CF 3 (janvier 1983)

DAnses POpulaires

DAPO, c'est aussi le sigle de la fédération wallonne des groupements de danses populaires...et aussi,depui peu, des groupes de musique populaire.Elle édite un bulletin, Infor-Dapo,qui renseigne les activités de groupes affiliés et des régionales.Serait-ce un concurrent du Canard Folk? Poser la question revient à donner la réponse: non bien sûr, ce serait dommage.

En dehors du fait que le Canard Folk,par sa politique de recherche active de l'information et par sa souplesse, fournit d'autres renseignements que Infor-Dapo, un constate que le public respectif de chaque journal est en partie différent.Clest ainsi qu'au bal du Canard Folk le 4/12, des danseurs et musiciens DAPO découvraient un autre public, et vice-versa.

En attendant de voir sous quelle forme une éventuelle collaboration pourrait naître, nous avons voulu en savoir plus sur cette fédération. Nous avons donc rencontré André Delers qui fut à l'origine de sa création.

Avant la guerre, André Delers fréquentait les bals de sociétés. On y dansait le tango, la rumba, le fox-trot entre autres.Lorsqu'il revient chez lui à Woluwé après la guerre, ses amis sont dispersés ... Il apprend que le groupe DAPO de la centrale wallonne des auberges de jeunesse, dont il est membre, donne un cours de danses folkloriques.C'est une institutrice qui joue du piano et qui enseigne des danses principalement étrangères, à un groupe dans lequel l'élément masculin est plutôt rare. Il y va régulièrement, jusqu'au moment de son mariage.

Plus tard, en 56, Bob Vandervorst glisse un papier dans les boîtes aux lettres du quartier de Joli-Bois: il crée un groupe de danse à l'école toute proche du domicile d'André Delers. Celui-ci y va avec son épouse; sa voisine, qui avait également fait des danses folkloriques, y va avec son épaux. Ainsi naît le groupe Farandole, composé au départ de huit personnes. Le moniteur, Roger Depage, joueur d'harmonica grand format, enseignait également à l'YWCA et avait été formé par la Volksdanscentraal voor Vlaanderen (VDCV). Il existait en effet une centrale en Flandre, mais pas dans la partie francophone du pays.

En 57, la commune invite à une manifestation, des groupes de danse. Deux francophones seulement y sont présents (Farandole et YWCA), et une majorité de néerlandophones.

D'où la nécessité de regrouper les francophones : Depage lance un manifeste pour une telle fédération, à l'instigation de Delers. Celui-ci parvient ainsi à réunir seize groupes de Bruxelles et de Wallonie.

Pourquoi une fédération, et non une centrale ? La fédération permet à ses membres de conserver leur autonomie; des stages et autres activités communes ont lieu régulièrement afin d'étendre le répertoire et de mieux connaître les autres groupes. Une centrale telle que la VDCV, avec un programme unique obligatoire, semblait par contre trop dirigiste.

Ainsi naquit la DAPO. Comme il n'était pas possible, vu l'attrait de l'exotisme, de faire danser de but en blanc uniquement des danses wallonnes, on a admis les danses étrangères dans le répertoire, en essayant de garder leur rythme et leur tempérament propres (au contraire de la VDCV, qui adapte le folklore international au tempérament flamand - ceci n'est pas un jugement de valeur).

Les danses wallonnes se sont progressivement répandues, au point qu'on peut parler d'une véritable résurrection, bien que certaines régions (Bruxelles et le Hainaut) restent encore réticentes à leur égard. Le répertoire wallon s'est d'autre part élargi grâce aux découvertes de Mme Thisse-Derouette (danses décrites par Jenny Falize) et de Raymond Dnis, notamment. André Delers cite également Walter Lenders, le groupe Rue du Village, Bob Vandervorst comme responsables de ce renouveau.

La fédération rassemble aujourd'hui environ 150 groupes et 2500 danseurs. Autant dire que, comme la plupart des associations de type culturel d'ailleurs, elle a connu un certain nombre de difficultés majeures entre autres avec les moniteurs. Pourquoi ceux-ci éprouvent-ils tant de mal à s'entendre entre eux? Pourquoi veulent-ils à tout prix montrer qu'ils connaissent des danses très compliquées? Plus généralement, il y a ceux qui considèrent les danses avant tout comme une animation, un délassement, voire un rapprochement des différentes classes de la société, et ceux qui y voient d'abord le côté spectacle. Ces derniers visent plus haut dans la technique de danse, exigent donc plus de discipline et de ce fait, risquent de lasser les participants.

D'autre part, financièrement parlant, ce n'est fias la joie qui règne puisque les subsides diminuent. D'où l'importance du bénévolat, accrue par le caractère dérisoire du montant de la cotisation annuelle.

Enfin, il existe évidemment d'autres groupes de danse non affiliés à la DAPO. C'est le cas, entre autres, des gildes, dont le répertoire est exclusivement wallon. Nous découvrirons leur fédération le mois prochain.

Nous ne pouvions pas mettre un terme à cette rencontre avec un "vieux de la vieille" sans lui demander pourquoi les danses wallonnes étaient nettement moins connues que les flamandes et les étrangères.

André Delers commence par remarquer que "folklorique" se traduit en flamand par "populaire". Or en Flandre, les gens du peuple n'ont longtemps parlé que leur patois, au contraire de la bourgeoisie. En opposition avec cette dernière, dont la langue (le français, qui était aussi la langue écrite) était fort éloignée du flamand, ces gens se sont repliés sur eux-mémes en gardant leurs traditions. C'est ainsi que les danses flamandes étaient encore monnaie courante dans les villages après 14-18. En Wallonie par contre, seuls quelques villages pratiquaient encore les anciennes danses, mais de manière moins prononcée.

Quant aux danses étrangères, l'explication varie de pays à pays. En Grande-Bretagne, Cecil Sharp donnait en 1911 le signal du renouveau des "country dances" en se basant sur d'anciens manuscrits. En Scandinavie, les danses étaient toujours à l'honneur. En Allemagne, le mouvement des auberges de jeunesse, fondé en 1911, était actif en ce domaine. Et chez nous, peu avant la dernière guerre, Josée Raymackers publiait les danses de tous pays connues à l'époque: britanniques, allemandes, scandinaves, américaines principalement ... et quelques belges. Il y avait aussi le répertoire international de la VDCV. Enfin, après guerre, d'autres pays sont venus s'ajouter à la liste : Europe de l'est, Israël, Portugal, ...