Anthologie du Folklore wallon - vol. 4 "Les airs à danser" (Decca 163.053)

Réalisation Claude Flagel et Françoise Lempereur. Supervision scientifique Roger Pinon. Conseiller technique Léon Geuens. Documentation Musée de la vie wallonne et le Commissariat Général au Tourisme. Mise en page extérieur Y.Van Geert/intérieure Pasture. Licence : Editions musicales fm.

Pays de passage, ouvert aux influences des peuples voisins, tôt industrialisé, la Wallonie a moins bien conservé le fonds de danses anciennes encore présent dans d'autres pays d'Europe occidentale.

Si la Danse des 7 sauts termine toujours les ducasses dans certains villages de l'Entre-Sambre et Meuse, ce en quoi elle a gardé son caractère rituel, elle ne constitue plus néanmoins qu'un divertissement. Il en estde même des Olivettes que sa filiation rattacherait aux danses de type pyrrhique et dont il ne reste chez nous qu'un jeu dansé.

Le goût du Wallon pour la danse l'a toujours poussé à adopter très vite les nouveautés, venant de la ville pour les campagnards, d'ailleurs pour les citadins. Il ne faut donc pas s'étonner de retrouver dans les anciens cahiers des ménétriers, des titres connus dans toute l'Europe, assaisonnés à la sauce wallonne : les très britanniques "Soldier's Joy" ou "Davie Knick Knack" pour danser la Matelote, le "Carillon de Dunkerque", ronde parisienne du 18e siècle, la "Badoise" ou "Klapptanz", germanique devenant la Danse dès Tchèrons, et bien d'autres encore, polkas, valses ou mazurkas.

Pas plus que les danses elles-mêmes, les instruments et le répertoire du monde médiéval ne sont arrivés jusqu'à nous, sauf en de rares points isolés du territoire wallon. Ainsi, le dernier joueur wallon de cornemuse, Alphonse GHEUX, né à Saint-Sauveur en 1850, est mort à Arc-Ainières (Hainaut) en 1936. Le souvenir de cet instrument, autrefois fort répandu dans le Hainaut, ne subsiste plus que dans la mémoire de très vieux habitants de la région d'Ath.

La vielle, instrument de musicien ambulant, de mendiant, s'est éteinte dans nos régions à la fin du 19e siècle ou même antérieurement.

Instrument par excellence pour faire danser, le violon a résisté quelque peu aux profondes mutations des 19e et début 20e siècles. S'il a survécu, dans les provinces de Liège et de Luxembourg surtout, à la guerre 1914-18, il a dû céder aux assauts redoublés de la grande crise économique des années 30 et à la guerre 1940-45. Témoin Henri SCHMITZ, l'un des derniers violoneux d'Ardenne, hélas disparu avant l'achèvement de ce disque.

C'est à Longchamps, petit village dans la région de Bastogne, qu'est né Henri Schmitz, le 10 août 1904. Vers l'âge de 10 ans, il se met avec deux de ses frères, à l'étude du violon, de l'accordéon, de l'harmonica (ou "musique à bouche") et de la clarinette. Leur professeur n'est autre que leur père, excellent ménétrier, lui-même fils de ménétrier. Ernest, frère d'Henri, se plaît à répéter que la plus grande partie du répertoire d'Henri (valses, mazurkas, polkas, scottishes, maclotes, etc) vient, via leur père, du grand-père, ancien berger, mort en 1934 à l'âge de 88 ans.

Vers 1922, Henri part travailler dans une usine de la région liégeoise; parfait animateur, il se produit en intermède dans un cinéma de la grande ville industrielle. Lorsqu'il a l'occasion de revenir au pays, il "joue bal" à quelque kermesse d'un village voisin. Le programme est simple : une heure de danses, une heure de chansons et histoires drôles, une autre heure de danse, etc. Afin de ne pas créer de jalousie, il change de café au cours de la soirée, la foule se déplaçant bien entendu avec lui.

A Longchamps, le 3e jour de la ducasse, le mardi, on chasse alors le "vèheû" (putois); unjeune homme figure l'animal et est suivi par tous les jeunes du village; cette "chasse" n'est qu'un prétexte pour se choisir une cavalière et comme elle se déroule en musique, c'est Henri, monté sur une charrette, qui accompagne le cortège en jouant force polkas ou autres danses entraînantes.

La crise économique des années 30 frappe durement le Luxembourg belge : l'argent se fait rare et le sabot de quête du violoneux n'est plus rempli. Henri arrête de jouer pour le public. Il arrête définitivement en 1940 car un soldat allemand lui prend son violon.... le violon du grand-père!

En 1973, à Champs, à quelques centaines de mètres de chez lui, a lieu le premier festival "folk" de Wallonie; un très vieux violoneux y joue de la "sirène d'amour", violon don't la caisse de résonnance est remplacé par un diaphragme et un cornet de phonographe : c'est Constant CHARNEUX d'Hemroulle, village voisin.

Henri connaît bien Constant, il l'a souvent entendu jouer car Constant, mort à 91 ans en 1975, n'a jamais cessé d'animer et de faire danser; il va, dit-on, fréquemment à Paris "faire la manche" dans les restaurants et les cafés.

Henri rachète un violon et dès 1974, il se produit sur scène; en 1975, le festival de Bastogne lui est dédié : c'est la "Fête à un Foyan"; en 1976, il participe au Festival of American Folklife, le plus grand festival de folklore jamais organisé, à Washington (U.S.A.). Quelques mois plus tard, une terrible maladie l'accable et, avant que nous n'ayons pu réaliser les derniers enregistrements (il avait accepté d'enregistrer pour nous sur une "sirène d'amour", les airs de Constant Charneux), il meurt le 4 octobre 77, regretté de tous.

Dans la seconde moitié du 19e siècle, un instrument nouveau, venu d'Allemagne, rivalise avec le violon : l'accordéon diatonique (appelé, "Harmonika" en wallon comme en allemand). L'accordéon ne tarde pas à se répandre en Belgique et les interprètes de chez nous acquièrent vite une maîtrise extraordinaire, utilisant les basses de façon plus riche, harmoniquement et mélodiquement, que nos voisins.

Issue comme Henri Schmitz d'une famille de ménétriers, Elisabeth MELCHIOR, 51 ans, de Walk (Waimes) est d'une habileté surprenante; excellente musicienne, elle a appris d'oreille un répertoire limité, certes, mais "authentique"; elle tient le "Carillon de Dunkerque" de sa mère, la "maclote"de son grand-père (né en 1854), la "mazurka" et la "scottish" de son oncle, violoneux, et la "Danse des Tchèrons" de son père, accordéoniste autodidacte, son premier professeur. C'est à l'âge de 4 ans qu'elle a commencé à jouer, sur un accordéon diatonique allemand. Plus tard, voulant jouer pour la danse, elle change d'instrument et achète un chromatique; elle revient au diatonique en 1974, lorsqu'on lui demande de participer à une émission de télévision. En 1976, elle se rend elle aussi aux Etats-Unis (Washington et Wisconsin), où elle recueille un franc succès. Ecoutez son étonnant accompagnement de la main gauche !

A l'époque où se répand l'accordéon, se développe parallèlement un nouveau mode d'exécution : c'est l'essor des petites formations de 3 ou 4 musiciens (violon ou accordéon, clarinette ou cornet, trombone et tambour), lui-même suivi à la fin du 19e siècle, de celui des fanfares.

Les danses les plus anciennes se réfugient sur la place publique où, curieusement, elles sont interprétées par les formations les plus modernes : fanfares ou harmonies. Ainsi, les crâmignons, interprétés ici par la Fanfare Sainte Cécile d'Eben-Emael, et la Danse des 7sauts, par la Fanfare royale "Les Patriotes" (fondée en 1891) de Morialmé.

Outre Henry Schmitz, Elisabeth Melchior et les deux fanfares citées, les interprètes de ce disque sont de petites formations comprenant de 6 à 9 musiciens, tous issus de fanfares ou d'harmonies : les musiciens du groupe "Les Moissonneurs" de Winenne, les "Vrais Amis" d'Acoz et les "Rescapés du Bal Champêtre" du val de Lasne. Remarquons, sauf à Acoz, la présence du saxophone, - inventé on le sait par Adolphe SAX de Dinant- issu du, "jazzband" et apparu chez nous après la première guerre mondiale.

FACE A

1. Crâmignons de la Basse-Meuse.

Fanfare Ste Cécile d'Eben-Emael.

Longue chaîne de danseurs se tenant par la main ou à l'aide d'une double poignée métallique, le crâmignon serpente, sautillant au rythme de sa fanfare, à travers les rues d'Haccourt, Hermalle, Eben-Emael ou Heure-le-Romain. Ici, dans cette région de la Basse-Meuse, le crâmignon est en effet rarement chanté, on a tout au plus adapté à la mélodie instrumentale quelques paroles satiriques à l'égard du crâmignon rival... Car chaque village d'ici est divisé en "partis de couleur" nés au siècle dernier : le parti bleu est celui des Libéraux, le rouge, celui des Catholiques. Chaque parti possède un local, un drapeau, un air de ralliement, une société de musique et, à la fête annuelle, uncrâmignon, pour lequel il s'efforce de recruter le plus grand nombre possible de jeunes gens non mariés. Le capitaine de la Jeunesse du parti conduit la farandole; selon l'importance du groupe, il tente de fuir ou de rejoindre le crâmignon du parti adverse. Lors de la rencontre, les deux fanfares jouent face à face et chacune cherche à imposer à l'autre l'air de son parti. Si l'une y parvient, elle entonne aussitôt "Li daye" (le "coup de grâce", en wallon) repris en choeur par les danseurs de son parti. Sur le disque figurent deux titres en une seule plage: 1900 et Li daye, enregistrés par la musique des " rouges » d'Emael chez les " bleus" d'Haccourt...

2. Le Carillon de Dunkerque. Elisabeth Melchior.

Ronde à changement de partenaire à chaque reprise. Commune à tous les recueils de contredanses du 181 siècle, on la trouve dans les méthodes de vielle de cette époque et en Wallonie, dans le cahier du ménétrier namurois Joseph Gaspard Wandembrile (1778). Les folklorisations de cette danse sont fort nombreuses, des pays de langue d'oc aux Flandres. Les versions de 1'Ile-de-France sont les plus proches du modèle parisien, alors que les influences des danses par couples du l9e siècle et de certaines survivances des contredanses ont plus marqué les variantes wallonnes.

Elisabeth Melchior ne connaît pas le titre de cette danse qu'elle nomme "scottish »; elle tient cette mélodie de sa mère qui, vers 1930, la lui chantait avec des paroles wallonnes :

So-dj' bèle, so-dj' gaye, so-dj' nète ?
Mi galant n' vinrèt-i nin ? etc
(Suis-je belle, suis-je élégante, suis-je nette ?
Mon galant ne viendra-t-il pas ?) etc.

3. Les Olivettes. "Les Moissonneurs" de Winenne.

Une danse wallonne qui a fait et fera couler beaucoup d'encre ! On lira, sous la plume de R. Thisse-Derouette (Danses populaires de Wallonie, fascicule 6, 1963) diverses hypothèses sur l'origine et l'expansion de cette danse en Wallonie; nous nous garderons de pren re position.

Au 19e siècle déjà, Winenne et les villages voisins du canton de Beauraing connaissaient les Olivettes, divertissement plutôt que danse proprement dite: le mercredi soir, 4e jour de la ducasse, les Jeunes, formant une longue chaîne, devaient serpenter entre plusieurs files de chaises séparées par d'étroits passages; celui, garçon ou fille, qui renversait une chaise payait une amende aux officiers de la Jeunesse.

La coutume est restée vivace jusqu'à la guerre 40-45; deux témoins, anciens membres de l'harmonie locale, Marcel NANNAN, 71 ans et Emile ROCHEZ, 80 ans, ont transmis la mélodie aux musiciens actuels mais la danse n'a pu se maintenir après guerre, "la jeunesse devenue trop sauvage prenant plaisir à casser les chaises"-.

4.5. Maclotes. Henri Schmitz. Elisabeth Melchior.

6.La Falise. Henri Schmitz.

Le nom est issu de "Matelote", contredanse en 6/8 de la fin du 18, siècle - forme encore attestée en Hainaut et en Gaume -. Peu à peu, la métrique 2/4 s'impose et les airs en 6/8 sont considérés comme anciens. Les thèmes sont d'origines diverses mais avec une prédominance des clichés mélodiques britanniques, quand ce ne sont pas des airs réellement attestés Outre-Manche. La pratique de la maclote s'est éteinte dans les bals à la guerre 14-18. Quelques survivances dans les réunions du 3e âge montrent un état très simplifié quant aux pas et aux parcours. Une diversité de styles et de formes correspondait à la diversité géographique : l'aire d'extension allant des Fagnes à la région de Bastogne. La dialectologie permet d'affirmer que, plus anciennement, la danse était répandue dans toute la Wallonie.

7. La Danse des Tchèrons. Elisabeth Melchior.

Elle reprend les mouvements d'une variante à figures de la polka appelée « Badoise », très populaire vers les années 1860. Les versions folkloriques sont très nombreuses dans toute l'Europe. Son dernier état porte souvent le nom de Polka des Bébés. Une amie d'Elisabeth Melchior, Philomène GEHLEN, 69 ans, de Sourbrodt, l'a vu danser vers 1922 dans les cafés de la région de Malmedy; menaces d'index, frappés des mains et tours sur soi-même : ses éléments existent déjà dans le Branle des Lavandières, que décrit Thoinot ARBEAU, au 16e siècle, dans son Orchésographie.

8. La Danse des 7 sauts.

Fanfare Royale "Les Patriotes" de Morialmé.

Les travaux en cours de Roger PINON apportent quantité d'éléments sur cette danse, répandue dans toute l'Europe.

A Morialmé, comme dans la plupart des villages de l'Entre-Sambre et Meuse, c'est la danse qui clôture la fête, le lundi, à la fin du bal. Toute la population se groupe pour former un cercle qui tourne en sautillant au rythme de la musique; l'orchestre termine la phrase musicale par un intervalle d'octave; c'est le premier saut: chacun bondit le plus haut possible et s'accroupit en retombant. La ronde reprend ensuite, se terminant chaque fois par un nombre plus grand de sauts. Les danseurs se séparent lorsqu'ils ont exécuté 7 sauts. Il s'agit là d'une exécution simplifiée, fruit d'un remaniement du 18e siècle pour salles de danse. Le saut est souvent remplacé par un simple accroupissement.

FACE B

1. Le Galop chinois. Les "Vrais Amis » d'Acoz.

Le "Galop chinois" s'apparente au cotillon, un des divertissements majeurs des bals bourgeois du 19e siècle. Son principe est, sur une succession de danses en vogue (galop, mazurka, polka, valse et scottish) une série de jeux dansés. Le "Galop chinois" d'Hymiée (Gerpinnes), sans s'encombrer des accessoires indispensables dans les salons, alterne ces différents rythmes.

La première description de ce divertissement date de 1893 : « A Hymiée, le dernier jour de la ducasse, (... ), les couples s'en vont danser devant les cabarets, font le carrousel autour de l'église, s'y mettent en rond, et tandis que la musique prélude au deuil de la fin de la kermesse par des accents de plus en plus tristes, nos jeunes gens répondent par leurs attitudes et gestes au rythme mélancolique, s'affaissent et finissent par s'accroupir sur les pavés, dans une position cocasse qui a l'air de je ne sais quel air. On appelle cela la danse des Chinois" (E. BRIXHE, Wallonia, 8, p. 131).

La description que donnent nos témoins correspond mieux au rythme de la musique: "le mardi de la fête, dès le coucher du soleil, la musique joue 5 fois en différents coins du village; elle commence à la route, au bas du village, où sont réunis seulement les chefs de la Jeuresse et leur cavalière, soit 10 à 12 couples; au fur et à mesure, les danseurs deviennent plus nombreux et, vers 1954, on compte jusqu'à 118 couples sur la place communale. Femmes d'un côté, hommes de l'autre, descendent jusqu'au fond de la place; deux « vieux » (c'est-à-dire "mariés") conduisent alors le galop : chaque premier couple forme un pont avec les bras, les autres passent en dessous; quand le premier couple est de nouveau devant, tous font le tour du kiosque. Chaque couple retraverse ensuite la place en courant et en s'abaissant; tous dansent ensuite 4 danses : mazurka, polka, valse et scottish.

La tradition s'est maintenue à Hymiée jusqu'en 1958-1959; elle a repris il y a 5 ans.

2. Mazurka. Elisabeth Melchior.

Tout au long du 19e siècle, le renouvellement desdanses de salon trouvait son inspiration en Europe centrale. Après la polka tchèque, la mazurka, sensée être polonaise, envahit les bals. Sa dernière évolution à Paris au 20e siècle, sera la java. La forme chorégraphique la plus courante est dite "polka-mazurka" parce qu'elle alterne un pas spécifique de mazurka avec un pas reprenant les appuis de la polka (quoique en métrique 3/4, ce qui donne plutôt un pas de valse !).

3. Aréoplane

"Les Rescapés du Bal Champêtre" du val de Lasne.

L'aréoplane (sic) est une forme assez répandue d'une variante de scottish. Elle est attestée sous ce titre jusqu'en Berry et en Haute-Bretagne. La position des partenaires l'un derrière l'autre, bras à l'horizontale, justifie cette appellation. La présente version a été recueillie par Bernard VANDERHEIJDEN auprès de Madame Maria Dumortier à Rixensart, le 25/l/1977.

4. Valse. Henri Schmitz.

C'est la première danse tournante en couple fermé qui, jugée d'abord scandaleuse, va imposer au début du 19e siècle un nouvel art de danser, en réaction contre les formes collectives des contredanses. A côté de la valse des salons dont l'apogée sera la valse viennoise, les Ländler de Bohême, plus rustiques et contenant d'autres figures qu'une simple giration, influencent au début la pratique en Wallonie. Leurs formes d'aujourd'hui ont abandonné les figures.

5. Varsovlenne. "Les Rescapés du Bal Champêtre"

Variante de mazurka au schéma bien fixé: passage de la cavalière de la droite à la gauche de son partenaire, puis à l'inverse, après avoir exécuté un pas de mazurka dans la première partie de la danse, 3 pas dans la deuxième. La troisième partie valsée que comportait la forme ancienne a disparu dans bien des endroits. C'est le cas en Wallonie. La Varsovienne qui figure ici était dans le matériel d'un orchestre de bal de la fin du siècle dernier. C'est Monsieur Raymond Rosier du Bourgeois-Rixensart qui l'a communiquée à Bernard Vanderheijden.

6.Scottish et Pèt' Marianne : Henri Schmitz.

7.Schottish. Elisabeth Melchior.

Née vers 1850 dans le cours de danse du maître parisien CELARIUS, la polka se répand très vite et avec de nombreuses variantes. Sautée ici, glissée ailleurs, son tempo n'est pas fixé dès l'abord. La variante dite scottish prend bientôt une place distincte, mais en Fagnes la différence entre les deux n'est pas bien établie sur le plan musical, alors qu'elle l'est chorégraphiquement. La scottish d'Henri Schmitz, qu'il nomme "Pète, Marianne", avec une note en pizzicato main gauche pendant qu'un mouvement de la main droite donne l'impression qu'elle est jouée du bout de l'archet dans le vide, est plutôt un numéro visuel de ménétrier-animateur qu'un air à danser. Celle d'Élisabeth Melchior, quoique désignée par l'interprète comme étant une scottish, s'apparente mélodiquement aux maclotes. Le thème de la première partie n'est autre que l'air de danse britannique "Davie Knick Knack", plus connu dans le Centre avec les paroles "Marceline, cirez vos bottines". Cette mélodie est l'air le plus connu des musiques de gilles. La deuxième partie est commune à plusieurs maclotes de la région d'Aywaille.

8. Les "Tchiques" et les "Caracoles".

"Les Moissonneurs" de Winenne.

Ces mélodies fournies par les mêmes témoins que pour les Olivettes, sont difficilement datables. Les danses sont probablement des formes décadentes de chorégraphies anciennes; toutes les deux furent exécutées jusqu'à la guerre 40-45, le dernier jour de la ducasse.

Les interprètes actuels décrivent les Tchiques comme une grande farandole au cours de laquelle on s'accroupit à certains accents musicaux; les Caracoles par contre était une danse en cercles fermés tournant en sens inversés. Elle était connue dans toute l'Europe. Une survivance de cette figure, appelée localement "Caracole" est encore vivace à Gougnies, près de Gerpinnes: ce sont les marcheurs qui l'exécutent, le mardi de la Sainte Rolende, sur la place communale.