moment donné le populaire était vraiment le parent pauvre, alors que c'était quand même un gros morceau, c'est peut-être même lui qui a fait le succès populaire de Neufchâteau -

Q: N'est-ce pas dû aussi à une différence de public, au fait qu'on considère que le public folk veut payer moins cher ?

R: Oui, c'est dans la continuité de ce qu'on vient de dire : le déséquilibre est un petit peu là aussi, là c'est au profit des participants. Si on jette un coup d'oeil sur les tarifs, c'est encore le populaire qui reste le moins cher. Le jour où l'on harmonisera complètement, ce sera dans les deux sens du terme ...

Effectivement, à une certaine époque, le populaire, dans la foulée du mouvement écologiste, rassemblait certains désargentés qui réellement se saignaient à blanc pour passer leur semaine de vacances, qui, soit dit en passant, leur revenait nettement moins cher qu'une semaine n'importe où dans les Ardennes.

Q: Pour en terminer avec l'aspect financier : globalement, le stage est-il rentable, ou est-il indispensable d'avoir des subsides pour fonctionner ?

R: Sans entrer dans les détails : les participants ne couvrent pas le coût des animateurs. C'est une première constatation. Il est donc essentiel qu'on puisse obtenir une subvention globale, surtout quand on sait que les locations de bâtiments se chiffrent en millions pour le seul mois de juillet, qu'il faut donc trouver quelque part.

On peut dire aussi que le coût de la nourriture n'est même plus couvert par ce qu'on demande aux participants. Nous essayons quand même d'être en équilibre là, parce que c'est malsain d'être en déséquilibre, mais c'est pénible chaque année du fait que le personnel de l'état - ou autre - coûte très très cher. Ca se chiffre en millions !

C'est mon cauchemar chaque année. Et comme on est à la merci de l'état, on ne sait jamais d'une année à l'autre quel va être le chiffre.

Q: Ces subsides, en général, diminuent, je suppose ?

R: Non, je ne dirais pas que le subside global diminue. Il augmente très péniblement. Il y a déjà eu deux tentatives pour le réduire. Mais ce qui augmente terriblement, c'est les redevances au niveau de l'éducation nationale.

Or, nous dépendons globalement de la Communauté française pour le subside (encore que ce soit difficile à établir) et du gouvernement national, de l'Education nationale pour la partie infrastructure. Comme l'entente n'est pas toujours évidente entre les deux, comme il y a maintenant une scission totale entre culture et éducation, nous en subissons les conséquences.

Alors que les écoles, à mon sens, devraient être rentabilisées 12 mois sur 12, y compris la nuit quand c'est possible, puisque ce sont des bâtiments payés par la collectivité, qui devraient servir à la collectivité.

LES ANIMATEURS

Q: Peut-être pourrait-on parler du choix des animateurs. Comment cela se passe-t-il en pratique : on consulte des listes, on voit qui a publié des disques, qui est connu dans telles associations ?

R: Je ne connais pas très bien la question, mais je vais tenter d'y répondre. Nous fonctionnons de la manière

suivante : il y a une gestion administrative et générale qui m'appartient, et une gestion artistique qui est du domaine des conseillers spécialisés. Nous avons trois conseillers : un pour la musique, un pour le secteur Neufchâteau c'est-à-dire théâtre, danse et populaire, et un pour les arts plastiques.

La responsabilité essentielle du choix est confiée au conseiller qui a été engagé pour cela. Lui, au travers de tous ses contacts professionnels, essaie de composer un programme en tenant compte d'une part, des gens en place et de la satisfaction qu'ils ont apportée, d'autre part, dans la mesure du possible, des desiderata qui se manifestent chez les participants et chez les animateurs, et enfin aussi il essaie de suivre, voire de devancer des courants artistiques qui se dessinent.

Si bien qu'à un moment donné, on doit se séparer de certains animateurs à contrecoeur, bien qu'ils aient donné satisfaction, parce que leur technique ou leur mouvement commence tout doucement à s'enliser, ou qu'eux-mgmes s'enlisent sans s'en rendre compte.

Q: N'est-il pas un peu difficile parfois de tenir compte de l'avis des stagiaires, puisque ceux-ci changent d'année en année? Je pose cette question car on a parfois l'impression que dans certains stages en effet on suit leur avis, alors que dans d'autres, les stagiaires donnent un avis négatif sur une certaine personne qu'on retrouve malgré tout l'année d'après. On se demande parfois quels sont les critères.

R: On essaie de tenir compte d'une opinion générale. Si une personne vient se plaindre en disant "je suis de tel niveau et J'estime que j'ai perdu mon temps et mon argent", si c'est un cas particulier on se rendra peut-être compte que cette personne, qu'elle aille ici ou ailleurs, arrivera à la même conclusion. Notre but est de faire en sorte que de tels cas restent marginaux.

Mais effectivement, j'ai eu cette impression aussi : des participants font éventuellement part de leurs griefs, et l'année suivante on retrouve le même animateur. C'est un peu parfois comme un jeu d'échecs : quand on déplace quelqu'un, il y en aura peut-être trois ou quatre autres à déplacer, on bouleverse un peu la stratégie.

C'est un peu cela qui fait qu'à un moment donné on a l'impression que tel ou tel devrait céder la place, et qu'il ne la cède pas.

Q: En quoi consiste cet équilibre ? Est-ce un équilibre entre diverses tendances musicales par exemple, qui est difficile à rétablir dès qu'on change d'animateur ?

R: C'est sûrement un des éléments qui entrent en jeu. Je ne peux guère donner d'explications parce que je ne le vis pas de l'intérieur, je ne m'aventurerai pas dans ce domaine. Il y a aussi des éléments internationaux qui jouent, des éléments d'opportunité.

On voit apparaître un Hongrois en vielle, on peut se demander pourquoi, alors que certains nous réclamaient Meeuws depuis des années. Il se fait que nous avons recontacté Meeuws pour la vielle, et qu'il ne peut pas venir pour l'entièreté du stage.

Notre raisonnement est le suivant : il y a une promesse pour arriver le mardi soir ou le mercredi matin, c'est-à-dire pour un demi-stage seulement. Si l'on accepte cette proposition, les Français n'apprécieront certainement pas de devoir assurer pendant les trois premiers jours, qui sont les plus pénibles, le travail d'une personne qui est absente.

Il y a déjà eu de la grogne l'année passée, je n'y étais pas mais je le sais, à ce propos : à un certain moment, quand nous avons procédé à une clôture approximative des inscriptions, il y avait je pense neuf inscrits pour deux animateurs plus un luthier, ce qui nous semblait un coût impossible à supporter. Nous avons donc renoncé au dernier engagé, c'est-à-dire Meeuws.

Et puis au tout dernier moment il y a eu des plaintes, des doléances pour prendre quatre ou cinq personnes en plus, qu'on a prises à tort, ou alors ce sont des gens qui se sont faufilés au dernier moment (cela existe aussi), et Anthony s'est retrouvé avec trop de monde. Et je sais qu'il y avait de la grogne.

Alors, cette année, nous avons décidé de ne plus prendre ce risque, et nous avions l'occasion d'engager ce Hongrois qui probablement n'amènera personne en tant que participant mais qui peut amener une nouvelle orientation. J'espère qu'il plaira à la majorité, mais il y a là aussi un risque.

Q: Inversément, il y a parfois des otages qui ont l'air de très bien marcher, et qui disparaissent l'année suivante, comme les cuivres par exemple.

R: Oui, c'est vrai. Les cuivres, si ma mémoire est bonne, ont été supprimés de commun accord avec l'animateur parce que les inscriptions étaient un peu faibles.

Il y en a qui nous demandent pourquoi on a supprimé les danses d'Alsace. La raison est qu'ils venaient déjà depuis deux ou trois ans, et que nous avions une autre occasion, je crois que c'est Jean-Philippe Van Aelbroeck qui les a remplacés. Ils n'ont pas nécessairement démérité, et ce qui vient à leur place n'est certainement pas l'équivalent c'est autre chose.

J'essaie de me mettre à la place des participants, et je conçois qu'à certains moments ils puissent trouver désarçonnante une certaine politique. Mais il y a un tas d'impératifs, que nous maîtrisons ou non. Je serais personnellement partisan d'une plus grande rotation. Je ne sais pas ce que vous en pensez ...

Q: C'est aussi mon avis. Ce n'est de toute façon pas avec un stage par an que l'on peut faire un réel travail, cela sert plutôt à motiver les participants pour un travail futur, je crois. En fait, c'est la question que je pensais vous poser ...

R: A mon avis, c'est un hors d'oeuvre qu'on leur propose, ou qu'on leur vend, peu importent les termes. A chacun d'en prendre un maximum, d'en retirer les bases pour progresser, quitte à aller chez un autre un an ou deux après. Voilà ce que c'est que l'académie : c'est une tranche de vie dans une discipline.

Cela ne me dérangerait pas du tout que dans ce contexte, ici, des avis puissent s'exprimer. Cela me donnera beaucoup plus de travail, mais j'en suis partisan. Je ne dis pas que chaque année il faut balayer tous les anciens, mais essayer d'en renouveler un tiers chaque année serait une bonne solution.

Ce serait peut-être une question à poser dans l'interview : "qu'est-ce que vous en pensez ?", soulever le débat, pourquoi même ne pas le mettre en juillet sur la place publique avec les animateurs - qui seront mal à l'aise, je le sais bien.

Renouveler les animateurs peut apporter de nouvelles techniques, de nouvelles ficelles aux participants. Je serais partisan d'une politique disant : on se sépare à l'amiable, le plus souvent, et on se retrouvera dans deux ou trois ans.

Q: Est-ce que vous souhaitez que les stagiaires proposent de nouveaux animateurs ?

R: Bien sûr. Ce serait un dialogue à nouer. Cela se passe déjà actuellement dans des cas particuliers, des stagiaires recommandent telle ou telle personne. D'autres nous disent aussi : je ne travaillerai plus jamais avec telle personne pour telle raison. On essaie d'examiner les raisons.

On retrouve parfois des jugements qu'on avait sur tel animateur, et si ce jugement est confirmé par plusieurs stagiaires, c'est qu'il y a une faiblesse manifeste chez l'animateur. Le dialogue est très important : c'est celui qui vit le stage qui voit le plus facilement les faiblesses, on peut alors dialoguer en essayant éventuellement de corriger ces faiblesses. Mais il n'y a rien de plus malsain que de râler sur quelqu'un sans dialoguer.

Q: Une question un peu embêtante, je ne sais pas ce qu'elle recouvre. Un certain nombre de gens ont dit : à un certain moment la direction de l'académie a changé de couleur politique, et soudain certains animateurs ont été mis à la porte et d'autres choisis. Cela correspond-il à une certaine réalité ?

R: Non, pas du tout. Il se fait que notre conseil d'administration a une couleur socialiste depuis le début. Cela s'explique tout simplement : parmi nos administrateurs il y en a une série qui nous sont imposés, ce sont des députés permanents des provinces, puisque notre travail est interprovincial également, ainsi que le premier fonctionnaire qui a la culture dans ses attributions.

Par un hasard des choses, les quatre députés permanents sont socialistes, ainsi que trois des premiers fonctionnaires. Ce qui veut dire qu'on nous en impose sept directement, et à un moment donné nous étions quatorze, ce qui veut dire qu'ils avaient pratiquement un droit de veto.

Moi-même j'ai une coloration socialiste, je n'ai pas peur de le dire malgré que je ne sois pas un militant, mais je peux affirmer que la coloration politique, à mon sens, n'a jamais eu de répercussion. Je n'ai jamais demandé à quiconque sa carte de parti, et j'ignore d'ailleurs la coloration politique de la plupart des animateurs.

Pour aller plus loin, il est certain qu'en fonction des accointances surtout du conseiller artistique, des mouvements, des tendances peuvent être prédominants, sans parler pour autant de coloration politique : je ne le nierai pas, sans pour autant le critiquer nécessairement.

Mais il est certain que si l'on est plus porté sur tel milieu, on connaît mieux ce milieu donc on a plus facilement des accointances avec celui-là. Je parle donc des grandes tendances théâtrales, musicales, et dans le populaire je les connais mal mais je sais qu'il en existe et que donc elles se manifestent immanquablement.

Celui qui est marqué par cette tendance ira plus facilement chercher là qu'ailleurs. Dans ce sens-là je dirai oui, il y a probablement un manque d'objectivité, mais celui qui reprocherait cela commettrait la même bévue. En tout cas, il n'y a jamais eu d'accrochages politiques au conseil d'administration.

Par contre, il y a eu, dans le populaire, des problèmes au cours de ce que l'on a appelé la "période Flagel". Il y a eu des incidents à l'époque avec les conseillers et moi. Tous trois nous avons eu l'impression que Flagel voulait prendre l'hégémonie alors qu'il était recruté comme n'importe qui, pour assurer son travail et pas pour recruter des animateurs.

Il y a eu cette première scission, qui a fait que certains se sont éloignés de nous, y compris des participants. Je crois que tout ça c'est oublié, Flagel continue son chemin ailleurs, rien ne dit qu'on ne ferait pas de nouveau appel à lui s'il se décidait à revenir. Le passé est oublié.

Et puis, il y a trois ou quatre ans, Marie-Claire Klausse a repris la barque. Elle n'a pas nécessairement épousé les vues d'Yvette Schneider et Rémy Cornerotte, les précédents conseillers. Quand elle est arrivée, je ne crois pas qu'elle ait bouleversé les choses profondément : il y en a pas mal qui ont continué à revenir, et il y en a toujours.

Non, je n'ai pas ressenti de telles choses, et les gens qui penseraient autrement peuvent toujours me contacter pour démentir.

LES AUTRES STAGES

Q: Il n'y a pas qu'un seul stage en été à Neufchâteau. Voue organisez aussi de petits stages pendant l'année, à Rossignol notamment.

R: Oui, nous avons plusieurs centres : Rossignol, La Marlagne, on a été à Verviers, on va à Roisin pour la musique, on a été à Hellécine aussi dans le Brabant ... Ceci découle d'une volonté d'association interprovinciale qui fait que l'académie qui, dans un premier temps, travaillait uniquement dans le Luxembourg en juillet, a souhaité établir des têtes de pont ailleurs dans la communauté française.

Là, ce sont de petits stages, effectivement : petits par le nombre de participants, petits par la durée aussi (en général, c'est du samedi 1 h jusqu'au dimanche 5 h, donc grosso modo 24 heures). Il y a eu aussi des périodes de trois ou quatre jours.

Ce sont des stages de rappel éventuellement, ou alors d'initiation pour essayer de toucher une nouvelle clientèle ou des gens qui n'auraient pas l'occasion de venir sept jours ou, à l'occasion, des stages tremplin pour essayer de tester quelqu'un, voir ce qu'il vaut ...

Q: Ce sont des stages qui, musicalement, n'ont pas nécessairement un lien avec ce qui se fait à Neufchâteau ...

R: Non. Il y a une continuité dans la mesure où il y a des rappels, où on entretient de bonnes relations ... c'est une manière de dire aussi que l'académie existe encore en dehors du mois d'été, ou aussi de lancer une nouvelle idée comme le bandonéon l'année passée.

Q: Comment voyez-vous l'apparition de nouveaux stages comme celui de Borzée qui recueille un certain succès, quelque chose comme 200 personnes tous les deux ou trois mois ?

R: C'est plus qu'un certain succès : Borzée a, en chiffres, le succès que nous avons à peu près en juillet. Cela ne nous dérange nullement, je crois que ce sont des choses différentes : un laps de temps plus court, à un autre moment de l'année. Généralement ce sont à peu près les mêmes personnes qu'à Neufchâteau qui y participent, aussi bien animateurs que participants.

Ce que je regrette peut-être, et nous sommes probablement coupables, c'est qu'il n'y ait pas plus d'échanges de l'information. Mais je ne lance la pierre à personne.

Q: J'ai parfois l'impression que l'académie craint un peu la concurrence : par exemple, concernant la diffusion des adresses des participants.

R: C'est certain. Cela fait 25 ans que nous travaillons, dont 12 ou 13 ans comme professionnels, du moins au niveau de l'organisation. Nous avons constitué un fichier, et un fichier coûte très cher : quand on veut dix ou cent adresses auprès d'une firme spécialisée, c'est très coûteux, mais c'est bien sûr la vocation d'une telle firme de rassembler des adresses pour les vendre. Nous n'avons pas cette vocation et nous ne souhaitons pas le faire.

Il y a une certaine appréhension de la concurrence, c'est clair. Nous ne sommes pas des fonctionnaires, nous devons assurer notre pain quotidien, et la survie de l'opération ne sera qu'en essayant de sauvegarder certains privilèges, le fichier en est un. Donc effectivement il y a une part de volonté de ne pas avoir trop de concurrence sur le marché, je ne le cache pas.

D'autre part, nous avons été doublés par des gens apparemment bien intentionnés qui au départ nous demandaient des adresses, et puis on constatait que, une fois qu'ils avaient le fichier, ils se lançaient dans la nature et ... pourquoi aller chez nous ou ailleurs puisque c'est le même prix - allons de l'autre côté ! Puis on a constaté qu'on a dû supprimer certaines choses parce que d'autres le faisaient, et ils le faisaient parce qu'ils avaient eu notre fichier.

J'ai des dizaines de demandes comme ça chaque année. Il nous faudrait pratiquement une personne pour suivre, pour envoyer toutes les adresses. C'est mineur, mais c'est une chose. Et deux : puisqu'on a été doublés à certains moments, j'ai débattu de cette politique avec le conseil d'administration : on ne donne plus d'adresses.

Alors, la concurrence, elle existe; à un moment donné, j'estime qu'elle peut devenir malsaine. Si Borzée ou d'autres commençaient à faire une semaine de populaire au mois de juillet, il y aurait un partage.

Borzée peut évidemment se développer aussi bien que nous et nous absorber éventuellement. La concurrence est parfois salutaire parce que cela nous oblige à l'observer et à nous tenir un peu sur nos gardes, à essayer de mieux comprendre nos défauts pour y remédier.

Donc, c'est bien qu'il y en ait. Mais ce serait malsain qu'on fasse la même chose au même moment, et qu'on se vole la clientèle, pour parler en termes marchands. Je ne pense pas qu'on en arrivera là, mais si un jour on se retrouve avec 20 participants au lieu de 200, on supprime le secteur ou on essaie de faire autre chose, c'est clair.

Mais il n'y a pas de place, dans notre petite Wallonie, ou notre petite Communauté française, pour dix organisateurs dans le secteur.

L'ENVIRONNEMENT

Q: Je voulais vous demander aussi quelle était la réaction des habitants et des autorités de Neufchâteau : cela ne pose pas de problèmes, de voir débarquer tant de gens en quatre semaines dans une petite ville ?

R: Je dirais que c'est une des rares déceptions que l'académie me donne, ou plutôt que les autorités nous donnent : il y a une relative indîfférence de Neufchâteau. Quand il y a quelques inconvénients à supporter, on vient régulièrement se plaindre, voire nous envoyer la police parce que ça fait un peu trop de bruit ou parce qu'on a renversé une chaise sur un trottoir ... mais jamais on ne dit que globalement les stagiaires apportent quand même plusieurs millions.

Peut-être est-ce aussi un peu de notre faute, de ne pas faire de pas supplémentaires vers eux et d'essayer de composer ensemble. Jusqu'à présent, on ne sent pas dans les autorités une tendance à venir vers nous et nous reconnaître en tant que tels.

Il faut être clair : l'académie n'a jamais demandé et n'a jamais obtenu un franc de subside de la ville. Maintenant il y a un centre culturel à Neufchâteau, ce n'est pas remarquable mais pour la localité c'est assez bien. Nous avons tenté deux ou trois approches, mais tout de suite il était question d'un tarif autre, bien que nous leur apportions un public de 200 personnes à coup sûr.

Heureusement, il y a quand même une amorce : nous allons organiser un concours de pas de deux, en danse classique, et nous obtenons pour cela la salle gratuite - en contrepartie, ils ont les bénéfices de la cafétaria. Mais nous avons été en contact pendant plusieurs années avec le syndicat d'initiative qui nous louait une petite salle, eh bien c'était 10.000 F la semaine pour pouvoir monter sur les planches le soir pour faire un spectacle de théâtre.

Cela, contrairement à Libramont, où nous occupons tout le mois la salle du foyer culturel de 450 à 500 places, gratuitement sans problèmes : là nous sommes quasiment chez nous, là c'est vraiment une collaboration de la ville.

De toute façon, le mois de juillet est en général un mois creux au point de vue culturel, alors ils ont tout à y gagner une notoriété pour leur salle, tout qui y passe en dit du bien parce qu'elle est remarquable.

A Neufchâteau, rien de pareil. On voit la file de l'académie en se disant pourvu qu'ils s'arrêtent à notre terrasse. On voit d'un mauvais oeil qu'on ait une cafétaria.

Q: N'y a-t-il pas eu des problèmes aussi avec ce camping qui a été supprimé ? Etait-ce dû aussi à des frictions avec les gens de Neufchâteau ?

R: Non, là c'est un autre problème. Le problème vient plutôt des participants eux-mêmes. A un moment donné, nous avons annoncé la possibilité d'aller dans cette pâture - c'est une pâture et rien d'autre - que l'école des Frères mettait à notre disposition moyennant légère rétribution - qui devenait de plus en plus conséquente pour peu ou pas de services offerts - et en contrepartie, ceux qui l'occupaient estimaient que c'était un camping et qu'on devait leur fournir l'eau et l'électricité, toilettes, etc.

D'où frictions, d'où accumulation de déchets et plaintes une fois que les stagiaires étaient partis parce que l'académie laissait des tas d'immondices et d'autres choses, d'où les stagiaires qui finalement remontaient à St Michel se laver et éventuellement chercher matelas et couvertures.

On y perdait ainsi et on a dit : on supprime le camping, il y en a quand même trois dans la ville, allez-y. Donc on apporte encore à Neufcâiteau un mouvement financier. Je ne sais pas ce que ces campings valent, s'ils sont bien équipés, si c'est en rapport avec les prix demandés.

Je sais que'la solution de départ était commode pour les stagiaires et bon marché. Mais il y avait aussi des non-stagiaires qui s'y installaient, et on payait la redevance pour eux. Savez-vous qu'il y a deux ans, lorsqu'il y a eu un vol de matériel vidéo à l'athénée, les gens de Neufchâteau ont tout de suite dit que les auteurs étaient les stagiaires ! On a ainsi failli ne plus avoir l'athénée. Heureusement, un an après on a retrouvé le matériel, ce n'était pas nous ...

Q: Un dernier mot, pour conclure ?

R: Je répéterai ma proposition de dialogue constructif. Je crois qu'il y a des animateurs valables en Flandre ou en Hollande par exemple; en Angleterre aussi, mais là le déplacement et le coût peuvent peut-être poser un problème.

On pourrait en tout cas nous proposer d'autres animateurs, d'autres disciplines (par exemple élargir les ateliers d'accordéon à toute la famille : chromatique, concertina, bandonéon, s'il y a une demande pour cela), sans vouloir tout bouleverser bien sûr. Un petit groupe pourrait se former pour discuter de ces propositions.

D'autre part, quelqu'un pourrait peut-être se proposer pour participer activement à l'organisation de fêtes, de spectacles, que ce soit dans un camping, au centre culturel ou ailleurs, et éventuellement être légèrement rétribué pour ce travail.

Ce ne sont que des idées, qu'on pourrait discuter en juillet prochain.